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Moyen - Orient : l'adieu à «Oslo» ?

Le général Ariel Sharon ajoute à son palmarès de spartiate de nouveaux faits belliqueux et sa déclaration télévisée du 31 mars contient tous les ingrédients d'une logique de guerre. Le peuple israélien l'a élu, à une écrasante majorité, sur un programme

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Rien ne s'est opposé au fougueux général depuis sa démonstration provocatrice sur l'Esplanade d'Al Aqsa jusqu'aux menaces sérieuses contre Arafat «ennemi d'Israël et du monde libre». Cette seule phrase du discours de Sharon suffit à en décrypter les plus durs pronostics à l'encontre des Palestiniens : Arafat et les siens sont des ennemis comme ils l'ont été avant Oslo d'une part et sont des «terroristes» contre l'Occident (le monde libre !) capitalisant ainsi toute l'idéologie née de l'après 11 septembre.
Le général sait s'adresser au «peuple élu» et à l'Occident dont il se réclame ainsi et l'observateur averti constate dans l'écrasante majorité des mass-média de cet Occident une levée de boucliers contre les Palestiniens et une légitimation pernicieuse de l'action de l'Etat hébreux victimisé à l'extrême. Il est curieux de constater qu'à chaque crise du Moyen-Orient une série de faits sont épinglés comme indices de recrudescence de «l'antisémitisme» (les arabes ne sont-ils pas sémites ? et auquel les candidats à une course présidentielle donnent plus d'écho en prenant obligatoirement position.
Après le Sommet de Beyrouth et le plan arabe de la paix, les territoires occupés offrent le spectacle d'une situation très planifiée par le général Sharon : un réinvestissement militaire des zones palestiniennes pour en finir avec «Oslo» et la liquidation d'Arafat (même physique) qui laisserait la porte ouverte à une situation nouvelle dans laquelle Israël imposerait les diktat que ni Rabin, ni Barak n'ont pu faire admettre et a fortiori les dernières «intercessions» du général Zinni.
Quels éléments semblent constituer dans cette escalade guerrière des indicateurs crédibles face à l'incertitude béante du Moyen-Orient ?
- Le premier élément est que le monde arabe s'est rangé à un plan de paix qui a placé Israël dans une situation de peur face à la paix et détruit en réalité tout le plan échafaudé par Sharon. La paix contre les territoires arabes occupés est un principe légitimé par les Nations unies elles-mêmes mais constitue une équation pour laquelle Israël ne semble pas préparée car elle renie ses «mythes fondateurs» du «grand Israël» et de son «avenir» dans le Moyen-Orient arabe.
Ce plan arabe aussi légitime et juste soit-il, ayant été refusé par Israël, est un accélérateur, qui met Israël , les Américains et l'Europe devant leur responsabilité à partir du moment où la paix y est à portée de main si telle est la finalité recherchée.
- le second élément résulte du constat sur le terrain et dont la télévision nous transmet, hormis les paradoxes du propos occidental, l'irréversible mise en place de la logique de guerre : il y a actuellement superposition d'un déjà-vu de deux situations :
- Celle de la reconstitution d'un scénario de l'après 6 juin 1967 puisque le but de la mise en œuvre logistique est de rétablir une occupation totale des territoires palestiniens et la négation méthodique de toutes les institutions représentatives de l'»Autorité nationale palestinienne». Tous les processus sont ainsi niés puisque le général Sharon cherche la tabula-rasa, manu militari, comme si Israël venait à peine de pénétrer dans les frontières d'avant 1967 que les arabes revendiquaient hier à Beyrouth.
Nous sommes donc dans une situation où monde arabe et Israël (y compris l'Amérique) sont à des points diamétralement opposés. Dans cet esprit, pour Israël rien n'a plus existé dans ce qui fut déployé depuis 1967 en faveur de ce pays, les Nations unis jusqu'à Oslo en passant par le Liban. Les effets de la guerre des 6 jours semblent revenir comme si Israël voulait exiger encore une fois une capitulation sans condition. La seconde situation du déjà-vu est le siège du Q.G. d'Arafat à Ramallah qui reconstitue Beyrouth de 1982 et le face à face Sharon-Arafat se répète presque à l'identique et l'on se risquerait pas à y voir une revanche personnelle du général Sharon à la différence qu'exclusion faite des Européens représentants des pacifistes des ONG (dont l'antimondialiste Bové), les Etats européens sont plongés dans un mutisme qui en dit long sur leur perplexité sinon leur complicité à «en finir avec Arafat» dont le dernier discours de Sharon contient tous les ingrédients d'une offensive diplomatique contre les Arabes.
Implorer la paix
D'abord, en développant la thèse de l'»ennemi d'Israël et du monde libre» contre Arafat (soutenu hier par ses pairs arabes) le général cherche à effacer toute l'image que Arafat a pu reconquérir aux yeux de la communauté internationale depuis son discours historique aux Nations Unies (à Genève) où il brandissait le brin de l'olivier et l'arme pour implorer la paix) jusqu'à Oslo et les interminables poignées de mains avec tous les dirigeants israéliens … Ensuite, en capitalisant fortement la thèse américaine de la «guerre contre le terrorisme» depuis l'immédiat après 11 septembre. Cette capitalisation qui semblait au début comme cousue de fil blanc semble actuellement redoutable surtout que les Américains ont classé l'Irak dans l'»axe du mal» et que Sharon s'est employé à démontrer que l'actuel siège de Arafat est une opération contre des terroristes. N'a-t-on pas indiqué que la sommation, par hauts parleurs, pour que Arafat et les siens sortent «les bras levés» vise à humilier, à traîner le leader dans la boue comme un vulgaire malfrat. La menace contre la vie du président Arafat est sérieuse et le Maroc a réellement bien vu où se situait la priorité dans les dernières heures du dimanche 31 mars.
Le troisième élément enfin est que le monde arabe est en réalité isolé puisque les mass-média occidentaux (écrits et audiovisuels) ont dans leur écrasante majorité insisté à outrance sur la victimisation d'Israël alors que statistiquement les victimes sont parmi les Palestiniens quatre fois plus importantes depuis le début de l'Intifada. Le black-out est généralisé alors que le monde arabe se range à un plan de paix et non à la surenchère guerrière.
L'absence d'initiative, notamment européenne, alors que le représentant démocratiquement élu des Palestiniens et physiquement menacé, est insoutenable. Or, les commentateurs les plus pertinents dans les opinions occidentales insistent curieusement sur l'»après Arafat» comme d'un signe de ralliement à la thèse de Sharon. Cette thèse d'un «Arafat incapable de penser à la paix car né dans la haine d'Israël … « a été dernièrement diffusée par un politique israélien, Benami, sous couvert de l'analyse historique scientifique ! On avait cru à la sortie de cette vulgate sur «l'avenir d'Israël» que c'était l'œuvre d'un stoïcien travailliste vaincu qui retournait à ses bancs de faculté .Non ! c'est du béton qui est montreur de conduite. Pour preuve le candidat Alain Madelin, ultralibéral aux antécédents contre l'Islam dans l'affaire afghane (et non contre l'extrémisme) a totalement adopté la thèse de Benami en parlant de la nécessité de «tourner la page «Arafat» il y a deux semaines à la TV5 (chaîne francophone). Le ralliement des intellectuels israéliens à un dépassement d'Oslo (après l'échec de Barak) signifiait aussi le soutien du plan militaire de Sharon. Or, curieusement, les milieux intellectuels européens semblent retrouver dans la violence contre les Palestiniens un remède … qui mènerait à leur paix.
Le débat qui a eu lieu auprès le 11 septembre sur la réponse au terrorisme et notamment le distingo entre «résistance» et «terrorisme» est loin de faire son apparition pour reprendre les éléments nécessaires à une démonstration sur la révolution palestinienne. L'exemple de l'Afrique du Sud a pourtant démontré que l'issue dramatique peut être évitée.
Il y a une véritable incertitude sur l'avenir même tout proche sur la base des considérations suivantes. D'abord, Israël a-t-elle l'intention d'éliminer physiquement Arafat pour ouvrir une phase nouvelle comme l'a été probablement l'après Rabin en Israël ? Le martyr de Arafat engendrerait une mutation profonde puisque un «front de refus» radical se renforcerait au sein de la Palestine (Hamas, Hizbollah … ) et dans la région (Iran, Irak, etc …) contre les modérés. Si c'est celà qu'Israël recherche le Moyen-Orient plongerait dans la guerre et qui serait très grave si les Américains tenaient à la faire aussi à l'Irak et à l'Iran.
Ensuite, jusqu'à quel point les pays arabes du front (Liban, Syrie, Jordanie et Egypte), conserveront-ils leur position actuelle si Israël venait à liquider l'Autorité nationale palestinienne» et à expulser par milliers des Palestiniens vers leurs territoires ?
Le scénario de la guerre est possible si les Américains n'ont de réponse que celle que le Président Bush vient d'exprimer et qui légitime l'action de Sharon mettant tous les arabes sans exclusive dans l'impasse. Le moindre incident aux frontières la provoquerait.
Mais le risque de guerre peut être écarté si l'Europe en particulier venait à réactiver un processus tel celui de Madrid. Cela serait un retour à la case départ mais le Moyen-Orient est condamné à de telles donnes tant que l'Etat Israël n'intègre pas l'idée d'une paix juste et durable.
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