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Le sens et les enjeux d'une visite

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L'audience que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a accordée hier au Palais Royal d'Ifrane au secrétaire d'Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, s'inscrit dans le cadre d'une concertation à la fois permanente et renouvelée entre le Maroc et les Etats-Unis. Elle intervient aussi à un moment où s'impose la coordination maroco-américaine sur une série de problèmes, dont le terrorisme et les tentatives de déstabilisation au Maghreb constituent les plus urgents et menaçants.

Les entretiens que le Souverain a eus avec le secrétaire d'Etat à la Défense couronnent aussi ceux que ce dernier vient d'avoir à Tunis et à Alger et, de ce fait, semblent mettre en exergue l'intérêt renforcé des Etats-Unis pour ce qu'on appelle à Washington l'Afrique du Nord. Ils illustrent également la profondeur des liens d'amitié que nos deux pays entretiennent depuis plus de deux siècles.
Le Royaume du Maroc avait été le tout premier en Afrique et dans le monde arabe à reconnaître en 1787 la jeune République d'Amérique.

Et l'échange de lettres entre le sultan Mohammed III et le président américain George Washington par lequel celui-ci demandait la coopération et le soutien du Maroc auprès de la Turquie, sollicitée pour laisser les navires de commerce américains traverser le détroit du Bosphore, atteste de l'exemplarité d'une amitié qui, au-delà des conjonctures, ne s'est jamais démentie. Mais qui, à chaque fois dans l'épreuve surtout, s'est trouvée consolidée.

Ainsi, pendant la seconde guerre mondiale, le Royaume du Maroc s'est-il engagé aux côtés des forces alliées contre le nazisme pour la libération de l'Europe, constituant alors un véritable partenaire dans la lutte pour la liberté contre le totalitarisme et l'intolérance. Mieux, notre pays avait fait le choix judicieux et courageux d'un système démocratique inspiré des valeurs du libéralisme politique et économique. Un choix stratégique qui, la guerre froide aidant, l'avait forcément placé de facto au sein sinon aux côtés de l'Alliance atlantique qui avait pour chef de file une Amérique confrontée au communisme.

Non que les enjeux d'une alliance stratégique – où le Maroc continue à jouer un rôle majeur – soient les mêmes aujourd'hui. Le communisme s'est effondré un certain 10 novembre 1989 mais il a cédé la place à d'autres menaces, à d'innombrables défis autrement plus sournois que les pays libres – dont le Maroc fait partie - entendent relever avec plus de conviction et de force. Leur dissémination, leur multiplicité et leur diversité soumettent, sous peine de les voir s'écrouler, les démocraties ou les Etats qui s'en réclament à un véritable aggiornamento stratégique et tactique.

Dans la région du Maghreb, sur cette lisière subsaharienne invisible, la menace n'est pas seulement potentielle mais réelle et omniprésente parce que des groupes armés, affiliés à la nébuleuse islamiste, salafya jihadia algérienne ou autres, s'activent dans le but de déstabiliser la région et de fomenter des agressions, notamment contre le Maroc. Ils se livrent à un dangereux trafic humain, d'armes et de drogue, parfois sous l'œil coupable pour ne pas dire bienveillant de certains gouvernements à peine discrets dans leur soutien à ce genre de sordides manipulations.

Le secrétaire d'Etat américain à la Défense s'est fait fort de dénoncer une telle situation, réaffirmant l'inquiétude de son pays «quant à la capacité des extrémistes violents à agir au Sahara» ! Il a aussi annoncé la décision d'empêcher la sanctuarisation des foyers terroristes dans cette région. On ne peut que s'en féliciter, d'autant plus que la menace terroriste qui prospère dans ce fragile terreau désertique, sur les frontières algéro-malienne, nigéro-malienne et mauritano-algérienne, a vite fait d'être récupérée et instrumentalisée par le polisario qui en fait, à l'évidence, son bras armé contre le Maroc.

Il reste que cette même menace constitue seulement la face visible d'un immense iceberg qu'est la sourde et implosive mosaïque éthnico-religieuse, où se trouveraient confrontés à terme gouvernement algérien et Touaregs, gouvernement malien et Touaregs, gouvernement mauritanien et groupuscules islamistes du Nord…

Est-ce à dire que la région du Sahara, prise dans son acception la plus large, est devenue de nos jours un champ privilégié de la subversion ? La réponse ne saurait en effet sacrifier à l'impassibilité, tant il est vrai que la visite de Donald Rumsfeld constitue l'exemple à la fois d'une prise de conscience collective et d'une rédhibitoire volonté de Washington et de ses alliés d'une riposte appropriée. C'est désormais d'un vaste assainissement dans la région qu'il convient de parler, d'une vision collective de sécurité régionale et de l'engagement de chaque Etat visité par le responsable militaire américain qu'il faut mettre en œuvre.

Le terrorisme n'a pas de nom et pas de signature non plus , il se glisse dans le dédale des divergences interétatiques et frappe inexorablement là où l'on ne l'attend pas. La riposte devrait être concertée et préventive pour être efficace. Donald Rumsfeld préfère dire «offensive»… Cependant, un minimum d'entente entre les partenaires du Maghreb semble nécessaire, il constitue à vrai dire un préalable avec engagement que la coopération suppose le respect de l'intégrité territoriale et la souveraineté des Etats.

Le contexte actuel ressemble à s'y méprendre à celui des années de la guerre froide, marquée alors par une impitoyable rivalité américano-soviétique sur tous les fronts de la planète. La confrontation oppose à présent le monde libre aux groupes terroristes et ceux-ci, disséminés mais organisés selon de nouveaux codes, ne sont pas à leur manière aussi désarmés que le fut l'URSS d'autrefois qui donnait des cauchemars aux dirigeants américains. Sauf que dans la guerre actuelle, chaque Etat, quelles que puissent être ses motivations, ne peut pas ne pas se reconnaître dans cette parabole de violence larvée ou patente. L'Algérie elle-même a vu l'approvisionnement en gaz de six de ses villes interrompu par des actions de violence.

En Mauritanie, les groupuscules islamistes menacent en permanence la stabilité nationale, au nord du Mali, ils sont légion, incontrôlables et invisibles.

Sur la frontière méridionale du Maroc, le polisario met à profit la déshérence migratoire et tous les trafics illicites pour agresser notre pays...En décembre dernier, une douzaine de terroristes présumés n'avaient-ils pas été neutralisés à Casablanca, n'avaient-ils pas avoué leur appartenance à un groupe armé agissant à la frontière algéro-malienne, c'est-à-dire la salafya jihadia ?... A coup sûr, la région du sud du Maghreb, si l'on n'y prenait garde se transformerait en sanctuaire terroriste et menacerait à plus ou moins long terme non seulement la stabilité régionale mais aussi celle de l'Europe.
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