Menu
Search
Vendredi 19 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 19 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

«L'aide au développement ce n'est plus du mécénat, mais plutôt un processus certifié»

Youssef Chiheb est professeur d'Université Paris Nord XIII et directeur du master ingénierie de développement.

«L'aide au développement ce n'est plus du mécénat, mais plutôt un processus certifié»
LE MATIN : Vous avez assisté au 1er Forum des associations des Marocains résident s à l'étranger (MRE), organisé le 10 août à l'occasion de la journée du migrant à Rabat. Quels ont été selon vous les principaux enseignements de cette réunion ?

YOUSSEF CHIHEB :
Je tiens d'abord à saluer l'initiative du ministre de la Communauté marocaine à l'étranger d'avoir organisé une telle rencontre de nature à intégrer, désormais, les Marocains résidents à l'étranger (MRE) dans la réflexion et l'action au côté des institutions et associations chargées du développement humain. L'Initiative nationale de développement humain (INDH) est un choix irréversible et décisif allant dans le sens de placer, enfin, « l'Homme » au cœur des stratégies motrices du développement contre les multiples fractures sociales, territoriales et de gouvernance qui continuent à figer la dynamique globale des hommes et des territoires à s'affranchir de la pauvreté et de l'ignorance. Cependant, au-delà de l'aspect événementiel et festif, il faut donner à cette rencontre un cadre plus organisé et plus productif afin d'éviter qu'elle ne devienne un lieu de doléances, de confrontations ou de positionnement politique. La communauté marocaine résidente à l'étranger recèle parmi ses composantes des personnes hautement formées et expérimentées, etc. Des ingénieurs, des experts, des universitaires, des spécialistes en développement, de quoi nourrir leur pays en excellence, en savoir-faire et en valeur ajoutée. Il faut aussi évoluer et ne plus réduire les MRE à de simples « vaches à lait » à des acquéreurs de biens immobiliers ou à relancer la consommation durant les vacances, etc. Je crois qu'ils peuvent contribuer autrement au développement de la mère-patrie.

Selon plusieurs participants, le Maroc ne profite pas du fonds européen de développement. Que faire pour remédier à cette situation ? Le développement concerté ou projeté est tributaire de sources de financement multiples en provenance de bailleurs de fonds internationaux. Les aides allouées au Maroc par l'Agence française de développement (AFD), le PNUD ou l'Union européenne (UE) ont baissé de près de 27% en cinq ans. Paradoxalement les projets de développement, dans le cadre de l'INDH sont budgétivores. Comment expliquer ce tarissement des financements face à des besoins croissant en la matière ?

Après enquêtes, nous avons conclu que ces réductions d'aide au développement dédiée au Maroc relèvent plus à la fois d'un manque de lobbying efficace par des experts, d'une difficulté des organismes de développement marocains à présenter des projets fiables, viables et impactant. Les bailleurs de fonds sont très exigeants. Les demandes éligibles sont celles portant des projets basés sur la contractualisation, la bonne gouvernance et la culture de résultat. Bref, l'aide au développement ce n'est plus du mécénat ou des actions de bonne conscience, mais plutôt un processus certifié tendant, à terme, vers l'autonomie des bénéficiaires ciblés.

Le ministre de la Communauté marocaine à l'étranger, Mohamed Ameur, s'est prononcé pour la création d'une cellule chargée du co-développement au sein de son ministère. Pour réussir sa mission, quels rôles doit-on assigner à cette nouvelle structure ?

L'idée évoquée par M. Ameur portant sur la création une cellule chargée du co-développement au sein du ministère de tutelle me paraît pertinente. Sa chance d'impacter notre pays est liée à son Indépendance, à son organisation et à sa dotation en ressources humaines compétentes ayant capitalisé des expériences à l'échelle internationale. Une fois mise en place, elle doit procéder à un transfert de compétences, à la finalisation de concepts opérationnels de développement, à l'élaboration de stratégies, utilisant des processus opératoires innovants, à hiérarchiser les priorités thématiques et procéder à l'élaboration d'une nouvelle géographie des territoires prioritaires en matière de développement humain. Elle peut servir également d'interfaces entre les opérateurs institutionnels locaux et les organismes internationaux. Enfin, elle doit se doter des nouvelles innovations technologiques et managériales pour la constitution d'une base d'une force de frappe stratégique dans le cadre d'un guichet unique ou un Centre ressource et de prospective.

Les actions réalisées dans le cadre du co-développement ciblent en priorité les zones rurales au détriment des quartiers péri-urbains et bidonvilles. En tant qu'ancien directeur de la cohésion urbaine en France, partagez-vous ce constat ?

Fort de constater que le contexte de disparités territoriales au Maroc pénalise davantage les zones rurales. On peut légitimement admettre que les priorités en matière de développement soient concentrées en milieu rural. En revanche, le sous développement alarmant propre aux quartiers péri-urbains, aux bidonvilles, à l'habitat insalubre et aux grands ensembles d'habitat social pose avec acuité non seulement la nécessité de mise à niveau de ces territoires anxiogènes, mais il y va de la sécurité globale des villes de rattachement (sécurité urbaine, sûreté, sécurité civile, etc.) A titre de comparaison, la France dépense chaque année plus de 5 milliards d'euros, en politiques dérogatoires, pour la rénovation urbaine des quartiers sensibles qui enregistrent cycliquement des vagues de violences urbaines, de criminalité organisée et l'émergence de groupuscules subversifs. L'INDH doit tenir compte de l'aspect socialement sismique des quartiers urbains défavorisés et 'élaborer un recadrage préventif. Les problèmes de circulation, d'accidentologie, de mobilité, d'insalubrités urbaines, de délinquance, etc. sont de véritables entorses aux normes d'urbanisme et d'urbanité qui déchirent le socle de la cohésion urbaine de nos villes, Casablanca en tête.

Parmi les recommandations de ce Forum la mise en place d'un fonds de développement financé par un prélèvement de 1% sur les transferts des MRE au Maroc. Comment mettre en place ce financement innovant ?

Les devoirs de solidarité des MRE et leurs engagements dans l'INDH, impulsé par S.M. le Roi, doivent être organisés, structurés et capitalisés. Le prélèvement de 1% des transferts de MRE dédiés exclusivement au financement des projets de développement servira à la fois plus efficacement au développement de notre pays et modifiera le comportement caricatural des MRE qui envoient, autant que possible, spontanément médicaments, fauteuils roulants, cartables et autres matériels réformés destinés au recyclage, etc. Techniquement, la création d'une Fondation Marocaine de Développement (FMD) à laquelle la gestion transparente des transferts peut lui être confiée. Cette fondation financera, de manière traçabilisée, les projets, les programmes et les réalisations dans le cadre d'une stratégie contractuelle avec les opérateurs nationaux de développement, les collectivités territoriales et la société civile.
--------------------------------------------------------------------------

Capacités des associations

Lors du 1er Forum des associations des Marocains résidents à l'étranger (MRE), organisé le 10 août dernier à l'occasion de la Journée nationale du migrant, par le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, le manque d'une stratégie nationale claire en matière de co-développement a été pointée du doigt par les participants. Cette journée a été marquée par la proposition de la mise en place d'un Fonds de développement du Maroc financé par un prélèvement de 1% sur les transferts des MRE vers le Royaume. Toujours lors de cette journée, l'Agence pour le développement de l'Oriental a présenté son projet MIDEO réalisé ave la coopération technique allemande (GTZ) et financé par l'Union européenne (UE) dont l'objectif est d'orienter les MRE vers des investissements productifs.
Lisez nos e-Papers