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Passe-temps, gagne-pain et vrai loisir

Pendant le mois du jeûne, inutile de faire semblant de ne pas remarquer les diverses activités auxquelles s'adonnent les jeûneurs avant la prière d'Al Maghrib.
Entre ceux qui jouent aux matchs de football et ceux qui font du jogging, une nouvelle activité se distingue. Il s'agit de la pêche.

Passe-temps, gagne-pain et vrai loisir
La corniche de Casablanca témoigne de l'engouement des marocains, toutes catégories et sexes confondus, pour ce sport devenu au fil des temps un hobby pas comme les autres.

16h00, la falaise de «Lhank». Le bruit des vagues laisse filtrer un vacarme timide. Plus on avance sur les rochets et plus le spectacle devient époustouflant. On dirait que tous les rochers sont parsemés de cannes à pêche. Quant aux «pêcheurs occasionnels», ils sont occupés par d'autres activités. Entre ceux qui lisent des romans et d'autres qui regardent dans le vide, les adeptes de ce métier semblent prendre les choses au sérieux. «C'est mon gagne pain. Je viens ici chaque jour que Dieu fait pour pêcher du poisson. Chez moi, ma femme le cuisine et le vend dans notre petit snack. Elle en fait des boulettes et des fritures. Nous vivons grâce à cela», témoigne Hassan, un peu gêné.

En effet, si ce quadragénaire est un peu confus, c'est parce qu'il n'arrive pas à faire de grandes prises. «A l'occasion de ce mois sacré, tout le monde s'improvise pêcheur. C'est le premier passe-temps par excellence. A vrai dire, je n'ai rien contre ces amateurs, mais ils doivent apprendre les règles du métier. Il ne suffit pas de ramener sa canne et venir papoter avec son camarade en attendant que l'hameçon accroche un poisson. Il faut savoir que si l'on commence à parler, les poissons finiront par repartir au fond de l'océan ou se cacher dans les rochers marins», nous explique cet habitué des lieux.

Aussi, pour pratiquer une bonne pêche, plusieurs règles sont à retenir. Le pêcheur doit connaître les bancs et les repaires et choisir, pour chaque espace, le matériel, la méthode et l'esche (l'appât) appropriés. En mer par exemple, une belle canne très fine fera l'affaire. Car le pratiquant doit jouer sur la souplesse de la canne et l'élasticité de la ligne. Par ailleurs, il est nécessaire de spéculer sur les marées. Selon les spécialistes de ce «loisir», le poisson mord mieux, près des côtes à marée montante et au début du jusant (marée descendante). Au large, en revanche, la prise est meilleure en fin de jusant et au début de la marée montante.

Autant de règles à respecter pour réussir sa pêche et éviter de revenir bredouille. Quoique, ce résultat est loin d'être l'objectif de nos amis, les habitués des falaises de «Lhank». Car chacun d'entre eux se débrouille à sa manière pour remplir son panier. Karim fait partie de ces nouveaux pêcheurs. Chaque jour en sortant de son travail, il se dirige vers la falaise, déplie sa canne, fixe son hameçon et jette le fil à l'horizon. «Ici, je me sens libre. C'est une nouvelle passion que je viens de découvrir. C'est vrai que tout a commencé pendant le mois de jeûne, mais je compte garder ce rythme pendant le week-end. Vous ne pouvez pas imaginer combien ceci aide à faire le vide dans ma tête».

En effet, Karim a découvert le monde de la canne à pêche grâce à un collègue de travail. Ainsi, pour fuir les bouchons des circulations et ne rentrer à la maison que lors de la rupture du jeûne, ces deux hommes ont trouvé une issue: Pêcher pour passer le temps. Or, en arrivant c'est un vrai besoin de calme et de déconnexion de la réalité qu'ils ont découvert. Une découverte qui les a menés vers l'addiction C'est le cas de Smail, un récent retraité qui pratique la pêche depuis bien des années. «Si je viens tous les jours ici, c'est parce que je ne peux pas partir ailleurs. C'est comme ça, depuis que j'ai appris à parler aux vagues, je ne peux plus parler aux humains. Depuis que j'ai apprivoisé la brise de la mer, je ne supporte plus le vacarme des klaxons et le bourdonnement dans les cafés. En découvrant la pêche, j'ai tout simplement retrouvé ma paix intérieure», raconte ce sexagénaire, habitué des falaises de «Lhank». A quelques kilomètres du site en question, plus exactement à «Sidi Abderramane», c'est une autre catégorie de pêcheurs qu'on trouve.

Ce sont des femmes! Toutes vêtues de lunettes, chapeau et manteau imperméable, elles s'éparpillent sur les rochers et lancent leurs amorces. Toutefois, si certaines d'entre elles le font par plaisir, d'autres pratiquent la pêche par nécessité. Dada Hlima, est une femme qui ne quitte presque jamais les lieux. Chaque matin, elle arrive avec sa fille, dresse sa tente, et commence à cuisiner. Pois chiches, lentilles et pommes de terre aux olives font les menus de tous les jours. Pendant ce temps, la fille de Dada Hlima fixe ses trois cannes dans divers rochers. Elle passe son temps à vérifier les trois hameçons. Le poisson pêché est ensuite lavé, épicé et roulé de façon à faire de délicieuses boulettes que les visiteurs et habitants de «Sidi Abderrahman» viennent déguster à un prix raisonnable.

Il existe aussi une catégorie de femmes qui pratiquent la pêche juste pour le plaisir. Certaines d'entre elles ne prennent même pas la peine d'emporter le panier chez elles, elles le donne à l'un des passants (nécessiteux bien sûr). Ce n'est donc pas un hasard si l'on trouve des mendiants qui rôdent autour des rochers pour récupérer du poisson. Et bien sûr, une grande partie de cette aumône finit par être vendue dans le marché du coin. On constate que l'engouement des Marocains pour la pêche ne cesse de s'accroître et certains sociologues avancent que ce phénomène est dû à plusieurs facteurs. Il s'agirait notamment de la hausse du niveau de vie, le développement des loisirs et l'évolution des moyens de transport. Aussi, côté écologique, les spécialistes pensent que l'augmentation de la pêche sur les falaises est due à l'appauvrissement des rivières et des étangs, ainsi que leur pollution croissante.
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Amorces et appâts

La canne est le matériel le plus indispensable. Elle mesure vers les 3 mètres. Robuste et puissante, elle est capable de lancer très loin des lignes fortement plombées (100, 200 grammes et plus).
Lorsqu'on parle de la canne, il est presque impossible de ne pas évoquer le moulinet.

Ce dernier doit pouvoir contenir une longueur importante de fil épais. Un moulinet inoxydable à tambour fixe peut suffire. Concernant l'amorce, elle est souvent composée de poisson, de coquillages ou de crustacés, alourdie de farine, d'arachide et de sable. Ce graissin est indispensable pour la pêche au flotteur.
Quant aux appâts, ils sont extrêmement variés: vers marins, coquillages, maquereaux, calmars, crevettes etc. Dans tous les cas, il conviendra de s'assurer de leur fraîcheur, car le poisson de mer est très connaisseur et, de ce fait, peu facile à abuser.
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