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Les conditions n'ont pas changé d'un iota

Mardi 7 avril, un camion qui transporte de la viande rouge est entré aux abattoirs municipaux de la ville de Casablanca.

Les conditions n'ont pas changé d'un iota
Le transporteur a présenté des documents concernant l'état, la nature, le poids de la marchandise ainsi que le nom et l'adresse du destinataire. Au moment où l'inspecteur vétérinaire des abattoirs contrôlait les produits pour évaluer une taxe conforme au poids, il a été surpris : la quantité déclarée est inférieure au poids transporté. Alerté en urgence, les autorités compétentes de la préfecture des arrondissements de Moulay Rachid se sont rendues sur le lieu. Après un simple contrôle routinier, le responsable a sommé le transporteur, pris en flagrant délit, de compléter la somme manquante de la taxe sans aviser la police judiciaire. Une scène qui se passe de tout commentaire et fait renaître, encore une fois, le problème de la gestion défectueuse des biens publics au sein des abattoirs qui a fait agir des chevillards casablancais qui pointent du doigt l'incompétence de l'actuelle société gérante. Il est à rappeler qu'un sit-in a été organisé récemment par les chevillards plaignants.

Ils sont montés au créneau pour protester contre la gestion défectueuse de la société, la montée recrudescente de l'abattage clandestin, le vice du contrat de concession et enfin pour solidarité pour le licenciement de certains ouvriers et également pour se solidariser avec les trois chevillards suspendus auxquels le Conseil de la ville a retiré, selon l'un d'eux, leurs cartes professionnelles. «Nous avons décidé d'organiser ce premier sit-in après de nombreux moyens de protestation qui n'ont pas donné d'effet. Nous allons augmenter la pression pour pousser le Conseil de la ville à revenir sur ses décisions, entre autres, celle qui accorde une partie de la taxe sur l'abattage à la société turque gestionnaire des abattoirs», indique Mohamed Dahbi, coordinateur régional de l'UGEP. Il est à rappeler que le Conseil de la ville a décidé de se dessaisir d'une partie de ses recettes au profit de la société turque, selon M. Dahbi. «L'argument, peu plausible d'ailleurs, est celui de contribuer aux payements des factures d'eau et d'électricité de la société turque. Il s'agit de ''0,69 DH par kg de viande produite à l'intérieur des abattoirs''. Compte tenu des 24.000 tonnes produites, le Conseil a donc l'intention de céder une somme qui avoisine les 17 millions DH au profit de la société délégataire. Il n'y a pas d'argument plausible qui justifie cette mesure», fustige M. Dahbi. Les chevillards protestent et demandent l'ouverture d'une enquête.

Aussi, une carence au niveau de la gestion a été constatée par les chevillards qui commencent déjà à regretter la période où les Espagnols géraient les abattoirs. «Au début, la société turque nous promettait monts et merveilles. Mais il s'est avéré qu'elle n'a pas d'expérience. Et rien n'a changé», témoigne un professionnel. «Presque tout le matériel est en panne», indique un autre. Les crochets, dispositif le plus élémentaire, ne sont pas en nombre suffisant. Les pièces de rechange manquent. Les canalisations ne sont pas, non plus, en bon état. Le personnel qualifié (ingénieur mécanique et en climatisation et froid) fait aussi défaut, selon les chevillards. «Ce sont ces mêmes conditions de travail que nous avons héritées de notre prédécesseur espagnol, GBGV (Groupement de viande Gypisa Bejar)», affirme le patron de la société turque pour infirmer les propos des chevillards. Mais ces derniers assurent que cela fait plusieurs mois que le concessionnaire turc est aux commandes des abattoirs de la métropole, mais la situation n'a pas changé d'un iota, selon les dires des chevillards. «Les Turcs n'ont pas encore la maîtrise des abattoirs», ironise Abdelali Ramou, l'un des représentants de l'Union générale des entreprises et des professions (UGEP) et des chevillards inscrits, désormais, dans la liste noire des «persona non grata» au sein des abattoirs.

Nous avons visité la chambre de réfrigération qui sert également de salle de vente. Chose qui, selon notre guide, est une aberration. «Les abattoirs ne disposent pas d'une vraie salle de vente. Les chevillards sont obligés d'écouler leurs marchandises au sein des salles froides», s'indigne-t-il. Une situation qui représente un danger pour la santé des chevillards puisqu'ils sont contraints de supporter le froid pendant la période de vente qui dure toute la matinée, contrairement aux directives de l'arrêté du directeur de l'agriculture et des forêts du 19 mai 1953, déterminant les conditions exigées pour la préparation, l'entreposage et la vente des viandes. Nous avons constaté la frissonnante froideur de l'endroit. «Imaginez que les chevillards doivent rester pendant trois heures, voire plus, dans cet endroit glacial!», lance un chevillard.
Pendant le reportage, nous avons remarqué que les canaux d'évacuation sont parfois bouchés. «En août dernier, une quantité de viande est tombée par maladresse dans une mare de saleté. Les autorités compétentes des abattoirs se sont contentées d'obliger le gérant à indemniser les chevillards sans prendre des mesures répressives», se remémore un chevillard.

La propreté est à déplorer aux seins des locaux des abattoirs. Toutefois, la loi exige que les locaux de préparation, de découpage, de désossage de la viande doivent être constamment maintenus en parfait état de propreté, lavés et nettoyés au moins une fois par jour, après le travail. Si la salle de vente de la viande rouge reçoit un lavage quotidien, la place destinée à la réception des abats par les chevillards baigne dans la saleté. Les conditions sont répugnantes. Les têtes de moutons ou de veaux, les pattes et les abats sont lavés à l'aide d'une eau insalubre. Le manque d'hygiène est une monnaie courante. Les têtes et les pattes sont posées à même le sol goudronné, mélangées au sang, graisse blanche et déchets. C'est malheureusement ici, dans ces conditions répugnantes que nous recevons nos produits qui vont, par la suite, être destinés aux consommateurs. De pauvres citoyens qui ignorent à quel point les conditions des locaux de préparation des viandes sont désastreuses», s'indigne un des chevillards. Les seules toilettes existantes sont bouchées. Sur ce point, le patron a mis à l'index le manque de volonté des chevillards qui ne veulent absolument pas s'organiser et contribuer à la propreté des lieux. «J'ai plusieurs fois rappelé les chevillards à l'ordre pour conserver la propreté des locaux mais en vain», souligne le patron de la société gestionnaire.

Ces conditions, qui n'ont rien de sanitaire, ne sont pas l'unique problème du secteur. L'abattage clandestin a pris une proportion alarmante. En recrudescence depuis une longue date, il constitue un manque à gagner et une perte de somme énorme au trésor public. «Ce phénomène ne date pas d'aujourd'hui. Aux années quatre-vingts, la proportion de l'abattage clandestin ne dépasse guère 10 à 15% grâce aux efforts conjoints des professionnels du secteur et les services vétérinaires de la ville», indique M. Dahbi. «Hélas, les mesures draconiennes, les peines d'emprisonnement, les amendes à l'égard des contrevenants constituaient une dissuasion fiable. Désormais, avec l'avènement des nouveaux abattoirs en 2002, l'abattage clandestin a gagné du terrain. Nous avons recensé 7 points noirs», ajoute-t-il. D'après les statistiques réalisées par l'UGEP en 2008, parmi les 120.000 tonnes de viande rouge consommées par les Casablancais, seules 20.000 à 24.000 tonnes sont produites par les abattoirs communaux. D'où provient alors le reste ?

Les professionnels indiquent, par ailleurs, que l'implantation de l'abattage clandestin se situe principalement à Hay Hassani, Derb Ghallef, Derb Soltan, Derb «Spalione» et à Sidi Moumen. «Il y a désormais des centres bien connus où se concentre l'abattage clandestin», dénonce M. Dahbi, en ajoutant : «Pour les chevillards, il n'y a qu'une seule explication à cette prolifération rapide des viandes aux origines inconnues: le manque de contrôle». Il faut ajouter la provenance des viandes d'autres régions. Ce qui ''met de l'huile sur le feu'' des chevillards convaincus d'avoir le droit d'être les seuls fournisseurs du Grand Casablanca. «Les viandes proviennent de Tit Mellil, de Had Soualem et d'autres souks hebdomadaires», souligne un autre chevillard. Une situation face à laquelle les chevillards se sont opposés par des réclamations qui sont tombées à l'eau. Il est opportun de rappeler l'inertie et le manquement aux devoirs de la part des autorités compétentes. Et de leur rappeler également que ''l'enjeu reste la santé des citoyens''.
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Conditions exigées

Concernant les conditions d'installation des ateliers, hygiène des locaux et du personnel, la loi insiste sur le fait que la préparation des viandes découpées en morceaux et désossées ou en pièce, ne peut avoir lieu que dans des ateliers situés dans l'enceinte d'un abattoir (et dans l'établissement frigorifique annexe) ou dans un périmètre déterminé autour de cet abattoir par un arrêté de l'autorité municipale ou locale de contrôle, sous réserve qu'il n'y ait pas de rupture. Ces ateliers doivent comporter: une chambre de réfrigération; un local de découpage et de désossage, un local d'emballage; un local de refroidissement et de stockage des viandes avant expédition. Toutefois, l'emballage pourra être effectué en fin de chaîne de travail dans la salle de désossage. Et les locaux de préparation et d'emballage de viandes doivent être régulièrement maintenus en parfait état de propreté, lavés et nettoyés au moins une fois par jour, après le travail, les tables utilisées pour le découpage et le désossage doivent être en bois dur, en hêtre de préférence, et doivent être maintenues en bon état d'entretien et de propreté. La chambre de réfrigération doit également être maintenue en parfait état de propreté. Des vestiaires, des lavabos et des W.C. pourvus constamment de linge, de savon et de papier hygiénique, seront mis à la disposition du personnel. Les W.C. n'auront aucune communication directe avec le local de découpage et de désossage. Désormais, le local des débris ne répond pas à ses directives. Le patron blâme les chevillards et les personnes qui se soucient peu de la propreté de l'endroit.
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