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Enquête de la Ligue marocaine de la protection de l'Enfance : 19 % des enfants mendiants vivent dans la rue

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Combien d'enfants mendiants existent dans la capitale et les villes avoisinantes ? Sûrement des centaines selon une étude réalisée par la Ligue marocaine de la protection de l'Enfance en collaboration avec l'Entraide nationale et le ministère de la Santé en 2004. L'étude fait état d'une triste réalité. Nous avons à notre tour approché quelques-uns de ces enfants qui nous ont parlé à cœur ouvert.

" Si je mendie c'est par nécessité. Ma mère est malade et mon père est décédé. C'est moi le responsable de la famille ", s'exclame Hicham, 12 ans. L'air chétif, il ne porte pas son âge. Il se réveille à neuf heures pour aller faire la manche dans la médina de Rabat et ne rentre chez lui à Salé qu'à 22 heures.

Entre 50 et 100 dirhams est son gain au quotidien. Mais, pour récolter cette somme d'argent, il doit subir chaque jour insultes, agressions et dédain. Les autres mendiants de la médina, il les connaît presque tous et essaie de ménager la colère des plus âgés et plus forts que lui. Cependant, un jour, dit-il avec un grand sourire, il essaiera de sortir de sa misérable situation. "Je ne veux pas être mendiant toute ma vie. Quand je serai plus grand, je pourrai travailler et gagner mon argent dignement ".

Ce sentiment de honte est éprouvé par bon nombre d'autres mendiants. Selon l'étude de la Ligue marocaine de la Protection de l'Enfance, presque la totalité des enfants mendiants enquêtés entre 8 et 12 ans (230 enfants) ne sont pas satisfaits de leur situation. Leur activité leur procure seulement de l'argent (77 %). " Au moment où ils demandent l'aumône, ils ressentent l'humiliation, l'indignation, le mécontentement, l'antipathie et parfois le désir de se venger".

Pour sa part, Farid, 11 ans, ne nie pas que c'est sa mère qui l'a initié aux " rudiments" du métier de la mendicité dès ses premiers mois. " «J'avais à peine quelques mois quand ma mère a commencé à m'emmener avec elle dans différents quartiers pour demander la charité aux passants.

La première phrase que j'ai apprise c'est : Sadaka ala Allah», dit-il avec ironie. Dès six ans, il était indépendant et pouvait aborder les passants lui-même. Il a appris à se défendre et à fuir le danger. Mais, Farid a été à plusieurs reprises agressé vu son jeune âge. Son cas ressemble à plusieurs autres enfants en bas âge acculés à mendier.

Ainsi, l'étude s'est intéressée aux enfants entre 0 et 7 ans. Le nombre total d'enquêtés accompagnant les enfants âgés de moins de 8 ans est de 273 dont 240 sont femmes. En groupe, ils pratiquent la mendicité le plus souvent dans les mosquées (32 %), les rues (29 %) et les souks ou supermarchés (16 %).

Une proportion importante gagne moins de 50 dirhams/jour alors que le quart d'entre eux gagne plus de 100 dirhams . 56 % des enfants sont des garçons. Dans la majorité des cas comme Farid, il existe une relation familiale entre l'enfant et l'accompagnant. Néanmoins, 15 % des enquêtés ont déclaré avoir loué l'enfant moyennant 50 à 100 dirhams par semaine. N'est-ce pas la plus grande des aberrations ? Comment arrive-t-on à exploiter un enfant de cette manière l'exposant ainsi à différents risques et nombreuses maladies ?

Les accompagnateurs affirment que le tiers des enfants souffrent d'une maladie chronique : le diabète, l'hypertension, l'asthme, la tuberculose, l'anémie, le rhumatisme, l'ulcère… " Ma fille est asthmatique et a besoin de médicaments qui coûtent cher. C'est en mendiant que je peux la sauver. Si je trouve un travail, j'abandonnerai la mendicité ".

C'est de cette manière que justifie cette jeune femme son activité. D'ailleurs, les deux tiers des enquêtés ont déclaré cesser de faire la manche s'ils trouvent un travail. La majorité d'entre eux ne sont pas satisfaits de leur situation, ressentant ainsi humiliation et indignation. Pour réduire la mendicité, ils pensent qu'il faut avant tout trouver une solution au chômage (37,7 %), s'occuper des enfants (35,9 %), avoir de la nourriture et un logement (9,1 %)…

Quant aux mendiants âgés entre 8 et 12 ans, les trois quarts sont des garçons. Les deux tiers sont âgés entre 11 et 12 ans. 25 % n'ont jamais été scolarisés, 9 % sont de niveau coranique, 64 % de niveau primaire et 3 % de niveau secondaire. De ce fait, ces enfants sont privés de leur droit le plus précieux : l'enseignement à une époque où l'on veut lutter contre l'analphabétisme et l'ignorance. Pire encore : 19 % des enquêtés sont des enfants de la rue, livrés à tout genre de danger et réfutant la société toute entière comme le petit Ahmed qui affirme avoir même changé son nom pour oublier sa précédente vie avec son beau-père : " Il me faisait subir toute sorte de châtiment sans commettre une quelconque erreur. Un jour, j'ai décidé de m'enfuir. La rue était mon seul refuge. D'ailleurs, elle n'a jamais été aussi dure que la maison de mon beau-père. Grâce à l'argent qu'on me donne, je me nourris ".

Abandon, décès où divorce des parents, maltraitance des parents ou de la famille, indisponibilité du père, famille nombreuse sont les principales causes de mendicité de ces enfants. Pendant leur temps libre, les deux tiers des enfants regardent la télé, écoutent la musique ou jouent. Aussi, qu'il soit riche ou mendiant, un enfant restera-t-il toujours un enfant ayant besoin de s'éclater et de jouer.

L'étude précise, par ailleurs, que durant les six derniers mois précédant l'enquête, 96 % des enfants résidaient dans la wilaya de Rabat-Salé-Skhirat-Témara. Les 4 % sont venus des provinces et préfectures voisines.

70 % sont des mendiants permanents et 30% des saisonniers. Ils sont sujets aux agressions (24,2 %), disputes et insultes (16,9 %) au harcèlement sexuel (10,8 %), maladies (10 %). Pour être plus forts, 29,9 % des enfants enquêtés déclarent constituer des groupes pour dominer les autres enfants, coopérer ou recueillir et partager l'argent…

Pour ce qui est des sentiments envers les mendiants, 81,3 % de l'échantillon (289 personnes) expriment de l'affection, 10,4 % du dégoût, 4,5 % de la haine. Presque les deux tiers préfèrent donner aux individus directement plutôt qu'aux associations non gouvernementales ou aux institutions gouvernementales. La pauvreté, la misère, le chômage, la délinquance, l'ignorance et le divorce sont autant de causes de la prolifération du phénomène.

Un plan d'action de lutte contre la mendicité devrait comme celui de Casablanca être effectué à Rabat par le ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité pour endiguer ce fléau qui nuit à l'image du Maroc et détruit l'avenir de plusieurs enfants.
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