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«La coopération maroco-européenne freinée par la lourdeur des procédures et la lenteur des réformes»

111VIEW - Amina Aouchar, Directrice de l'Institut universitaire de la recherche scientifique à l'Université Mohammed V Souissi, à Rabat.

La politique de voisinage a été élaborée afin de lever les inquiétudes des pays du Sud

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Depuis la création de l'UE, le Maroc entretient des liens privilégiés avec cet espace économique avec lequel il est lié par un accord d'association qui se transformera en zone de libre-échange en 2012. Si les grandes entreprises marocaines ont fait l'effort de se mettre à niveau pour affronter cette échéance, il n'en est pas de même pour les PME, PMI qui, de l'avis même des responsables marocains, peinent à se réformer et à abandonner une gestion patriarcale obsolète.

LE MATIN : L'Europe célèbre le cinquantenaire de la signature du traité de Rome de 1957. Quels enseignements le Maroc a-t-il tiré de sa relation avec l'Union ?

AMINA AOUCHAR :
Depuis le début des années soixante, le Maroc a choisi d'entretenir des relations privilégiées avec le Marché commun en construction et qui apparaissait déjà comme une future puissance régionale et internationale. Ces relations ont connu en 1996 un bond qualitatif, à la suite de la conclusion, dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen de Barcelone, d'un accord d'association qui se donne pour objectif la création d'une zone de libre-échange maroco-européenne en 2012. Parce que l'Union européenne (UE) ne souhaite pas avoir à ses frontières sud des pays aux économies sinistrées, la stratégie de développement mise en oeuvre par le Maroc bénéficie de son appui et de son assistance. Ainsi, le Maroc est le principal bénéficiaire de l'aide communautaire attribuée par le programme MEDA aux pays méditerranéens et a perçu entre 1995 et 2004, 1, 332 milliard d'euros de subventions pour l'aide à la transition économique. En 2001, il percevait 17% des crédits alloués par la Banque européenne d'investissement (BEI).

Quel regard portez-vous sur la nouvelle politique de voisinage mise en place par l'Union européenne ?

Cette politique européenne de voisinage (PEV) a été élaborée par l'UE afin de lever les inquiétudes des pays du Sud face à l'élargissement européen vers les pays de l'Est. Cependant, l'aide allouée à la Pologne est douze fois supérieure à celle concédée au Maroc. Certes, le Plan d'action Maroc-UE publié en mai 2004 dans le cadre de la PEV est ambitieux, tant par les domaines concernés que par les sommes allouées. Malgré l'ampleur de la coopération mise en œuvre, l'intégration du Maroc à l'UE n'est pas envisagée. Il n'est question que «d'un degré d'intégration (…) offrant au Maroc une participation dans le marché intérieur, ainsi que la possibilité de prendre part progressivement aux aspects clés des politiques et des programmes de l'UE».

Dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, votre institut initie le projet «Mise à niveau et changement social au Maroc». Peut-on déjà dresser un premier bilan ?

Le programme de recherche «Mise à niveau et changement social au Maroc» est un projet triennal (2004-2007), financé par l'Université Mohammed V-Souissi. Durant les trois années passées, une équipe pluridisciplinaire et internationale s'est penchée sur les réformes entreprises au Maroc avec l'appui de l'UE, en vue de l'ouverture de la zone de libre-échange maroco-européenne. Les résultats des deux premières rencontres internationales ont été publiés en janvier 2007 dans la revue de l'Institut, le Bulletin économique et social du Maroc. Les travaux de la rencontre de février 2007 paraîtront avant la fin de l'année. Les chercheurs ont relevé que la coopération Maroc-UE est d'une ampleur sans précédent. Cependant, cette coopération est entachée par les lourdeurs des procédures qui président aux financements européens et par les faiblesses de la communication de l'UE concernant ses programmes. Elle est freinée aussi par la lenteur des réformes mises en œuvre par le Maroc, lenteur qui s'explique par la mauvaise gouvernance, mais aussi par les craintes suscitées par l'intervention de l'UE qu'implique cette coopération dans les affaires intérieures du Royaume, considérées comme relevant de sa souveraineté.

Que pensez-vous de la déclaration du commissaire européen chargé des Affaires intérieures et de la Justice, Franco Frattini, qui propose des visas aux universitaires marocains contre un accord avec Rabat pour la réadmission des clandestins transitant par son territoire ?

Faire du Maroc «un cordon sanitaire» chargé de protéger l'UE des migrations illégales c'est se défausser de ses problèmes migratoires sur le Royaume. Le Maroc est devenu, bien malgré lui, un pays de transit et même d'accueil et ce à cause de la fermeture de l'Europe aux migrants du Sud.
Proposer des visas aux intellectuels marocains (n'est-on pas là dans le contexte de «l'immigration choisie», l'organisation d'une fuite des cerveaux dont ne peut que pâtir le pays ?) en échange de la réadmission de clandestins ressortissants d'autres pays est un chantage inadmissible, car, d'une part, le Maroc n'a pas les moyens d'absorber ces migrants et que d'autre part, l'obliger à prendre la responsabilité de les renvoyer dans leurs pays d'origine lui impose la charge financière de ces transferts et en outre complique ses relations avec des pays auxquels le lient des relations séculaires.
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