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Ibn Khaldoun, citoyen universel

S.A.R. le Prince Moulay Rachid a participé, jeudi à Séville (Andalousie), à l'inauguration par le Roi Juan Carlos d'Espagne et la Reine Sofia, d'une grande exposition sur la vie et l'œuvre du penseur arabe Ibn Khaldoun. L'exposition retrace à travers une

Ibn Khaldoun, citoyen universel
S.A.R. le Prince Moulay Rachid, le Roi Juan Carlos d'Espagne et la reine Sofia
Fêté en grande pompe mais séparément dans les trois pays du Maghreb, Tunisie, Algérie Maroc, mais aussi dans sa terre natale l'Andalousie, à l'occasion du 600e anniversaire de sa disparition, Ibn Khaldoun, sans le vouloir, se dresse aujourd'hui comme le témoin à charge contre le mur qui semble se dresser entre les peuples du Maghreb dans un monde de plus en plus global, de plus en plus intégré. Il faut dire que notre historien et philosophe a été de tout temps l'objet de dispute dans le monde arabe.

Ignoré, bafoué, dénigré parfois, depuis des siècles dans ce même monde arabe, il y devient aujourd'hui, après sa redécouverte par des orientalistes européens, un enjeu de taille qui renvoie aux réalités plus que problématiques de société : c'est à qui se l'approprie en exclusivité.

Il est Tunisien pour la Tunisie et rien d'autre; il est Algérien pour les Algériens et pas autre chose, et bien sûr il passait pour Marocain pour les Marocains. Même l'Egypte, la Syrie et l'Irak se l'arrachent étant donné qu'il a vécu et travaillé dans ces trois pays.

Comment Ibn Khaldoun définissait lui-même son identité à son époque, c'est-à-dire aux 14e siècle, bien avant la naissance des nationalismes et des frontières nationales ? Il se disait musulman tout simplement. Il se considérait chez lui, là où il y avait Dar Al Islam.

Ainsi il a vécu en Tunisie, a servi la dynastie Mérinide qui, faut-il le rappeler étendait son empire sur tout le Maghreb et sur l'Andalousie. Il a vécu également au Moyen-Orient, en Egypte puis en Syrie et en Irak où il a assisté à l'invasion des Tatars.

Puis il a écrit beaucoup sur tous ces pays, toutes ses sociétés qu'il considérait comme une et indivisible en tant que communauté d'Islam. Il n'était pas le seul à avoir cette vision. Ce n'était pas du tout une idéologie dont il se réclamait, c'était un vécu porté par l'évidence communément partagé à l'époque. Le fait de servir l'Etat au Maroc, en Tunisie et ailleurs en est l'illustration.

Né en 1332 d'une famille de notables et de lettrés andalous, il est l'héritier de la grande tradition philosophique de l'Andalousie qui a déjà donné de grands noms de la pensée tels Ibn Rochd, Maïmonide, Ibn Hazm et bien d'autres. Historiographe à ses débuts et faqih comme il sied à un lettré qui se respecte de l'époque, il se dirige peu à peu vers la réflexion philosophique au sujet des circonstances et des causes des évènements historiques, c'est-à-dire à la phénoménologie des actes humains et des sociétés.

Etait-il sociologue et initiateur de la sociologie ? Etait-il l'initiateur de la dialectique hegelienne ? Marxiste avant la lettre comme le voulait un certain Yves Lacoste ? Machiavelien comme le définit Abdellah Laroui ? C'est aux spécialistes de la chose de trancher. Lui, Ibn Khadoun, est sans aucun doute bien Khaldounien.

Voici ce qu'il écrit en guise d'introduction à la " Muqaddima " :
"J'ai suivi un plan original pour écrire l'Histoire et choisi une voie qui surprendra le lecteur, une marche et un système tout à fait à moi (...) en traitant de ce qui est relatif aux civilisations et à l'établissement des villes".
Et plus loin : "Les discours dans lesquels nous allons traiter de cette matière formeront une science nouvelle (...) C'est une science sui generis car elle a d'abord un objet spécial: la civilisation et la société humaine, puis elle traite de plusieurs questions qui servent à expliquer successivement les faits qui se rattachent à l'essence même de la société.

Tel est le caractère de toutes les sciences, tant celles qui s'appuient sur l'autorité que celles qui sont fondées sur la raison." Tout au long de son oeuvre, il souligne la discipline à laquelle doivent s'astreindre ceux qui exercent le métier d'historien: l'examen et la vérification des faits, l'investigation attentive des causes qui les ont produits, la connaissance profonde de la manière dont les événements se sont passés et dont ils ont pris naissance.

Quant à sa philosophie de l'histoire, il la résume lui-même en quelques mots : " Les empires ainsi que les hommes ont leur vie propre (...) Ils grandissent, ils arrivent à l'âge de maturité, puis ils commencent à décliner (...) En général, la durée de vie [des empires] (...) ne dépasse pas trois générations (120 ans environ)."
Ce qui fait dire à un certain Arnold Toynbee qu'il a "conçu et formulé une philosophie de l'Histoire qui est sans doute le plus grand travail qui ait jamais été créé par aucun esprit dans aucun temps et dans aucun pays."

Quelle est l'actualité d'Ibn Khaldoun dans notre monde d'aujourd'hui, au-delà de sa philosophie de l'histoire, au-delà de son apport à la sociologie ?
C'est Ibn Khaldoun, lui-même, en tant que " citoyen" universel.
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