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Billet : Décalages

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IL y a une dizaine d'années, un peu plus même, mais cela n'a aucune importance, la campagne de communication pour drainer les touristes au Maroc s'intitulait « le Royaume aux mille Royaumes ». Chaque particularité était mise évidence. Le Royaume des couleurs; le Royaume des senteurs ; le Royaume des hauteurs ; le Royaume des profondeurs; le Royaume de la montagne ; le Royaume de la mer; tout y passait. Les attraits à mettre en valeur ne manquaient pas et les créatifs n'avaient nul besoin d'imagination pour composer des spots publicitaires du plus bel effet.

Les esprits tordus avaient adopté le slogan de cette campagne à leur manière et ils parlaient de pays aux mille vérités, de pays aux mille versions, de pays aux mille déclinaisons, de pays aux mille histoires, de pays aux mille décisions, de pays aux mille justices, de pays aux mille administrations, de pays aux mille familles ; ce qui, il faut en convenir, n'est pas totalement faux.

Beaucoup de décalages existent en effet. Chacun a sa propre version des faits. Parfois, la même personne soutient des thèses différentes, en fonction de l'interlocuteur ou de l'intérêt qu'elle peut tirer de telle ou telle version. On dirait que dans chaque tête il y a mille têtes. Nous avons un langage en aparté, un langage en famille, un langage en public, un langage avec les forts, un langage avec les faibles, un langage avec les riches, un langage avec les pauvres; le langage qui varie en fonction des circonstances.

Ce que nous interdisons aux uns, nous le permettons à d'autres. Certains sont récompensés pour tel acte alors que d'autres sont punis pour avoir entrepris la même chose. Les journaux, les partis politiques et les organismes, publics ou privés, n'échappent pas à cette règle bien de chez-nous. Nous sommes au point où un plus un ne font jamais deux, mais une toute autre addition, car cela dépend de ce que l'on veut faire du résultat.

La reproductibilité des résultats, c'est ailleurs. Cela s'est tellement ancré dans nos esprits que les attitudes et les prises de positions sont changeantes sans que l'on trouve rien à y redire. Tout le monde assiste en spectateur, parfois, par la force des choses, en acteur à tant de dérives sans broncher. Prenons le cas, par exemple, de l'affaire Slimani-Laafora. Le feuilleton dure depuis plusieurs mois. On se délecte des mésaventures d'anciens hommes forts.

Tout le monde en parle, mais personne ne se pose la question sur la véritable nature de ce procès. S'agit-il d'une véritable opération de moralisation de la vie publique ou d'un règlement de compte ? Dans les deux cas des interrogations ne manquent pas de s'installer dans les esprits soucieux de justice et d'équité.

Dans le cas où cette affaire serait un règlement de compte, pourquoi veut-on nous y associer et jusqu'où cela peut-il nous mener ? S'il s'agit de moralisation de la vie publique, pourquoi se limiter à un groupe bien déterminé ? Il y a bien eu des détournements avérés et des abus de biens sociaux opérés par des hauts fonctionnaires, des élus connus de tous, sans pour autant faire l'objet ni de tapage, ni de procès.

En principe, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les corrompus, les corrupteurs, les voleurs doivent être logés à la même enseigne. Pourquoi se focaliser sur certains et laisser d'autres profiter de biens mal acquis ? Si nous devons faire le ménage, faisons-le une fois pour toute.
Il y a trop de décalages et l'on gagnerait à ajuster nos montres, deux mille fois plus qu'une.
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