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Interview : Mohamed Boussaïd, le ministre du Tourisme et de l'Artisanat

«Le tourisme s'impose aujourd'hui comme une véritable locomotive
de l'économie nationale. Voilà le vrai enjeu».

Interview : Mohamed Boussaïd, le ministre du Tourisme et de l'Artisanat
Reportage Photos Kartouch
Le Matin Forum : La nouvelle politique touristique du Maroc, initiée par Sa Majesté le Roi au début de la décennie en cours, est très ambitieuse. Parmi les programmes qui incarnent cette politique, figure notamment le plan «Azur», qui visait la réalisation de six stations balnéaires. Quel bilan pouvez-vous nous faire de ce plan ?

MOHAMED BOUSSAÏD :
Je crois que tout le monde s'accorde à dire que le Maroc est privilégié, parce qu'il a, très tôt (en 2001), mis en place une nouvelle politique touristique, portée par l'ambitieuse «Vision 2010 ». Celle-ci et les accords cadres qui ont été signés avec les professionnels ont créé une très belle dynamique autour d'un secteur. C'est vrai que le tourisme est toujours considéré comme l'un des secteurs importants de l'économie marocaine, mais le Royaume le développe actuellement avec plus de volontarisme dans le cadre d'une politique publique intégrée, mais surtout qui a créé une convergence entre les secteurs public et privé et qui a tracé une feuille de route avec des objectifs chiffrés et des démarches rationnelles et organisées. Cette politique publique, qui a bénéficié de la Haute sollicitude de Sa Majesté le Roi, commence à donner des résultats.

Aujourd'hui, je ne peux, en tant que responsable de ce département, que porter dans la même direction l'ensemble des actions qui ont été entreprises. Je me suis parfaitement inscrit dans une politique d'accumulation, de progression, de continuité, mais bien évidemment en essayant de faire avancer les dossiers qui ne l'ont peut-être pas été suffisamment et accélérer autant que faire se peut des dossiers qui ont été déjà initiés.

Globalement, j'ai trouvé que c'est un secteur très passionnant, mais je mesure toute la responsabilité car le tourisme s'impose aujourd'hui comme une véritable locomotive de l'économie nationale. Voilà le vrai enjeu. Après, dès qu'on part de ces objectifs, il faut dérouler l'ensemble des actions qui permettent de les réaliser, en prenant en considération les nouvelles exigences du secteur.
A ce propos, il est à souligner que la nouvelle réalité du tourisme national est caractérisée par trois déterminants. Premièrement, il n'y a plus de place pour l'amateurisme dans ce secteur. Le tourisme est devenu une véritable industrie très compliquée car, d'abord, elle met en jeu une multitude d'éléments : le produit, la formation, l'aérien, la promotion… Elle met en jeu aussi beaucoup de secteurs car il ne faut pas avoir une bonne mécanique pour attirer les touristes. Il faut aussi leur offrir un cadre et un environnement agréable. Il s'agit donc de l'enjeu de la qualité. La troisième complication consiste en le fait que le tourisme est un secteur extrêmement concurrentiel, surtout que les pays de la région ciblent presque les mêmes marchés. Il est à noter que le secteur est un peu fragile et vulnérable dans la mesure où il peut être affecté par des événements ou tout simplement par la santé des économies dans les marchés émetteurs.
Mais comme je mesure la responsabilité, autant je mesure également la chance. J'espère faire atterrir durant ce mandat la vision 2010 et essayer d'assurer un bon décollage pour
la vision 2020. Voilà globalement l'état d'esprit dans lequel je me trouve.

Le tourisme interne peut jouer un rôle important pour prévenir toute baisse éventuelle d'activité liée au recul des nuitées enregistrées par le flux des touristes étrangers vers le Maroc. Toutefois, les tarifs pratiqués par les hôtels restent encore chers pour les Marocains...

C'est vrai que le tourisme interne est un des leviers importants du développement du secteur touristique marocain. Ce n'est pas seulement apprécié d'un point de vue économique (il est à noter qu'il représente 20% des nuitées enregistrées par les établissements d'hébergement classés), mais également du fait que les Marocains sont censés, eux aussi, s'approprier les services de ce secteur et bénéficier de toutes les potentialités touristiques qu'offre leur pays. Le tourisme interne est de ce fait l'une des composantes essentielles de notre politique touristique.
D'ailleurs, une étude que nous avons réalisée nous a montré que le marché du tourisme interne fournit 5 millions de voyages, dont moins d'un cinquième seulement est capté par les établissements d'hébergement classés. Outre les pratiques sociales, il faut également prendre en ligne dde compte que la contrainte majeure est relative à l'absence de la démocratisation du tourisme interne. Ce qui nous nécessite de prendre en considération le pouvoir d'achat de nos compatriotes. L'obstacle est donc le coût des nuitées. Pourquoi cette cherté ? Parce que les touristes étrangers viennent très souvent par le biais des tour-opérateurs intégrés qui réservent ces chambres en gros et sur toute l'année. Ce qui leur permet de bénéficier des prix très intéressants, contrairement aux touristes nationaux. Pour remédier à ce problème, nous adoptons une démarche basée sur deux volets. Premièrement, nous lançons une opération de promotion qui permet aux agences de voyages marocaines de faire des réservations en gros de façon à pouvoir bénéficier des prix bas et à en faire bénéficier les touristes nationaux. Deuxièmement, nous avons également le plan Biladi qui porte sur l'aménagement et le développement des zones touristiques intégrées et qui se propose comme un produit conforme aux attentes des Marocains, y compris pour les prix qui varieront entre 300 et 500 DH/nuit/famille. L'étude que nous avons réalisée à ce sujet nous a permis d'identifier huit destinations préférées par les touristes marocains.
Trois opérations ont été lancées, puisqu'il a été procédé, récemment, au dépôt des offres concernant les stations prévues dans ce plan à Ifrane, à El Jadida (Sidi Abed) et à Agadir (Imi Ouaddar).
Dans les semaines à venir, nous annoncerons les attributaires de ces appels d'offres.
Les travaux démarreront dans les mois à venir. Les autres stations suivront.


L'ex-ministre du Tourisme, Adil Douiri, avait déclaré que le plan «Biladi» est confronté à la rareté de la réserve foncière qui peut être mobilisée à ce sujet. Où en êtes-vous à propos de ce problème ?

Nous avons dépassé ce problème pour les trois stations citées et les cinq autres sont en cours.

La station balnéaire Saïdia a accusé du retard. A quoi est dû cela ?

Il ne s'agit pas d'un grand retard. Lors d'une visite que j'y ai effectuée, j'ai constaté que la réalisation des travaux se fait suivant un rythme rapide.
Il est à noter qu'il y a eu en général un léger glissement en ce qui concerne le calendrier de la programmation des stations balnéaires du plan «Azur». Ce glissement est dû à deux principales raisons. La première est la complication de la réalisation d'une station balnéaire, puisqu'elle est située sur une superficie qui peut atteindre 700 ha, ce qui en fait presque une ville, avec des investissements de l'ordre de 10 milliards de DH. Pour la station Saïdia par exemple, elle donnera lieu à 30.000 lits. Deuxièmement, nous n'avons pas d'expérience au Maroc dans ce genre de projets. Cependant, ces facteurs n'ont pas un grand impact sur le rythme de réalisation du plan Azur.

Et qu'en est-il de l'amélioration de la capacité hôtelière ?

En 2001, le Maroc comptait 97.000 lits hôteliers dans les établissements d'hébergement classés. Aujourd'hui, nous sommes autour de 140.000 lits et l'objectif qui a été fixé pour 2010 est d'arriver à 230.000 lits.

Toutefois, le rythme de la mise en place de nouveaux lits est inférieur de près de 50% à ce qui était prévu par la vision 2010. Quelle est la cause de ce décalage ?

Je crois qu'il faut relativiser cela. En fait, il est à noter qu'il s'agit d'une vision, donc d'une ambition et non pas d'un objectif. Ce qui est important à retenir est que cette vision a créé une dynamique.
Aujourd'hui, nous sommes assez satisfaits des résultats obtenus. Et cette dynamique est multiple : commerciale pour repositionner le produit Maroc; d'investissement, puisque au-delà du plan «Azur», nous avons beaucoup d'autres demandes d'investissements d'aménagement et l'équipement de grandes stations nouvelles qui n'ont pas été programmées auparavant.
Il s'agit également d'une belle dynamique aussi financière. Cela montre qu'on est sur la bonne voie.

Et si on vous demande de rectifier ce chiffre ?

Aujourd'hui, nous sommes sur des prévisions de 20.000 lits par an, soit 60.000 qui s'ajouteront à 140.000.
Le total sera donc de 200.000 lits. Mais, je réitère que c'est cela le sens d'une vision.

En termes de devises, quel est le volume que le secteur du tourisme procure exactement à l'économie nationale ?

A fin 2007, les recettes voyages, différentes des recettes MRE ont atteint exactement 58,80 MMDH. Aujourd'hui, manifestement, ces recettes constituent la première source de devises pour le Maroc.
C'est dire que le tourisme a dépassé en termes de devises les transferts des Marocains résidant à l'étranger qui rapportent près de 55 MMDH. Ces recettes se situent en 3e position, un peu plus loin des deux premières, les phosphates et dérivées. Le tourisme devient ainsi la première industrie exportatrice de notre pays et aussi un élément incontournable dans le rééquilibrage de la balance de paiement, voire un autre enjeu de croissance pour le Maroc.
Ce niveau de recettes qui progresse de manière corrélative avec le nombre d'arrivées, peut-être comparé à des postes d'emploi par touriste. Aujourd'hui, si on prend le total des recettes de voyage (59 MMDH en 2007) et on le divise par le nombre de touristes qui ont visité le Royaume sur la même période, nous définissons une dépense de 8.000 DH (1.000 dollars) par touriste, ce qui nous classe à côté des autres pays touristiques, dans la catégorie des destinations de haute qualité. Ceci est le résultat d'une politique touristique qui essaie de jouer sur l'ensemble des produits marocains et des segments… Encore, l'indicateur global des recettes permet de classer notre pays dans la catégorie de pays qui génèrent un niveau important de ressources à partir de son industrie touristique.
Je pense que cette tendance va se poursuivre, d'autant plus qu'aujourd'hui la qualité des stations construites, la catégorie des hôtels qui vont ouvrir et leur capacité d'hébergement, ainsi que l'ensemble des nouvelles niches que nous sommes en train d'exploiter (tourisme golfique, …) vont procurer un segment de clientèle d'un haut niveau, ou ce qu'on appelle les touristes à haute contribution …

Différents investisseurs étrangers dans le secteur du tourisme ont décliné deux défis majeurs qui entravent leurs activités au Maroc. D'abord, ils abordent la question du non-respect des conditions et des délais de la convention de partenariat avec la direction de l'investissement. Ensuite, ils craignent une pénurie ou une insuffisance de la main-d'oeuvre spécialisée et qualifiée …

Si vous parlez de l'exonération des taxes douanières et de la TVA sur import, il faut rappeler que cette exonération concerne une durée de 36 mois à compter de la date de la création de la société au Maroc. Mais en matière du retard que prend la validation de l'attribution de l'exonération au niveau des directions des investissements étrangers, il faut dire que ces dernières sont en train de fournir un effort exceptionnel qu'il faut saluer, afin qu'elles répondent aux demandes spontanées d'investissement en tourisme marocain et qu'elles essaient
de les structurer dans un premier temps. Je tiens à dire que tout projet dans le secteur du tourisme n'est certainement pas validé par défaut. Il ne suffit pas qu'un investisseur crée une société ou qu'il ait l'idée d'investir dans une région ou une autre, pour qu'il se voie attribuer 300 hectares ou signer la convention de partenariat avec l'État.
Pour qu'un projet touristique soit admis, et dans le cadre de notre politique d'équilibrage, nous nous informons des intentions réelles en termes d'investissement et nous vérifions la convenance du projet à l'aspect culturel et historique de la région visée.
J'ai assisté à deux réunions présidées par le Premier ministre, au titre de ce nouveau gouvernement, et il a été constaté que le secteur qui se place premier en termes de conventions validées est celui du tourisme. Je peux dire qu'effectivement, un nombre de demandes d'investissement est en attente.
Une situation à laquelle le Premier ministre a répondu en donnant des instructions claires pour l'aménagement de plusieurs régions concernées (Essaouira, Safi …), et ce afin d'accélérer leur validation et faciliter leur exécution.

Au sujet de la fiscalité, les opérateurs se plaignent des taxes, du niveau des taux de la TVA…

En ce qui concere la fiscalité des hôteliers, la taxe de la promotion touristique a toujours existé et ne peut relever de la fiscalité qui dérange encore.
Au contraire, c'est l'ONMT qui devrait se plaindre pour avoir engagé encore et toujours des charges de promotion du secteur sans qu'il puisse arriver à les compenser en termes de ressources. Selon le rapport de l'Office, on lui reproche de ne pas arriver à couvrir ses dépenses.
Cette taxe représente aujourd'hui la 6e ressource du budget de l'ONMT. Par rapport à la Vision 2010, elle devrait atteindre quelque 500 MDH. On est globalement à ce jour à 93,80 MDH.
Sachant que la moyenne qui devrait être consacrée à la promotion touristique, selon le benchmarking mondial, est de 1% des recettes de voyages (touristiques).
Une moyenne que nous ne sommes pas loin d'atteindre. À ce titre, il me tient à cœur de dire qu'au niveau de l'ONMT un grand travail de rationalisation, d'organisation et de restructuration est en train de se faire, dans la grande transparence et clarification.
Il concerne la mise en œuvre et la reformulation totale de la stratégie de promotion du tourisme marocain… mais il faut que les professionnels se sentent aussi concernés.
La taxe n'est qu'un minimum de leur contribution financière à une promotion qui les sert d'abord. Sur un autre registre, j'aimerai rappeler que le nombre de nuitées officiellement présenté n'est rien d'autre que le nombre de nuitées déclaré par les hôteliers eux-mêmes, que j'invite à s'impliquer encore plus dans cette promotion du tourisme national, de créer davantage de fédérations et d'associations et de venir même challenger le fisc et de lui demander des états chiffrés, des comptes et des résultats. Chose que je trouve totalement naturelle et logique.

Revenant à la question des investisseurs étrangers. Quel est le dernier classement en terme de provenance selon les pays d'origine ?

Sincèrement, on remarque que presque tous les pays sont présents sur cette liste des investisseurs étrangers dans le secteur du tourisme marocain.
Si on considère les investisseurs qui entrent dans le cadre du plan Azur, on énumère l'Espagne (ex : Fadesa), les Etats-Unis d'Amérique (Colonie capitale), la France (Accor), l'Égypte (Orascom) sur Oued Chbika, etc.
On peut vraiment dire qu'un afflux important et un intérêt exceptionnel sont portés pour le tourisme marocain par tous les grands investisseurs étrangers de tous les pays.
J'ajoute que les grands projets sont menés principalement par les investisseurs d'origine arabe.
Encore, les grandes enseignes de grand prestige s'intéressent au Maroc, pour rappeler que la destination nationale est en train de confirmer son rang de «première classe».

Passant à une deuxième partie de la discussion concernant la structure du département compétent. Qui fait quoi sur le long de la chaîne du secteur touristique, sachant que des fois on a du mal à situer les différents intervenants et leurs rôles respectifs ?

Le département du tourisme et bien sûr l'ONMT. Le ministère de tutelle est structuré de la manière suivante : trois directions. La première est la direction qui s'occupe des relations avec les professionnels et le développement des métiers du tourisme.
Elle est chargée du contrôle essentiellement et aujourd'hui elle est en train de reclasser et de recenser l'ensemble des métiers qui relèvent du secteur du tourisme.
La fameuse DAI, Direction de l'aménagement et de l'investissement, s'occupe elle de la partie «produits».
Il faut savoir que c'est la «DAI» qui était la cheville ouvrière du développement du plan «Azur», plan «Madain», du «plan rural», etc. Cette direction est aujourd'hui en train de migrer vers une structure de forme Société anonyme (S.A.), qui s'appelle la SMIT ou la Société marocaine d'ingénierie touristique, qui sera le fruit d'une fusion entre la DAI, la SNABT (la Société nationale d'aménagement de la baie de Tanger) et la SONABA (la Société nationale de la baie d'Agadir). La SMIT va continuer à faire avancer ou liquider les projets de SNABT et SONABA, mais va être complètement dédiée au développement de produits touristiques.
La 3e direction dite «support» s'occupe des affaires administratives et financières…
Et il y a aussi, comme organes formant le département du Tourisme, la DSP qui s'occupe de la stratégie et de la planification. Elle assure à la fois le secrétariat général de l'Observatoire du tourisme qui est une association publique-privée responsable de produire les statistiques touristiques, et de même responsable du lancement de certaines études particulières. Et il y a l'ONMT qui a comme principale mission la promotion et le marketing du tourisme marocain principalement à l'étranger. Voilà, en bref, comment nous sommes structurés au niveau du ministère du Tourisme et de l'Artisanat.
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Organisation


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Pourquoi lier le tourisme et l'artisanat ?

Le lien entre les deux secteurs est un lien organique. C'est ce qui nous a poussé dans le cadre du nouveau gouvernement à les réunir dans un seul ministère. Mais, il est à noter que le tourisme dépend d'autres domaines, comme la culture, le transport aérien… Je tiens ici à revenir d'une manière schématique sur l'approche qu'on a adoptée dans le cadre de la vision 2010.
En fait, dans la conception de cette vision, on a d'abord focalisé sur l'amélioration de la capacité d'hébergement, après on s'est posé la question sur les moyens qui nous permettront d'acheminer ces touristes vers la destination pour remplir et faire tourner ces unités hôtelières, ce qui mène à résoudre le problème du transport.
Ensuite, il faut faire la promotion des produits touristiques marocains pour les faire connaître auprès de ces touristes. Et ainsi de suite.
En ce qui concerne l'artisanat, il est à souligner que le tourisme n'est pas seulement un secteur qui doit contribuer à la création des richesses et de l'emploi, mais également comme un vecteur qui est en mesure de donner une image, comme l'a relevé Sa Majesté à l'occasion des Assises du tourisme à Fès, de la culture et des traditons marocaines et le mode de vie de notre pays. Et les produits de l'artisanat peuvent jouer ce rôle.
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