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Urbanisation et démocratisation

Par Mohamed Khalil BENKHADRA,
Architecte-expert, membre du Conseil 110nal de l'ordre des architectes

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En ce mois sacré de jeûne, le nouveau Premier ministre a du pain sur la planche : les tractations avec les partis politiques (tous assoiffés de pouvoir et se réclamant tous de la majorité) et la désig110n des membres de la nouvelle équipe gouvernementale risquent d'occulter l'importance du programme du futur gouvernement.

Personnellement, j'ignore totalement à quelle sauce nous allons être dégustés. Suspense. Electeur non assidu, électrice égale, vous risquez d'avoir à payer la note très salée d'un comportement abstentionniste malséant, mal vu et pas encore avalé par les politiques.

J'aimerais savoir cependant, si on va continuer à entretenir les bidonvilles des villes sans bidonville pour le bien des élections et si on va continuer à entretenir la rareté des terrains, la hausse des prix et la spéculation immobilière et à délirer éternellement sur les aménagements dont les études arrivent toujours trop tard et bien après les évènements, si l'urbanisation n'est qu'improvisation tardive, si l'aménagement du territoire, l'urbanisation et l'environnement continueront à faire chambre à part, si le tandem périmé «habitat et urbanisme» subsistera, si l'investissement restera toujours tributaire de mille et un avis très partagés, si l'urbanisation est la chasse gardée de certains initiés, si la ségrégation urbaine a encore de beaux jours devant elle, si le favoritisme et les délits d'initiés…

Si le nouveau gouvernement a beaucoup de pain sur la planche, il n'aura pas nécessairement recours aux bouchées doubles, finesse oblige. Pour ma part et comme tous les citoyens, j'ai soif de savoir et bien sûr de changement, et bien sûr de célérité.

Nous savons par exemple que l'élaboration des documents d'urbanisme est un processus sclérosé où ni l'efficacité ni la célérité ne sont de mise. L'étude d'un SDAU (shéma directeur d'aménagement urbain) se fait dans des conditions tellement peu convaincantes et peu confortables, que lorsque ce SDAU est approuvé, il est déjà dépassé, vu le temps qui a été consacré à sa préparation, aux enquêtes, à la collecte des données et analyses préliminaires. Car la ville évolue très vite. Et les études doivent aller plus vite et surtout viser juste et très loin.

Une fois le SDAU approuvé, on entame la phase d'étude des différents Plans d'aménagement, Plans de développement, etc. Nous savons que de telles études peuvent nécessiter entre trois et sept années, voire plus, d'où leur inutilité évidente. Pendant ce temps, qu'est-ce qu'on fait ? Pendant tout ce temps précieux, la ville étouffe, se bidonvillise et se ruralise, et les campagnes s'urbanisent anarchiquement, les terrains constructibles se font de plus en plus rares, de plus en plus chers. Les prix des constructions (logements, bureaux, commerces, etc.) subissent la double répercussion de l'envolée des prix des terrains et de la supériorité de la demande par rapport à l'offre des promoteurs immobiliers.

Ces retards considérables dans la production des documents d'urbanisme encouragent les spéculations de toute sorte et constituent un frein au développement économique et 116ial, à l'investissement, à la création d'emplois, etc.
Il n'y a pas d'urbanisation responsable sans célérité ; il n'y a pas de développement sans célérité, notamment dans la production des textes de loi. Un pays qui se développe doit savoir adapter très vite ses textes aux nécessités de l'heure. C'est valable pour les documents d'urbanisme.

Le processus d'urbanisation engagé reste tributaire d'une démocratisation régionale et locale, de mesures responsables réelles et réalistes où le souci de la célérité irait de pair avec celui de l'efficacité.

Décidément, l'urbanisation, au rythme actuel, est mal partie. Car ce n'est plus d'urbanisme qu'il s'agit mais bien d'urbanisation ; c'est la différence entre la théorie et la pratique. Si l'urbanisme est une «science» qui s'enseigne à l'université, l'urbanisation est une réalité pratique et quotidienne qui se gère avec responsabilité ; et l'urbanisation, c'est l'affaire de tous ; nous sommes tous concernés.
En vrac : citoyens, élus, autorités, architectes, urbanistes, ingénieurs, promoteurs, entrepreneurs, organismes publics de la santé, de l'enseignement…, organisations professionnelles et chambres de commerce, de l'artisanat, de l'industrie, du tourisme, des tran114s (urbains), etc.

Tout ce monde est directement concerné par l'urbanisation et doit être représenté pour exprimer son avis et ses besoins en permanence, au sein de Conseils régionaux et locaux de l'urbanisation et de l'aménagement du territoire, qui restent à mettre en place.

Cette représentation permanente permettra d'avoir la température de la ville et de la région en permanence et en temps réel, car il ne s'agira pas de faire de la figuration mais de définir, redéfinir, mettre à jour et projeter les nouvelles orientations en matière de programmation et d'urbanisation à différentes échelles ; il n'y a pas d'urbanisation responsable sans célérité, compte tenu des enjeux.

Ces Conseils régionaux et/ou locaux de l'urbanisation travailleraient en étroite collaboration avec les agences d'urbanisme dont la tâche de révision permanente et de mise à jour des documents d'urbanisme serait facilitée ; on n'aura plus à attendre dix ans pour se pencher sur la question de savoir quand et comment on refait le SDAU, les PA, etc.

Les modifications et mises à jour seraient produites annuellement par les agences urbaines, sur la base d'un programme et sur proposition du Conseil qui aurait à gérer également la délicate question des dérogations jusqu'à leur disparition (elles disparaîtront lorsque la vitesse de production et/ou de mise à jour des document d'urbanisme aura été atteinte) ainsi que celle de la création de villes nouvelles pour encourager l'exode urbain et/ou freiner l'exode rural.

Cette proposition suppose un travail permanent et responsable des membres des Conseils régionaux et/ou locaux. La coordi110n des actions des différents Conseils serait assurée, on l'aura deviné, par un Conseil 110nal ou supérieur de l'urbanisation et de l'aménagement du territoire.

Le tandem habitat et urbanisme a montré ses limites et même si l'on n'arrive pas à regrouper les départements de l'urbanisation, de l'aménagement du territoire, des collectivités locales et de l'environnement au sein d'un même ministère, cela n'empêchera pas les Conseils 110naux, régionaux et locaux de fonctionner efficacement, compte tenu de leur autonomie supposée et recommandée et de leur composition pluridisciplinaire.

Le message royal, dont lecture a été donnée, lundi 3 octobre 2005 à Rabat, par le Premier ministre, précisait :
« Eu égard au caractère transversal du secteur de l'urbanisme et aux responsabilités communes à bon nombre de ses 111venants, aux niveaux 110nal, régional et local, une bonne préparation du nouveau code devrait se baser sur une approche démocratique fondée sur une large concertation avec l'ensemble des secteurs et des instances concernés, ainsi que sur une implication des promoteurs immobiliers et des acteurs locaux, notamment le secteur privé concerné par l'habitat 116ial.

Il faudrait également engager un dialogue constructif avec ces opérateurs et se mettre à leur écoute tout en veillant à la périodicité et à la régularité de ce dialogue au niveau régional, et ce, sous l'impulsion des agences urbaines, qui, ainsi que Nous l'avons souligné dans le Discours du Trône de cette année, doivent s'acquitter pleinement du rôle qui est le leur. »

Le message royal concluait en encourageant à «mettre au point une nouvelle architecture juridique, à même de faire de ce secteur vital une locomotive du développement économique et un ferment de la cohésion 116iale.»

Souhaitons au nouveau gouvernement la perspicacité, l'efficacité, la célérité et le courage nécessaires.
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