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Une Marocaine en Palestine

«Follow the women» se paie une virée à Al-Qods, à l'Eglise de la Nativité et à Sabra et Chatila
Etrange peloton de cyclistes que celui ayant sillonné, douze jours durant, les routes de plusieurs pays au Proche-Orient. Elles étaient quelque 250 f

Une Marocaine en Palestine
C'étaient, en fait, les activistes de «Follow the women» (Suivez les femmes), l'organisation internationale qui œuvre pour la paix, ainsi que pour la promotion des droits de la femme et de l'enfant et la cessation de la violence au Proche-Orient. Il s'agit d'une récidive de ce mouvement constitué de femmes engagées, à travers leurs associations et leurs pays respectifs, vu que leur premier acte du genre dans la région remonte à l'année 2003.

La particularité de cette mouture 2007 est que, pour la première fois, une Marocaine s'est jointe au lot de ces militantes. «La motivation de mon engagement dans ce raid, à la particularité avérée, se résume en deux mots : paix et justice. Il était question d'être solidaire avec les femmes dans la région, et d'établir le constat d'une réalité souvent biaisée par les médias, une réalité politico-économique flagrante», explique Meryem Kaf, journaliste et doctorante en communication.

Et de poursuivre : «Il s'agissait également d'initier une démarche de paix par le biais des femmes qui, avec les enfants, constituent les principales victimes dans ce conflit. Accessoirement, cela m'a permis de réaliser des reportages sur place». Séduite par l'idée, la jeune femme ne pouvait soupçonner la secousse émotionnelle qui la guettait, inhérente à la découverte de l'amère réalité sur le terrain.

Mais, surtout, elle ne pouvait avoir idée des déboires que lui avaient soigneusement concoctés les autorités israéliennes, en guise d'accueil sur les frontières jordano-palestiniennes. Une fois à Alep, ville du nord-ouest de la Syrie, les participantes ont entamé, le 7 avril, leur périple entre chemins montagneux, sinueux par moments, traversant grandes agglomérations, petits villages ou camps de réfugiés palestiniens.

Lors de cette étape, elles auront droit à une surprise de taille : la première dame du pays, Asmae Al-Assad, épouse du président Bachar Al-Assad, en pantacourt et T-shirt, enfourchera sa bicyclette et se mêlera sans gêne au mouvement, donnant le départ à partir d'Alep. Une façon pour elle d'encourager ces descendantes d'Eve dans leur démarche de paix et de justice. Après la Syrie, destination le Liban, où les «women» constatèrent de visu la barbarie signée de la griffe du voisin, lors du dernier acte de destruction massive dont a été l'objet le pays du cèdre.

«Nous avons traversé Saïda à Beyrouth en vélo, avec notre message de paix traduit dans toutes les langues, et c'était émouvant de voir les conséquences et les atrocités de la guerre contre un si joli pays. Les enfants et les femmes affichaient une chaleur exceptionnelle à notre passage, en nous applaudissant, tous sourires dehors», raconte Meryem.

Le fait qu'elle soit la seule et la première Marocaine de l'aventure lui vaudra un passage sur les télévisions syrienne et libanaise. Et ce n'est pas son défaut de maquillage (on imagine bien la tête d'une dame qui vient tout juste de boucler une étape de plusieurs kilomètres à vélo !) qui la sauvera de la détermination des journalistes. Du Liban, le peloton sera de retour en Syrie, puis prendra le départ vers la Jordanie.

Ces dames joindront ensuite la Palestine, avant de regagner une nouvelle fois la Jordanie puis la Syrie. Au total, les participantes auront parcouru près de 300 kilomètres, mettant ainsi en relief leur détermination et, notamment, la valeur de leurs mollets !

Durant le parcours, lors de la première étape en terre de Palestine, les autorités israéliennes se joindront aux dames cyclistes… pour leurs mettre les bâtons dans les roues, en toute gratuité. En effet, lors de l'étape reliant la frontière jordanienne et Ariha, «Follow the women » parcourra à peine une dizaine de kilomètres et se verra interdire, sans avis préalable, de continuer son chemin. Plusieurs heures de prise de tête plus tard, les autocars devant les récupérer ailleurs feront un détour de l'autre côté des frontières pour procéder à un ramassage in extremis, les conduisant ainsi à Ariha.

Meryem, quant à elle, était promise à une autre histoire, sans tête ni queue, vu que c'était la seule arabo-musulmane à figurer dans le groupe, les autres femmes arabes (tunisiennes, algériennes, etc.) ont dû rebrousser chemin aux frontières jordaniennes, sachant à l'avance qu'elles seront bloquées, sans autre forme de procès, en territoire sous contrôle israélien.

«Il était hors de question de renoncer à cette étape qui représente l'essence même de mon engagement dans cette aventure», souligne la jeune dame. C'est ainsi que son entêtement lui vaudra une profonde désillusion, fruit de l'injustice contre laquelle elle est venue protester : le service d'immigration exigera un visa d'entrée.

Lequel visa ne pouvait, en aucun cas, être délivré, que ce soit au Liban ou en Syrie. «Mais j'y suis arrivée», raconte-t-elle, non sans une saveur de victoire. Cela lui a valu, tout de même, trois interrogatoires où la déstabilisation psychologique régnait en maîtresse.

«C'est tout simplement terrible ce que nous avons vu sur place, que ce soit le mur de la honte, l'université qu'il découpe en deux, les militaires qui hantent la ville ou encore les camps de Sabra et Chatila. A un certain moment je n'en pouvais plus, j'étais sous le choc, je n'avais qu'une seule envie, celle de fuir ce spectacle affligeant», se remémore Meryem.

A cet effet, elle sera élue pleureuse officielle - et professionnelle - de son groupe, comme elle se plaît à le raconter aujourd'hui. Elle ne manquera pas, non plus, de tagger le fameux mur de la honte à l'aide du slogan «Palestine, poursuit ta résistance, tu es toujours dans nos cœurs».

Ces visions de tristesse céderont bientôt la place à d'autres, plus humaines, à Al-Qods où elle accomplira sa prière, puis à l'Eglise de la Nativité, tout en parcourant Ariha, Beit Sehour et Beit Lehem.
Par ailleurs, promouvoir les droits de la femme et de l'enfant dans la région relève, indubitablement, plus d'une nécessité que d'une initiative fort louable. Mais pourquoi à vélo plutôt qu'en 4X4 ? «Tout simplement parce que le vélo respecte l'environnement.

De plus, il est de nature à permettre plus d'échange, puisque des femmes autochtones se joignent au mouvement à chaque étape…
Et puis, des femmes a vélo, ça ne passe pas inaperçu !», conclut Meryem.

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Dessine-moi la paix…

Regard pétillant, respirant la vie à plein poumons, un éternel sourire au coin des lèvres, une allure fière et un sens de l'humour omniprésent, un «Non!» catégorique prêt à surgir de nulle part pour faire avorter toute idée contraire au respect de la dignité et du droit, quel qu'il soit, Meryem est le genre de personne qu'il serait agréable de garder en face de soi, ne serait-ce que pour admirer son entêtement lorsqu'il s'agit de défendre ses convictions. Depuis son plus jeune âge, se mobiliser derrière une quelconque cause était, en quelques sortes, son hobby à elle. Les mouvements féminins lui serviront, à cet effet, de camp d'entraînement.

Sa carrière associative englobera, entre autres, le statut de membre de l'Unicef, section des Hauts de Seine, pour les droits de l'enfant, ainsi que celui de responsable de la mobilisation pour l'ONG " Ensemble contre la peine de mort".

Un diplôme de journaliste et une licence en droit public en poche, la jeune femme hisse les voiles sur Paris, dans l'optique de perfectionner ses capacités journalistiques dans un premier temps.
Aujourd'hui doctorante en communication, elle n'a pas manqué de rafler deux masters entre deux ou trois actes de mobilisation. De retour du Proche-Orient, Meryem, à son 27e printemps, s'est retrouvée avec deux nouvelles idées.

La première consiste à éditer un carnet de voyage, dans lequel elle retracera sa dernière aventure. En ce qui concerne les ventes de ce petit ouvrage, leur destinée est toute tracée. «Collecter les fonds suffisants pour la mise en place d'une école à Jéricho est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur», explique-t-elle.

Pour son deuxième projet, elle envisage d'organiser une exposition, à Paris, où seront exposés des dessins d'enfants palestiniens. Dessins de la paix, tout simplement.
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