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La drogue et la fin de l'omerta

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Le Maroc ne peut être un terreau de développement du trafic de drogue. L'Etat, conscient d'un tel impératif, ne se résout pas à voir se constituer impunément des réseaux de narcotrafiquants à partir de son territoire. Les arrestations, les démantèlements et les limogeages de fonctionnaires relevant des corps sécuritaires donnent la mesure de l'ampleur d'une activité tissée pendant des années peut-être, profondément enracinée dans certains milieux et mettant en jeu d'importantes et insoupçonnables ramifications. C'est un envers du décor obscur, voire sombre de la réalité vivante et laborieuse de notre pays. « Le Maroc est déterminé à poursuivre la lutte contre les différents réseaux de trafic de drogue dans le cadre d'une démarche globale et intégrée », avait déclaré le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa. La démarche globale laisse entendre ici une connotation élargie, parce que l'Etat engage une campagne tous azimuts, à la fois pour traquer les trafiquants nationaux et internationaux qui sont nombreux et la diversité des produits de drogue. Il s'agit en effet de renforcer l'éradication de la culture du cannabis, de réprimer le trafic des stupéfiants, de mettre un terme au transport illicite et de sévir contre la commercialisation, également illicite, des produits au niveau des villes.

La lutte contre le trafic de la drogue prend plusieurs formes et pour ne s'en tenir qu'à celle menée contre les plantations, un gros effort a été déployé par l'Etat. On annonce que «les cultures de cannabis sont passées en termes de superficies de 135.000 hectares il y a quelques années à 60.000 hectares l'année dernière. Dans certaines provinces, les cultures du cannabis avaient été totalement éradiquées. Le Maroc propose aux paysans des solutions de rechange (cultures de substitution) qui se sont révélées productives et concluantes».
Ce n'est certainement pas d'aujourd'hui que date le fléau du trafic de drogue et l'existence de réseaux qui en font leur activité exclusive et juteuse.

L'humanité entière est confrontée depuis la nuit des temps à ce phénomène. Aucun pays, quelles que soient sa dimension et son importance, n'échappe à cette pandémie dont l'activité va sans cesse croissant. A la limite, diraient les experts et les sociologues, elle est liée au degré de liberté et de démocratie des Etats.

L'opium nous provient historiquement de grands pays comme la Chine, les drogues dures se développent dans les grands pays industrialisés, aux Etats-Unis, en Russie et en Europe et les autres continents n'en sont pas plus épargnés. Le réseau démantelé il y quelques semaines à Nador, pour peu que l'on y prête attention, révèle une dimension particulière : la complicité maléfique de Marocains, trafiquants simples mêlés à de « gros poissons », des étrangers reconnus et poursuivis par les justices européennes, des fonctionnaires et, ce qui donne à l'affaire une certaine complexité morale, l'implication d'officiers de la Gendarmerie, des Forces auxiliaires et de la Marine. Leur limogeage, après celui de bien d'autres plus importants, montre la détermination des autorités à s'attaquer impitoyablement aux réseaux et à ceux qui les constituent, quel que soit leur poids social ou politique même.

C'est peu dire que les temps changent et que l'impunité, celle-là même à laquelle recouraient quelques-uns et non certes des moindres, est morte de sa belle mort. Elle est enterrée désormais et révolue. La loi semble être la même pour tous. Un autre aspect mérite d'être relevé : il s'agit de ce qu'on appelle « la normalité » dans laquelle s'inscrivent de plus en plus les procédures judiciaires, c'est-à-dire la banalisation d'affaires – fussent-elles de trafic de drogue – qui relèvent de la procédure pénale et mettent des responsables en cause. Est-ce à dire que leur implication est passible, gravement passible de la justice qui est la même pour tous. Depuis quelques temps, nous voyons ainsi déférés au parquet des personnes qui, en d'autres temps, auraient pu bénéficier du silence d'une justice complice ou tout simplement de l'omerta. L'Etat à lui seul mène l'essentiel de la guerre contre les producteurs, les transporteurs, les réseaux de commercialisation, les dealers éparpillés. Il devrait pouvoir bénéficier d'une adhésion sans faille, en aval, de la société civile dans ce combat pour l'hygiène physique et morale.

D'un bout à l'autre de la complexe chaîne, les barons de la drogue, demi sels ou autres passent mais les séquelles demeurent, les fractures et les tragédies persistent comme des stigmates indélébiles. Or, la lutte contre le trafic de drogue s'attaque de plus en plus à de puissants réseaux internationaux implantés dans les pays de consommation, en Europe en particulier, disposant de gros moyens logistiques, parfois même implantés comme des « Etats dans l'Etat », influents et invisibles. Le Maroc mène avec efficacité la guerre contre les réseaux et ne laisse aucune marge de liberté à tous ceux qui prétendent s'élever au-dessus de la loi, la défier ou la subvertir. Avec succès, il procède à l'éradication des cultures, au démantèlement des réseaux, à la répression de la consommation.

Mais ce combat de longue haleine suppose aussi une coordination au niveau international entre les services spécialisés pour une «lutte plus efficace» et porteuse. Car les réseaux bénéficient de complicité, de ramifications et de connexions aussi bien sur les deux rives du détroit de Gibraltar qu'au cœur des pays consommateurs, en Europe et ailleurs. « Un événement de notre temps prouve la tendance morale de l'humanité », disait le philosophe allemand Emmanuel Kant. Il faut croire que l'engagement de l'Etat marocain à prendre à bras-le-corps le combat contre le trafic de drogue soit cet événement qui décline désormais la tendance.
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