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La compétitivité par l'éthique

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Notre pays a réalisé ces dernières années des avancées importantes dans la réglementation et la normalisation de nombreux domaines sociaux et économiques. Nous avons assisté ainsi, pour la première fois, à la naissance de certains codes de conduite dans différents aspects, et dont le code de la famille et le code du travail constituent les fleurons de cette dynamique. Il était important pour le Maroc de doter ces domaines de textes de loi qui régissent les relations entre parties et définissent clairement et équitablement les droits et obligations de chacun. Dans le monde de l'entreprise, souvent considéré comme espace miniaturisé de la société qui l'héberge, les relations et les pratiques sont aussi complexes et diversifiées qu'elles peuvent être fatales pour la survie de l'entreprise, si elles ne sont pas contenues dans un cadre de conduite prédéfini, expliqué et suivi par les responsables. L'économie marocaine, jeune et ambitieuse, est en passe de rechercher sa position dans un environnement mondialisé, où la compétition pour décrocher les marchés et séduire les investisseurs étrangers est très rude. Pour réussir ce challenge, il est nécessaire aujourd'hui d'être économiquement compétitif, mais aussi éthiquement rassurant.
Depuis les scandales financiers d'ENRON et World.com, beaucoup de donnes ont changé ; les multinationales imposent aujourd'hui à leurs filiales installées dans le monde entier de se conformer à leur référentiel de règles de conduite et de certifier régulièrement la sincérité des ingrédients du management : respect de la réglementation locale, fiabilité du contrôle interne et sincérité de l'information financière.
Clients et fournisseurs, surtout au niveau des échanges internationaux, cherchent de plus en plus à traiter avec des partenaires honnêtes et rigoureux. Les investisseurs étrangers sont en quête d'environnements transparents et sans risque de dérapage. Bref, nous assistons à une nouvelle prise de conscience du besoin de travailler dans un contexte sain dans lequel les règles du jeu sont connues à l'avance, touchant aussi bien les processus de prises de décision que les actes ordinaires de tous les intervenants. C'est pour cette raison que l'entreprise marocaine a aussi besoin de cultiver des valeurs éthiques dans son organisation et son système de management afin d'en faire un avantage décisif de compétitivité.
Ethique, déontologie, bonnes pratiques, des expressions que nous rencontrons souvent dans les organisations multinationales, beaucoup moins dans nos entreprises nationales. Il ne s'agit pas de dispositif qui s'applique uniquement à la violation de la loi, mais surtout d'un référentiel de comportements individuels et collectifs entre employés de la même entreprise, et vis-à-vis des clients, des fournisseurs, des concurrents, des actionnaires, de l'information utilisée dans le travail et tous les autres aspects de la collectivité et de l'environnement. L'objectif n'est pas de focaliser l'intérêt sur la réprimande de la fraude et des abus, mais d'encadrer l'ensemble des employés et autres intervenants en leur apportant des niveaux de conformité à satisfaire. Ces normes, une fois expliquées et mises en œuvre, devront faire partie intégrante des programmes de conformité de l'entreprise aux exigences tant internes qu'externes.
Dans toute organisation, le principe d'engagement dans les normes les plus élevées d'éthique et de conduite des affaires devra être établi.
Ce principe vaut pour tous les rapports avec les partenaires de l'entreprise et consiste tout d'abord à “ moraliser ” les actes individuels et collectifs et à les contenir dans un code (charte) qui définit les relations et leur étendue. Ce n'est qu'à travers ce code qu'on pourra informer et expliquer aux uns et aux autres l'engagement de tous pour :
• se traiter équitablement à tous les niveaux de l'organisation et dans des conditions de travail saines, sûres et constructives pour les individus;
• assurer une concurrence vigoureuse et loyale exempte de toute forme de discrimination et de violation de la loi sur la concurrence;
• créer la valeur et optimiser les ressources de l'entreprise pour garantir le meilleur rendement de l'investissement des actionnaires;
• faire de l'entreprise une institution de citoyenneté, de respect des lois, de la sécurité et de l'environnement.
Ces normes ont pour objet de définir les principes majeurs de l'organisation et doivent être inspirées des dispositions légales du pays, des usages approuvés de la communauté, de la politique générale de l'entreprise et enfin du bon sens.
Le code devra aussi exprimer les valeurs fondamentales qui permettaient à l'individu de veiller à éviter à tout moment, dans son travail ou ailleurs, les circonstances et les actions susceptibles de donner une impression d'irrégularité ou de faute risquant de discréditer la société.
Les employés seront aidés à éviter toute situation de conflit entre intérêts privés et intérêts de la société de manière à ne pas altérer leur indépendance et leur jugement. Il est souvent difficile d'entretenir des relations directes ou liens personnels avec d'autres employés, des concurrents ou des fournisseurs, sans que cette relation ne fasse surgir des intérêts personnels qui dénaturent la mission du salarié dans son entreprise.
Dans le cas où une quelconque situation de conflit d'intérêts s'avèrerait inévitable, il serait lucide de le porter à la connaissance de la société pour approbation comme ne portant aucun préjudice à ses intérêts.
Dans l'entreprise, on ne peut pas parler de code d'éthique sans qu'il soit une instance interne qui se charge de la définition des concepts standard et spécifiques, de l'explication de l'étendue des principes et enfin du suivi et du contrôle du respect des dispositions du code. D'une manière générale, l'entreprise, en fonction de sa taille et de sa structure, a besoin de se doter d'une cellule qui veille en permanence sur la sincérité des valeurs internes et sur l'efficacité du dispositif mis en place.
L'exemple des grands groupes américains est innovant en la matière ; cette fonction est souvent confiée à une entité autonome à la plus haute échelle de la hiérarchie et sous la responsabilité du “Business Practices Officer” qui a la charge de s'assurer que :
• les affaires sont conclues en conformité avec la loi, les procédures et les règles de conduite;
• de répondre aux questions des employés sur l'éthique;
• et de certifier aux hautes instances de gestion de l'entreprise que le management, sauf exception déclarée, ne présente aucun risque de dérapage.
Il est essentiel pour garantir au responsable de l'éthique dans l'entreprise toute l'assurance et la crédibilité requise, de le faire jouir d'une totale indépendance dans la structure et de le doter de toute l'autorité morale nécessaire pour travailler dans la transparence et la sécurité.
C'est aux entreprises que revient la responsabilité de concevoir leur propre code d'éthique en se référant aux exigences spécifiques des activités et des professions.
Mais il reste impératif que ce processus prenne une dimension de politique générale du pays et de son tissu économique.
La CGEM et les syndicats professionnels sont directement concernés par ce projet et doivent s'associer activement et sincèrement à le sortir au jour dans les entreprises marocaines de toute taille. Aussi, les instances administratives du pays devront-elles jouer le rôle de locomotive dans ce processus en s'engageant à élaborer et respecter leur propre code d'éthique.

L'initiative prise par la CGEM pour créer un comité d'éthique dans son enceinte et l'adoption par le gouvernement d'un plan d'action anti-corruption dans l'administration, pourraient servir de projets pilotes pour sensibiliser l'ensemble des opérateurs privés et publics au bien-fondé d'une démarche éthique. La compétitivité des économies émergentes passe désormais par les opportunités économiques qu'elles offrent aux investisseurs, mais aussi par la capacité à gagner leur confiance en leur assurant le maximum de sécurité des affaires.

* Jaouad Chkili - est administrateur de société [email protected]
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