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Société : Achoura entre dans les grandes surfaces

Fait impensable jusqu'à il n'y a pas longtemps, les «tâarej» côtoient yaourt et baguettes sur les rayons et dans les caddies.

Société : Achoura entre dans les grandes surfaces
C'est bien le nouvel an de l'Hégire, mais bon nombre ne le fêtent pas. Par contre, pour penser à Achoura, non, personne ou presque n'oublie. Non pas l'événement religieux mais plutôt les jouets et «tâarej» à offrir aux petits et grands. Jusque-là, rien de nouveau.


Nous avons l'habitude d'assister chaque année à la même période à la ruée vers les kissariate pour justement se procurer mille et une tâarija, darbouka (instruments de percussion constitués d'une poterie comportant une ouverture couverte de peau de mouton parcheminée) et bendir (autre instrument de percussion, formé d'une mince bande de bois sur laquelle est tendue d'un côté une peau de chèvre), en plus des jouets pour les chérubins. La nouveauté cette année, c'est que les grandes surfaces se sont mises aux couleurs de Achoura.

Après les moutons mis en vente dans leur parking ainsi que les mjamer (braseros) pour l'Aïd el Kébir, c'est le tour des instruments traditionnels de musique, incontournables en cette occasion. Les mordus de ces espaces commerciaux, devenus des espaces de loisirs pour la famille marocaine moyenne, n'ont pas failli au rendez-vous ce week-end. Ils y étaient, notamment à Casablanca, par centaines, dans chacun des grands quartiers de la ville. En plus des quelques yaourts, biscuits et baguettes de pain habituels pour justifier la grande tournée d'une heure et plus à travers les rayons, il y avait dans les caddies des taârej. Ethique des grandes surfaces oblige, même celles-ci sont empaquetées.

Mokhtar et Halima, avec leur petit garçon Yassir, en ont acheté trois.
«C'est plus pratique de les acheter avec les courses de la semaine, ça m'évite la foule à la kissaria le week-end prochain. Et puis les enfants ne risquent pas de les casser avant la veille de Achoura puisque les darbouka sont plastifiées donc protégées», nous précise la maman.

Quant à Abderrahmane, le père d'une fillette de 2 ans, il ne s'est pas empêché d'acheter avec les denrées alimentaires un petit tam-tam et une taârija. «Je suis venu faire les courses comme tous les dimanches et en voyant les jouets et les tâarej, je me suis rappelé mon défunt père qui m'en ramenait tous les ans à cette occasion.
Il me revient de perpétuer cette tradition avec ma petite», déclare-t-il, quelque peu nostalgique.

Un des commerciaux de permanence cet après-midi corrobore notre constat, «c'est impressionnant, il n'y a pas une famille qui sort sans instruments de musique aujourd'hui, en plus des fruits secs et du poulet pour l'occasion du Fatih Moharrem.
C'est un excellent créneau, nous avions l'habitude d'exposer des jouets pour toutes les bourses mais cette année, nous avons décidé de mettre aussi des instruments de musique et comme vous les constatez, ça marche», lance-t-il avec un large sourire.

Encore mieux, Abdessamad, un jeune commerçant, vient carrément s'approvisionner en taârej dans cette grande surface. Il en a acheté une bonne cinquantaine et argumente son choix : «C'est de la bonne qualité donc je peux les revendre au prix fort».
C'est tout de même étonnant de voir ça, alors qu'ils risquent d'être les plus grands perdants de cette affaire, vu cette concurrence qui s'annonce rude.

La réponse de Abdessamad est pourtant rassurante : «Pas tout le monde viendrait ici pour en acheter, les gens ont encore tendance à s'en procurer dans les marchés populaires. Je trouverais sans doute acheteur à ma marchandise, surtout que beaucoup de clients exigent une bonne qualité principalement pour la darbouka». Dans quelques jours, on saura ce qu'il en est.
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Mutation vers la tradition

Quelle explication peut-on donner à ce changement de plus en plus spectaculaire de la vocation des grandes surfaces? Installées dans un premier temps pour moderniser les habitudes d'achats des Marocains, on les voit petit à petit verser dans l'esprit du grand souk traditionnel où on peut acheter broches et braseros pour l'Aïd el Kébir ainsi que mouton, baghrir et msemen pour le ftour du Ramadan, vêtements pour enfants pour Aïd Al Mawlid et depuis peu, des tâarej pour Achoura…
Malheureusement, il est très difficile de trouver des spécialistes dans le domaine sociétal qui s'attardent sur ce genre de microphénomènes, fort intéressants et très répandus.

Ce sont ces derniers qui, regroupés, forment un tableau complet des changements que connaît la configuration de notre société.
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