Menu
Search
Jeudi 18 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 18 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

«L'État engagé dans une vision volontariste avec un plan de logement social généralisé»

Interview : AHMED TaoufiQ Hejira, ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'espace

«L'État engagé dans une vision volontariste avec un plan de logement social généralisé»
«90 minutes POUR CONVAINCRE »
Le Matin Forum : Monsieur le ministre, l'un des principaux apports de l'actuel projet de Loi de finances concerne l'habitat et plus précisément la question de l'exonération des bénéfices réalisés par les promoteurs immobiliers. Quelle est votre impression?

AHMED TaoufiQ HEjira :
Depuis l'an 2000, date de sa mise en place, l'exonération a toujours été très attendue par les promoteurs immobiliers. Cette année ne déroge pas à la règle. Un grand débat s'est ouvert dans lequel certains préfèrent insister sur la nécessité de leur participation dans les ressources publiques en payant des impôts sur les bénéfices, surtout que le budget de l'Etat est de plus en plus appelé à faire face à des dépenses imprévues, dont notamment la flambée du prix du pétrole ainsi que d'autres matières premières.

Il est tout à fait logique que l'Etat cherche de nouvelles recettes pour renflouer ses caisses. L'impôt sur les bénéfices des promoteurs immobiliers en est une. Un point de vue que le ministère de l'Habitat partage. Mais une refonte totale de la fiscalité immobilière est de mise, du moment que les fondements de l'exonération ne sont plus d'actualité.

Depuis l'an 2000, la donne a changé et il est devenu obligatoire de passer à une nouvelle fiscalité plus intelligente. Pour ce faire, il a été décidé de reporter la refonte à l'année prochaine. Il faut s'asseoir avec les promoteurs immobiliers autour d'une même table pour les faire adhérer à cette logique. Ils doivent profiter de l'exonération tout en participant aux ressources publiques. Ainsi, passerait-on de l'exonération brute à l'exonération intelligente.

Peut-on alors imaginer que l'article 19 sautera ?

Il y a eu un débat au sein du gouvernement qui a abouti à un arbitrage, que je considère juste pour ma part. Il concerne le maintien de l'article 19, contrairement à ce qui a été annoncé par certains.

Ainsi, les promoteurs immobiliers vont-ils continuer à profiter de l'exonération de la TVA, malgré le fait que cet impôt passe de 16% à 20%, mais il leur sera restitué.
La TVA ne sera donc pas payée. Quant à l'IS, il va passer de 0 à 15%, ils vont payer 50% de l'IS, c'est-à-dire 6000 DH par appartement. Théoriquement, ceci ne doit pas toucher la poche du citoyen puisque c'est le bénéfice de la société qui est imposé.

Seulement, ceux qui utilisent le noir seront conduits à l'ajouter à la cagnotte du noir. En contrepartie, les 2.500 logements se réduisent à 1.500. Ainsi, ouvrira-t-on les portes à d'autres promoteurs moins robustes, surtout pour faire profiter de l'exonération d'autres régions qui sont presque exclues. Je tiens à préciser, à cet égard, que 75 conventions ont été signées entre 2000 et 2007 et que 91.203 logements ont été réalisés. Ce qui signifie que tout ce bruit est entretenu autour d'une moyenne de 16.000 logements par an. L'année prochaine, ce sera en revanche la vitesse de croisière. On passera à 18.000 logements. D'ailleurs, seule une dizaine de promoteurs ont profité de ces exonérations.

Je les considère comme des champions qu'il faut soutenir car ils doivent servir de locomotive pour les autres. En outre, 86% de l'exonération a bénéficié à trois régions, à savoir Casablanca, Marrakech et Agadir. Cependant , il faut que les valeurs de l'impôt soient transversales et que tout le monde soit concerné par la même chose.

Pour les 75 conventions, quel état des lieux dressez -vous ?

Sur les 75 conventions réalisées , 48 sont opérationnelles, 27 en cours de concrétisation, dont 14 validées par moi-même mais qui attendent d'être entérinées par le ministère des Finances. Cela veut dire que dans le " pipe ", à date d'aujourd'hui, nous avons encore 2 mois devant nous avant fin 2007. Ceux qui peuvent déposer leur dossier sont encore dans la légitimité totale des demandes de signature de conventions dans les conditions de 2007. Je suis obligé de les signer , je compte le faire.

Cela dit, je ne sais pas quel est le point de vue de nos amis des Finances. Aucun texte de loi ne va m'empêcher de signer les conventions qui vont tomber dans le cadre de l'article 19 au titre de 2007 durant les 5 ou 6 semaines qui restent pour
cette année.

A combien estimez-vous les produits de logements sociaux conventionnés ?

Nous avons aujourd'hui dans le " pipe ", en termes de produits de logements sociaux conventionnés qui profitent de toutes les exonérations conformément à l'ancien système, près de 130.000 logements.

Je suis confiant et convaincu que l'exonération, nouvelle version, va continuer à générer de nouveaux produits.
Sur la base de ce que nous avons d'ores et déjà, à savoir les 130.000 logements conventionnés, quelques 30.901 en sont en cours de réalisation. S'y ajoutent également 50.000 non encore entamés et 70.000 concernés par les 27 conventions qui ne sont pas opérationnelles, en plus des 14 conventions et tout ce qui va suivre. Je pense que l'on peut arriver à 150.000 logements durant les 5 prochaines années, avec l'exonération totale, non compris les conventions nouvelles formules.

Quid du nouveau segment de logements à vendre à 140.000 DH ?

A l'ouverture du Conseil des ministres du 6 novembre à Casablanca , Sa Majesté le Roi a décidé de renforcer la dimension sociale de la Loi de finances 2008 et ordonné l'introduction d'un nouveau segment de logement qui sera proposé et commercialisé à hauteur de 140.000 DH. La réaction de certains promoteurs ne s'est pas fait attendre, bien entendu .

Ils ont estimé que le noir va jouer à outrance comme cela est le cas pour les logements de 200.000 DH. D'autres sont allés jusqu'à mettre en doute la possibilité de lancer un tel produit. Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un nouveau segment jusqu'à maintenant exclu de l'ancien système. Il intéresse la population qui touche 0,75% et 1,5% du SMIG. En d'autres termes , ce sont les pauvres dont le revenu est situé entre 1.500 et 3.000 DH qui en profiteront essentiellement .
C'est un produit qui va notamment concurrencer sérieusement la " baraque ", la cohabitation et la colocation. Le prix de vente sera inférieur ou égal à 140.000 DH pour une superficie de 50m2 minimum. Soit 4 fois plus que la superficie d'une baraque.

Le programme de 200.000 DH aurait-il donc échoué ?…

Non, absolument pas ! C'est d'une autre catégorie de la population qu'il s'agit, celle qui perçoit de 0,75 à 1,5% du SMIG et qui n'est pas touchée par le premier programme.

C'est ce qui explique, d'ailleurs, la multiplication du nombre de baraques.
C'est un produit que je considère comme stratégique pour le présent et le futur du Maroc. L'adhésion du secteur privé pour son lancement, je le souligne ici, est fondamentalement requise, en dépit du fait que le gain apparaisse plus faible que celui réalisé dans l'habitat social. C'est normal. D'autant plus que le noir n'y est pas permis puisqu'on va contrôler le processus de très près.

Pourquoi alors ne pas contrôler les logements à 200.000 DH ?

C'est un marché. Ce qui n'est pas le cas pour les logements à 140.000 DH où on cible une population bien déterminée ; et c'est le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme qui va commercialiser directement. Il n y aura pas de noir.
Ce produit sera destiné aux familles de la police, de la gendarmerie, aux fonctionnaires des administrations, aux hommes et femmes qui travaillent dans les usines de confection, aux très bas salaires et donc à tous ceux qui perçoivent entre 0,75% et 1,5% du SMIG.

Peut-on vous demander où en êtes-vous actuellement par rapport à ce projet ?

Nous sommes en train de le mettre en forme en collaboration avec le secteur privé, les architectes, les bureaux d'études, les banquiers et les différentes représentations du ministère. Un exercice est engagé pour réussir la sortie de ce nouveau produit. Il se caractérise – et c'est important - par la lutte contre le noir , par la garantie de la qualité et la sécurité du bâtiment. C'est un produit , on en est presque convaincus, qui ne va pas faire la grande joie des promoteurs immobiliers. Il est, à cet effet, essentiellement destiné à la petite et moyenne entreprise immobilière .

Avez-vous recensé vos besoins ?

Le Maroc a besoin de 30.000 logements de ce type par an en milieu urbain, contre 10.000 logements de ce type en milieu rural.
C'est la première fois, depuis l'indépendance en 1955 , qu'une exonération fiscale concerne et s'applique dans le milieu rural.

Et si on parlait de 2.500 logements avec exonération totale auparavant, il ne s'agit en réalité pour le moment que de 100 logements dans le monde rural et ce, à travers tout le Maroc. 100 logements en 5 ans, c'est à la disposition de tout le monde, y compris les petits promoteurs.

En plus de l'exonération totale, du foncier public coûtant et de l'équipement par l'Etat au prix coûtant, l'Etat va leur offrir toutes les études techniques gratuitement, les services de l'architecte et de l'ingénieur qui seront mis à leur disposition pour assurer le suivi de ces projets, avec l'engagement que la qualité de l'architecture soit sauvegardée.

Il est également question, dans un souci d'harmonisation, de garantir un minimum d'utilisation des matériaux locaux , des méthodes et des procédés de construction locaux. Seulement, pour le moment, deux maillons manquent à ce raisonnement, en l'occurrence, le foncier public et celui du rôle des banques.
Mais si on réunit ces deux maillons à la chaîne, on pourra s'engager au titre des 5 prochaines années sur 120.000 nouveaux logements.

Le secteur privé jouerait-il un rôle dans cette configuration ?

Le secteur privé ne s'engagera que si le gain est garanti, il faut donc que l'Etat commence la mise en œuvre lui-même . On doit donner l'exemple, nous l'avons fait avec la villa économique et cela a porté ses fruits. Maintenant, on a cinq promoteurs immobiliers qui font la villa économique. Cela fait notre bonheur, l'engagement de l'Etat a donné ses fruits. Je tiens à préciser que les promoteurs immobiliers gagnent tout de même aujourd'hui l'équivalent de 50.000 DH par appartement. Dès lors que nous leur proposerons un produit où ils ne vont gagner que 25.000 DH, ils vont refuser d'y adhérer.

C'est pourquoi, on ne table pas sur les grands, mais sur une nouvelle catégorie de promoteurs immobiliers que l'on veut faire évoluer de l'informel au formel, dans le but notamment de promouvoir la PME et la TPE et de les introduire au sein de la promotion immobilière.
Le Maroc a besoin, aujourd'hui, d'une nouvelle catégorie de promoteurs
immobiliers.

Le nouveau programme consistant à construire des logements pour les pauvres à 140.000 DH est une bonne initiative. Toutefois, la plupart des gens ciblés par cette offre n'ont pas de moyens pour payer la première avance. Comment comptez-vous y remédier?

Je tiens à préciser qu'actuellement nous travaillons avec deux banques. Prenons l'exemple d'une veuve avec 5 enfants à la charge, avec un revenu irrégulier. Pour elle, 140.000 DH, c'est de la science-fiction, tant que cela dépasse 3.000 DH. L'exercice sur lequel on travaille aujourd'hui consiste, premièrement, en zéro avance, car les gens n'en ont pas et, deuxièmement, sur un prêt étalé
sur 35 ans.

Si l'on arrive à gagner le maximum de prolongement de durée de remboursement, avec zéro avance, on répond à cette question. Il est à noter que ce produit n'est pas public, mais c'est l'Etat qui va se charger de sa commercialisation en partant à la recherche de gens qui sont éligibles et qui peuvent être intéressés par cette offre.

Si demain on arrive à dire aux catégories démunies de notre pays : voilà la clé de votre maison, avec zéro avance et une trait de 600 DH par mois, sur 25-35 ans comme durée de remboursement, personne ne prétendra que le problème des bidonvilles n'est pas réglé ? Car, le foisonnement des bidonvilles est dû au fait qu'on n'a pas jusqu'à présent offert un produit qui puisse concurrencer la baraque.
L'Etat travaille avec un seul bras, celui de la correction, mais non pas encore avec celui de la prévention. Aujourd'hui, nous avons réalisé la moitié du rêve puisqu'on a mis en place l'exonération fiscale, dont la priorité concernera les petits et moyens promoteurs, au prix coûtant.

Et quel en sera le coût pour l'Etat ?

Voilà ce que l'Etat va apporter : d'abord, le manque à gagner dû à l'exonération fiscale. Dans l'ancien programme, pour un logement à 200.000 DH , son coût réel se situe à 350.000 DH et c'est l'Etat qui supporte l'écart.

Pour le nouveau programme, il est difficile aujourd'hui de vous donner un montant. Le foncier public ? Celui-ci n'est pas une condition sine qua non pour réaliser ce produit. De même, dans le monde rural, nous proposons , facture à l'appui, les études, l'ingénieur et l'architecte qui vont assurer le suivi gratuitement et la viabilisation au prix coûtant. D'ailleurs, il y a un débat fort intéressant qui mérite d'être encouragé et qui consiste à savoir qui profite le plus des avantages de l'Etat : le public ou le privé.

L'Etat continuera-t-il à être présent dans la promotion immobilière ?

Bien évidemment. Qu'on le veuille ou non, Al Omrane est obligatoirement présent dans la promotion immobilière :
l'habitat insalubre, l'habitat menaçant ruine, les nouveaux produits…
Al Omrane existe là où le privé n'existe pas. Et c'est le bras de la régulation de l'Etat. On n'est pas dans un marché sauvage ! Toutefois, il est à noter que les statuts d'Al Omrane stipulent qu'il doit se retirer en faveur d'un secteur privé " compétitif " et " professionnel ". A défaut de ces deux conditions, l'Etat, par le biais de son bras qu'est Al Omrane, maintiendra sa présence.

Pourquoi l'Etat n'a-t-il pas agi jusqu'à aujourd'hui pour lutter contre la spéculation foncière et le non-respect des cahiers des charges en termes des prix des produits destinés aux pauvres et à la classe moyenne, comme les villas économiques ?

Pour les villas économiques, en effet , les prix dépendent aussi des zones, de l'emplacement et du prix du foncier. Mais, le prix est en général entre 800.000 DH et 1 million de DH. Je crois que c'est jouable. Toutefois, le problème de la hausse des prix de ce produit est due notamment à l'arrivée du privé qui, doit-on le souligner, opère dans un marché libre et ne se sent t lié par aucune convention à ce sujet.

En ce qui concerne la spéculation foncière, je vous fais savoir qu'hier, (14 novembre), nous avons ouvert un workshop, avec quatre petits brainstormings en y associant les professionnels du secteur privé, sur l'immobilier, l'urbanisme, le développement rural et l'aménagement du territoire.
Notre objectif est de réformer le secteur au Maroc. Nous proposons notamment la labellisation et le standing par étoile… Nous cherchons des propositions de réformes réalisables et cohérentes qui peuvent se transformer en lois,
d'ici 2012.

Cependant, il faut noter que la spéculation foncière est un phénomène qui existe dans toutes les économies du monde. Pour lutter contre cette spéculation, l'Etat doit intervenir d'une manière indirecte. Ce que nous avons proposé dans la déclaration du gouvernement, à propos de la lutte contre la spéculation dans les produits agricoles, est applicable également à la spéculation foncière.

La situation est alarmante car " le noir " a atteint 150.000 DH dans certaines villes. C'est une question d'offre et de demande et que, à autre niveau , il n'y a pas 150.000 DH de plus, c'est-à-dire le logement de 200.000 DH coûte réellement 350.000 DH : 200.000 DH, sur la table et 150.000 DH sous la table. Parce que tout simplement l'intervention de l'Etat fait défaut et, deuxièmement, il n'y a pas suffisamment d'offres.

Donc, ce qu'il faut faire, c'est casser cette spéculation foncière d'une manière indirecte. Il est à signaler qu'il n'y a pas d'Etat dans le monde dépourvu de spéculation , où existe une loi pour lutter contre la spéculation
foncière.

Mais au Maroc cette spéculation foncière semble d'autant plus gagner en ampleur qu'elle est devenue monnaie courante !

La flambée des prix de l'immobilier est due à plusieurs facteurs. Premièrement, il y a énormément de projets d'habitat et du tourisme qui consomment le foncier, portés aussi bien par des Marocains que des étrangers. Deuxièmement, l'immobilier rapporte gros, jusqu'à 30% de bénéfices nets. La terre est toujours considérée comme un placement sûr pour les gens qui veulent épargner. Pour illustrer cela, je vous donne un chiffre : depuis 2002, pour la première fois de l'histoire du Maroc, le niveau de l'épargne a dépassé le niveau de l'investissement, avec 3% du PIB, soit 15 à 16 milliards de dirhams.

Le foncier est un marché caractérisé par une offre et une demande. Quand il y a une offre fermée par la limite du périmètre urbain, et que la demande s'accroît d'une manière exponentielle, les prix augmentent automatiquement avec l'effet boule de neige. Et ceux qui souffrent le plus de cette situation ce sont des gens de la classe moyenne, puisque les pauvres disposent de programmes spécifiques. Il est à souligner que la classe moyenne est constituée de 850.000 ménages.

Quelque 10 à 15% des habitants des bidonvilles se trouvent dans une totale indigence. Que peut-on faire pour régler le problème de cette population ?

En ce qui concerne les bidonvilles, il y a trois chiffres à retenir. Premièrement, 1.400.000 personnes habitent dans des baraques. Mais le déficit en logement est passé de 1,3 million de ménages en milieu urbain en 2002 à un million aujourd'hui. De ces gens-là, 400.000 ont vu leur problème résolu : ils n'habitent plus les baraques.

Soyons justes avec ce programme qui a donné des résultats. Quelque 500.000 autres peuvent être relogés demain…matin ! En fait, nous avons 20.000 unités et 80.000 en cours de réalisation, soit 100.000 unités au total qui peuvent être utilisées pour le relogement des habitants des bidonvilles (sachant qu'un ménage moyen est composé de 5 personnes). Car, nous pouvons commencer les déménagements dès que l'état d'achèvement du logement atteint 70% à 80% et parachever les travaux par la suite. Mais, pourquoi on ne le fait pas tout de suite ? Parce que le relogement des habitants des bidonvilles est extrêmement difficile. C'est un exercice de très longue haleine.

Il se fait au cas par cas. Pour le relogement des 500.000 restants, il est en cours de réalisation, dont 43.000 à Casablanca. On ne peut passer à la contractualisation que lorsqu'on maîtrise le foncier, les paramètres de l'opérateur et de la population…
Dans le bidonville au Maroc, il y a de la pauvreté extrême, dont le pourcentage est estimé entre 10 à 20%, selon les régions. Ce qui demande l'appui de l'Etat, des Collectivités locales et de la société civile. Il y a également la pauvreté
tout court.

Mais, également les gens qui habitent les bidonvilles par défaut, du fait que l'Etat était dans l'incapacité , durant ces 50 dernières années de d'indépendance, d'offrir sur le marché immobilier local et national un produit qui réponde aux réelles capacités contributives de ces ménages.

En ce qui concerne le problème de la première catégorie, en l'occurrence les plus pauvres, il sera le dernier à être résolu, car dès lors que nous aurions accordé un avantage à un ménage de cette population, obligation nous sera faite de le généraliser à tout le monde. Ce qui n'est pas aussi facile qu'on le pense.
Mais, en tout état de cause , on trouvera les solutions idoines et équitables à cette catégorie de gens , avec certaines formules particulières.

Par exemple, quelqu'un qui se déclare indignent (mendiant par exemple), il sera associé avec un autre " bidonvillois " ayant bénéficié d'un lot équipé (de 70 m2) , on pourra solliciter, d'autre part, la Collectivité locale pour qu'elle leur vienne en aide.
Mais, il est à signaler que la gratuité, je le souligne, n'existera jamais car elle provoquera un séisme : tout le monde demandera certainement à être assisté. Or, il faut abandonner la politique de l'assistanat.

Comment voyez-vous la problématique du développement du locatif ?

Il y a deux semaines, nous avons envoyé une proposition pour une nouvelle loi qui doit prendre en charge toutes les lacunes enregistrées dans le système du locatif au Maroc. Je dis aujourd'hui qu'il n'est pas normal que tous les Marocains ne puissent passer par l'accès à la propriété.

Aujourd'hui, dans tous les pays du monde, il y a moins de 20% de la population qui habitent dans le logement locatif. Ce qui est désolant, c'est que nous ne connaissons pas un seul promoteur immobilier engagé dans le locatif, tout simplement parce que le système locatif n'est pas immunisé. De même, dans la culture marocaine, existe-t-il et persiste-t-il un rejet traditionnel du système de location. Habiter dans un logement locatif est encore considéré comme perdre de l'argent.

Prévoit-on d'instituer l'épargne-logement dans la loi de Finances ?

Non. C'est une recommandation stratégique importante de la Banque mondiale, avec laquelle nous avons signé une convention (Plan d'ajustement structurel de l'habitat). En revanche , aujourd'hui, l'importance stratégique de l'épargne-logement est réduite puisqu'il existe des banques qui financent jusqu'à 125% de l'achat du logement, sans avance, sur 25 ans, ou même 40 ans en faveur des jeunes. Devant une telle évolution, quelle pourra donc être l'utilité de l'épargne-logement ? L'épargne qui nous intéresse, est destinée à régler un seul et crucial problème : la première avance.

On trouve parfois des immeubles dans des lieux dépourvus de tout équipement public, de jardins et d'espace vert. Comment résoudre ce problème ?

Il s'agit là d'un problème de compréhension et c'est l'occasion de clarifier les choses. La seule chose que l'on est en droit de demander à un promoteur immobilier, c'est de réaliser le logement et de le vendre sur la base d'un plan d'aménagement. Il n'est pas tenu d'aménager un jardin, de construire une école, un dispensaire… Ce sont les autres intervenants (ministères, départements, connectivités…) qui doivent réaliser les prévisions du plan d'aménagement qui leur incombent.

Or, dans les villes nouvelles, nous réalisons, à nous seuls, tout cela. Ce qui est anormal ! Il est toutefois à noter que le promoteur immobilier sera obligé à l'avenir de construire les équipements de démarrage pour avoir un meilleur punch au niveau commercial. C'est un argument commercial de plus. Mais, au niveau des attributions, je défends les promoteurs.

Al Omrane a du mal à vendre ses logements.
Comment comptez-vous y remédier ?


Al Omrane est un instrument de l'Etat. On prévoit 6,5 milliards de dirhams d'investissement cette année. C'est un établissement qui n'est pas concerné par la consolidation, mais c'est plutôt un nouveau style, un bon management et de nouvelles attributions pour aider le secteur privé et être présent là où il ne peut l'être. Le commercial, ce n'est pas sa tâche ni son métier.

Donc, la solution c'est l'externalisation. A ce sujet, nous venons d'engager une première expérience dans le sens de l'externalisation avec le secteur privé pour Al Omrane à Casablanca pour tester cette approche. On propose dans ce cadre sept fonctions au secteur privé professionnel. En fait, il s'agit d'une franchise octroyée à une "grande entreprise de renom" qui va faire l'intermédiation. Il ne s'agit pas d'un appel d'offres lancé mais d'un test en vue de vérifier les résultats escomptés à partir de deux ou trois projets.

Et sur la base de partenariat, il y aura prochainement un appel d'offres qui sera lancé. Aujourd'hui, au niveau mondial, et notamment chez les Anglais, une nouvelle génération d'entreprises faisant le tour du monde sont constituées des sociétés d'intermédiation dans l'immobilier.
Tout cela pour dire que, pour l'heure, les fonctionnaires ne peuvent plus exercer dans le commercial.

Qu'en est-il de l'accès des étrangers à la propriété ?

Au Maroc, un étranger peut effectivement accéder à la propriété.
Car nous avons opté pour l'ouverture et la compétitivité.

Pourquoi, en matière d'habitat, opte-t-on toujours pour des développements horizontaux ?

Les soubassements de l'urbanisme continuent à nous gêner, ils nous renvoient à une loi datant de 1914. On reste, de ce fait, tributaires de cette mauvaise logique. Aujourd'hui, d'un côté, il y a la flambée des prix du foncier et d'un autre côté, un urbanisme qui nous dit qu'un R+4 est celui qui convient. Et l'on ne dispose pas de "sols" susceptibles de supporter des R+20. Le code de l'urbanisme comprend, à cet égard, ce que l'on appelle "l'urbanisme négocié" ou de projet dans le cadre duquel, on négocie sans zonage qui constitue l'objet de discussions et
d'opportunité.

Quelle démarche régit désormais l'éthique du territoire ?

En ce moment même, il y a une équipe d'une vingtaine de personnes qui travaillent à " territorialiser " la mise en œuvre du programme gouvernemental qui s'inscrit, non dans une logique de rupture, mais dans celle de la continuité avec un nouveau palier de développement. Il s'agit d'actualiser, d'intensifier les réformes déjà engagées et le tout avec un nouveau mode de gouvernance. Ce n'est plus ainsi le ministre de l'Habitat qui doit imposer sa logique de programmation puisque l'on va donner plus à la région pour prendre en charge l'identification de ses priorités, le suivi des réalisations, voire la concrétisation de leurs projets. Et à cet effet, l'Etat remplit une tâche de coach, d'encadrement … Ce qui signifie la contractualisation par région.

On est donc à la recherche d'un meilleur moyen "marocain" pour faire une contractualisation qui doit se traduire par une plus-value au niveau culturel, politique, de management et de gouvernance. Car la question qui se pose est de savoir si la région dispose de moyens institutionnels pour identifier et réaliser tous ses projets de développement socioéconomiques et culturels, et en l'occurrence ses projets de proximité.

On doit donc passer de la logique des secteurs, des départements ministériels à une logique transversale qui doit correspondre réellement aux attentes et aux aspirations des citoyens là où ils se trouvent. Il faut en définitive opter pour la convergence des projets car il n'y a pas de synergies et pas de concertations sur des projets autour d'une même table. Aujourd'hui, on est en train d'impulser cette nouvelle dynamique et de faire converger les projets des pouvoirs publics et des collectivités locales.
-----------------------------------------------------------------------

Questions d'internautes


-----------------------------------------------------------------------

Pourquoi, au Maroc, la définition du concept de l'aménagement du territoire n'a-t-elle pas le même sens qu'en France ? Quelle politique préconisez-vous pour développer les échanges intra et inter-régionaux ?

Le Maroc aujourd'hui est très riche en matière de background puisque l'on fait de l'aménagement du territoire depuis au moins une dizaine d'années. On a de ce fait enregistré des avancées considérables et importantes. Pour l'heure, on est en train de réaliser quatre ou cinq schémas régionaux et on dispose d'assez d'instruments en matière d'aménagement du territoire.

C'est la raison pour laquelle le Maroc a choisi de passer à un nouveau palier plus audacieux qui s'appelle le développement territorial pour mettre à profit l'excellent savoir-faire de l'ensemble des parties prenantes à ce processus. Il suffit d'aller de l'avant dans cette propension qui s'avère porteuse et prometteuse.

Qu'en est-il de la création d'un fonds dédié au développement du territoire ?

On veut prendre un peu de temps pour chercher les bonnes ressources. C'est un fonds qui va aider et promouvoir les meilleures synergies au niveau des territoires. Il peut ainsi contribuer à la concrétisation de contrats-programmes. Pour l'heure, la réflexion concerne l'utilisation des ressources et des emplois de ce fonds et ce, sur la base de la concertation.

Il nous faut à cet effet mobiliser une ressource pérenne de l'ordre de 1 milliard de dirhams annuellement. Il ne s'agira pas d'un fonds normal ni d'un instrument qui sera au service de toutes les régions.

Car, il faudrait veiller à la cohésion de toutes les régions. Ce n'est pas aussi de l'assistanat mais un moyen de créer de la compétitivité entre les régions. C'est donc une formule gagnant-gagnant.
Lisez nos e-Papers