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«Pour faire face aux catastrophes naturelles, l'action de l'Etat reste incontournable»

La Banque alimentaire est un simple maillon logistique a travers lequel le secteur privé marocain peut agir tant au jour le jour que dans de telles situations.

«Pour faire face aux catastrophes naturelles, l'action de l'Etat reste incontournable»
Karim Tazi
LE MATIN : La définition de la Banque alimentaire se décline ainsi : «Les banques alimentaires collectent, gèrent et partagent des denrées alimentaires pour aider l'homme à se restaurer. Leur action se fonde sur la gratuité, le don, le partage et le bénévolat et le mécénat ». Y a-t-il une dimension supplémentaire à ajouter pour la banque alimentaire au Maroc ?

KARIM TAZI :
Oui indéniablement. Au Maroc, la Banque alimentaire utilise l'aide alimentaire comme un puissant levier de lutte contre l'exclusion et de réinsertion. Un exemple permettra de comprendre ce que je veux dire par là. Les foyers d'accueil et de scolarisation de la jeune fille rurale, qui sont l'un des meilleurs moyens d'émancipation de la femme rurale, ont besoin de nourrir leurs pensionnaires 3 fois par jour pendant 9 mois, c'est là leur poste de charge le plus lourd. En les débarrassant de ce souci, la Banque alimentaire leur permet de se concentrer et de réussir leur mission.
On peut dire la même chose des foyers d'accueil des mères célibataires, des orphelinats, etc. Les interventions humanitaires sont une exception
dans notre fonctionnement habituel.

Quelles ont été les campagnes précédentes de la Banque alimentaire au Maroc et comment se sont-elles passées ?

Comme je viens de le dire, nous ne fonctionnons pas par campagne, nous accompagnons au quotidien des dizaines d'institutions de réinsertion.
Pour ce qui est des interventions humanitaires d'urgence, notre précédente opération s'est déroulée au début de 2007 en faveur des victimes de la vague de froid qui avait touché la région du village d'Anfgou. La plus grosse opération de notre histoire avait été celle du tremblement de terre d'Al Hoceima au cours de laquelle nous avions acheminé plus d'une centaine de camions de tentes, de matelas, de couvertures et de denrées alimentaires.

Au début d'octobre et suite aux intempéries, vous avez mis sur les rails une logistique spéciale. De quoi est-elle composée et pour quelles régions ?

Nous avons commencé avec les régions d'Errachidia et de Missour.
Dès les premiers jours, nous avons été alertés par des associations locales qui nous ont décrit la situation et fait parvenir des bilans provisoires des dégâts.
Pour parer au plus pressé, nous avons commencé par puiser dans les stocks existants et nous avons envoyé deux premiers camions puis nous nous sommes organisés pour collecter et acheminer quotidiennement matelas, couvertures et denrées.

Quels sont les canaux d'approvisionnement ?

Pour les denrées, nous nous appuyons sur les partenaires habituels de la Banque alimentaire à savoir les entreprises des secteurs de la production, de la distribution ou de l'importation de produits alimentaires. Notre vocation est de distribuer tous les produits parfaitement comestibles mais difficiles à commercialiser pour diverses raisons. Bien entendu dans les crises telles que celle-ci, les entreprises nous approvisionnent en prélevant directement dans leurs stocks. Fort heureusement, nous recevons aussi des dons en numéraire d'entreprises étrangères au secteur agroalimentaire qui, elles aussi, souhaitent agir. Dans cette bataille l'argent est le nerf de la guerre.

Quels sont les problèmes de collecte que vous rencontrez ?

A vrai dire, nous en rencontrons assez peu. Je m'adresse en priorité a un réseau de connaissances professionnelles et amicales qui font confiance a la Banque alimentaire pour avoir travaillé avec elle par le passé. D'un point de vue purement logistique, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur les moyens du groupe industriel auquel j'appartiens et il suffit d'un coup de téléphone pour que nous dépêchions un camion afin d'enlever les marchandises, quand ce ne sont pas les entreprises qui nous livrent elles mêmes.diennement matelas, couvertures et denrées.

Quels sont les donateurs ?

Je vous remercie de me poser cette question car elle me permet de rendre hommage aux entreprises qui sont les vrais héros de cette action de solidarité a savoir les entreprises Kitea, Serima, Comaner, VMM, Bel Fromagerie - Fandy Trade - Richbond - Mazafil - HEM - Bymaro - Association de la Zone industrielle de Sahel - Arc Fer - Lesieur - Prima Food - Afriquia - DHL - Archi Type - Laser Tolerie Plus – Best Milk- Saaidi Hdid Consultants - Involys - Koutoubia - Caritas - Consernor - Aiguebelle - Cartier Essaada- LGMC-Univers Motors - Sovapec - Belma – Mobilia - Axa - BMCI - Ecole Al Jabr - Centrale Laitière - Fromageries des Doukkala - Alcatel E-Business Distribution - Omnidata - NCRM - Hewlett Packard - Aixor - Renault - CFG Group - Laboratoires Bottu. Cette liste est provisoire et non exhaustive puisque de nombreux particuliers ne souhaitent pas être cités. On peut dire que la Banque alimentaire est un simple maillon logistique a travers lequel le secteur privé marocain peut agir tant au jour le jour que dans de telles situations.

Y a-t-il une coordination avec les secours de l'Etat ?

Comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment à un de vos confrères, nous avons été agréablement surpris par la qualité de l'accueil et la coopération de la part des autorités locales. Ce n'était pas toujours le cas dans le passé. Tant à Errachidia qu'à Missour, une commission a été créée pour superviser l'entreposage et la distribution des dons. Elles étaient composées à parts égales de représentants de l'autorité, des représentants des sinistrés et de la société civile locale. A Missour le gouverneur a mis à notre disposition un entrepôt distinct pour stocker les marchandises et à Errachidia les autorités nous ont fourni des camions pouvant accéder aux zones auxquelles nos camions ne pouvaient accéder. Depuis mardi, nous avons commencé à expédier à Tanger et nous y avons rencontré la même coopération. Le fait qu'aujourd'hui les autorités acceptent d'inclure les représentants des associations locales dans les comités de distribution est le meilleur gage de transparence que l'on puisse donner tant aux bénéficiaires de l'aide qu'aux donataires de cette aide. Lorsqu'on n'a pas encore reçu tous les matelas ou toutes les couvertures, il faut faire des arbitrages douloureux et potentiellement générateurs de tensions. Lorsque les associations locales sont associées à ces arbitrages, les décisions douloureuses sont mieux acceptées.

Vous avez, dans le cadre de la CGEM, soutenu les associations de proximité en créant des partenariats entre le monde de l'entreprise et la société civile. Où en est ce projet ?

Ce projet à caractère éminemment social est aujourd'hui dans le coma car manifestement il ne figure plus dans les priorités de la CGEM. Les quelques personnes qui faisaient fonctionner la Commission Entreprises et Proximité sociale et qui ont, 4 années de suite, organisé le Forum, ont fini par se fatiguer. Le président de la Commission de l'époque a solennellement informé le Conseil d'administration de la Confédération des limites de ce type de fonctionnement et sollicité plus d'aide et plus d'appropriation de la démarche par l'ensemble de l'institution. Le fait que le Forum ne soit pas tenu cette année et que personne ne semble l'avoir remarqué prouve que cette démarche était trop marginale pour être pérennisée.

Vous avez, vous même dans le cadre du milieu familial ou professionnel, beaucoup réfléchi à l'organisation de l'entraide, quelles conclusions en avez-vous tirées ?

Les mécanismes d'entraide et de solidarité qui, par le passé, fonctionnaient parfaitement dans les cadres claniques et tribaux ne se sont pas encore adaptés aux mutations qu'a connues la société marocaine. La montée de l'individualisme et du matérialisme les a très sérieusement mis à mal comme en témoignent la montée des inégalités et les énormes difficultés financières et humaines que rencontrent les associations qui luttent contre l'exclusion. Il faudra du temps pour que les Marocains s'émancipent de l'occasionnel réflexe caritatif, reconnaissent qu'ils ont, les uns vis-à-vis des autres, un devoir de solidarité qui doit s'exercer d'une façon plus institutionnalisée comme, entre autres, l'action associative. Enfin et c'est ce qui me paraît le plus important, même le tissu associatif le plus dense et le mieux structuré ne remplacera jamais l'action de l'Etat. On a pu croire que dans ce domaine comme dans d'autres, faute d'être réformé l'Etat pouvait être contourné, or tous les jours nous avons la preuve que l ‘Etat est incontournable. Il ne reste plus donc qu'à prendre son courage à deux mains et commencer à le réformer, aussi douloureuse cette reforme soit-elle.

A-t-on répondu aux appels que vous avez lancés ?

Je ne vous surprendrai pas si je vous disais que ce sont toujours les mêmes qui répondent à ce genre d'appels. Prenez la liste des donateurs de la Banque alimentaire, ajoutez-y celle des donateurs de SOS Villages, Bayti, l'Heure Joyeuse, et trois ou quatre grandes associations, enlevez les -nombreux- doublons et vous aurez la liste somme toute très courte des entreprises citoyennes ou des patrons généreux du Maroc.
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