Menu
Search
Vendredi 19 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 19 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next L'humain au centre de l'action future

« La vie n'est pas une marchandise » de Vandana Shiva : Des brevets sur la vie

Qui ne connaît la brebis Dolly ? Mais qui sait comment le droit de propriété sur cet animal a été acquis ? Nouveauté des années 1980, des brevets sur les êtres vivants sont désormais accordés.
Dans son ouvrage « La vie n'est pas une marchandise», Vanda

No Image
Une passionaria. Incontournable figure de proue du mouvement altermondialiste, Vandana Shiva est une écologiste hors pair dont les ouvrages, les études et les prises de positions font référence. Physicienne de renom, docteur en philosophie des sciences, Prix Nobel alternatif, cette dame au visage aussi rond que les lunettes a quitté sa formation en physique nucléaire pour créer la Research Fondation for Science, Technology and Ecology, un réseau de chercheurs dont l'objectif consiste à redéfinir la recherche scientifique, en alliance avec des mouvements engagés sur les questions de pollution industrielle, de destruction des forêts, de mainmise du génie génétique sur la production alimentaire et, surtout, de réhabilitation de l'agriculture biologique et paysanne.

Un combat difficile, de longue haleine et qui nécessite une présence sur plusieurs fronts à la fois. Sa lutte contre les OGM, les pesticides, les semences industrielles, etc. en ont fait une ennemie jurée des multinationales de l'agrochimie et de l'agroalimentaire. L'un de ses haut faits d'armes : avoir converti, chemin faisant, 10 000 paysans à l'organique et à la sélection naturelle des semences pour qu'ils recouvrent une autonomie qu'ils avaient perdue à force de courir derrière le progrès. «Désormais, à l'instar du rouet de Gandhi, la semence est l'instrument de la liberté», s'est-elle écriée un jour face aux caméras des télévisions indiennes.

D'où la convergence de ses combats vers une quête de sens où le soutien à la défense de la nature a pris rang de philosophie. «Les sociétés occidentales, fondées sur l'argent et la consommation, génèrent ennui et violence. Si l'Inde peut transmettre à l'Occident une notion oubliée, c'est la relation de l'être humain à la nature ». Une affirmation qui lui a fait prendre des positions on ne peut plus osées. « Le terrorisme est tout ce qui plonge les gens dans la terreur. C'est bien sûr ce qui est actuellement identifié comme terrorisme en termes d'attaques imprévisibles contre la société.

Mais selon moi, on peut aussi parler de terrorisme lorsque les agriculteurs qui produisent notre nourriture ne peuvent soudainement plus gagner assez parce que des multinationales introduisent chez nous des produits artificiellement bon marché», affirme-telle chaque fois que l'occasion lui en est donnée. Alors Ben Laden et les laboratoires « x » ou «y» même combat ?
Il y a longtemps que Mme Shiva a franchi le Rubicon pour ne pas répondre par l'affirmative. Une position que son dernier ouvrage conforte aisément. Dans «La vie n'est pas une marchandise», elle dénonce l'actuelle dérive considérant la vie comme une vulgaire marchandise.

Flash back : Jusqu'aux années 1980, seuls les déposants et les examinateurs d'une demande de brevet, ainsi que leurs avocats, se préoccupaient de la propriété intellectuelle des inventions, qui consistaient alors en des machines et en des produits chimiques.
Deux événements ont transformé cet état de choses et fait de la question des brevets un enjeu politique crucial.

Le premier a découlé de la décision de la Cour suprême des Etats-Unis de traiter la vie comme une invention et, par conséquent, de permettre à l'Office des brevets de ce pays d'accorder des brevets sur le vivant.

Le second a été l'insertion par les Etats-Unis des droits de propriété intellectuelle dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Les brevets sur les formes de vie découlant de la biotechnologie ont, depuis lors, engendré des conflits d'ordre moral, écologique, économique et politique. Ceci d'autant plus que ce sont, souvent, le savoir autochtone et les innovations traditionnelles qui font l'objet de ces brevets déposés par des multinationales pour contrôler aussi bien des matières premières que des marchés du tiers-monde. La liste qu'elle dresse des premiers de ces brevets donne la chair de poule.

Pêle-mêle, on y trouve une souris dont la société Dupont a modifié le patrimoine génétique en y introduisant des gènes humains et de poulet, les brebis Doly et Tracy, les cellules du cordon ombilical des fœtus et des nouveau-nés, le gène du cancer du sein, le gène dit de l'obésité, des ADN de tribus chinoises, etc. Mme Shiva n'en reste pas là. Elle ne s'est d'ailleurs jamais complue dans une posture de spectatrice. Loin s'en faut parce qu'à travers tous ses écrits, elle a plutôt été une force de proposition. Dans «La vie n'est pas une marchandise», elle a récidivé puisqu'elle ne s'est pas limitée à démontrer la perversion de ce système, mais qu'elle a proposé une voie à suivre en matière de rédaction des lois, des brevets et des accords commerciaux internationaux.

Une voie qui mène vers le respect des droits fondamentaux des êtres humains, notamment en matière de nourriture, d'accès aux médicaments et aux soins, de protection de leur patrimoine culturel et intellectuel, ainsi qu'à la conservation de la biodiversité, facteur indispensable à la survie des peuples.

«La vie n'est pas une marchandise», Vandana Shiva, collection «Enjeux Planète», éditions Tarik, novembre 2004, 160 pages.
Lisez nos e-Papers