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Une Caisse à bout de souffle

Telle qu'elle est, la compensation pourrait engendrer des poches de rentes qui favorisent la stagnation et entravent le processus productif.

Une Caisse à bout de souffle
La Caisse de compensation semble avoir atteint ses limites eu égard aux missions réelles ou supposées qui lui sont dévolues, tant il est vrai que l'esprit de cette dernière "laissait à penser qu'elle serait efficace pour éradiquer la précarité, lever les menaces sur le pouvoir d'achat en neutralisant les cours haussiers du pétrole et les flambées des prix des denrées alimentaires". Grosso modo, la Caisse était censée "réussir à instaurer plus d'équité dans la répartition des fruits de la croissance". Toujours est-il, selon le Centre marocain de conjoncture, " que les réformes de la caisse de compensation, amorcées à ce jour, se cherchent et essaient de s'inspirer de certaines expériences, entreprises à travers le monde, parrainées par la Banque Mondiale et considérées comme relativement réussies". L'expérience la plus concluante à cet égard est celle du Mexique dite Tequila lancée en 1997 et qui ressemble à notre programme Tayssir.

En effet, le ciblage concerne des groupes de personnes classées comme pauvres et qui font l'objet d'une aide directe conditionnée par la scolarisation de leurs enfants. L'analyse coût-efficacité a montré que cette opération a largement rempli l'objectif qui lui a été assigné. La pauvreté a été réduite de moitié pour un coût qui n'a guère dépassé 0,5% du PIB. Il ne reste plus qu'à espérer que ce système accepte, avec la même efficience, la transposition au Maroc qui peine à contenir la compensation dans les limites de 4%. Le processus de mondialisation et l'interconnexion planétaire ont fini par transmettre à la plupart des pays en voie de développement la hausse des prix des aliments de base et des denrées de première nécessité.

Le Maroc, à l'image d'autres pays en développement, s'essaie à appliquer différents types de mesures qui peuvent être de nature fiscale, par la réduction des droits de douane sur les denrées alimentaires de première nécessité ou d'ordre procédural, par la fixation et le contrôle des prix des denrées nécessaires, ou encore plus ouvertement interventionniste en subventionnant les prix des intrants, comme le carburant, ou en octroyant des aides directes aux populations démunies. Incontestablement, l'Observatoire privé de l'économie marocaine voit juste lorsqu'il considère que si on peut prêter à la compensation la vertu de juguler l'inflation, il n'empêche que l'on soit assez enclin de lui reprocher sa faculté d'engendrer des poches de rentes qui favorisent la stagnation et entravent le processus productif. "Les solutions doivent être soutenues par des dispositions profondes à moyen et à plus long termes pour limiter les effets contrastés sur les équilibres socio-économiques.

Car si la compensation peut servir de palliatif, elle ne peut être la panacée pour améliorer le niveau de vie des ménages et encore moins être un remède pour éviter la stagflation." Un raisonnement d'autant plus imparable qu'il faut dire que, après s'être évertué à maintenir le cap pendant près de deux ans dans un environnement dominé par les manifestations de la crise financière mondiale, le Maroc s'est rendu compte qu'il ne pouvait rester longtemps à l'abri de la contagion. Il est appelé à adopter une démarche sur le moyen terme. A commencer par la loi de Finances de 2011, appelée à réduire les dépenses de fonctionnement des administrations et autres établissements publics, à contenir l'augmentation des salaires et les dépenses de la Caisse de compensation. Sur ce registre, il faut rappeler que malgré le fait avéré de la dégradation de la conjoncture internationale, le Maroc ne se résout que modérément à reconnaître les retombées de la crise alors que les signes précurseurs de contraction de la croissance se manifestent déjà et se font plus pressants dans certains secteurs.

Le secteur textile a entamé une tendance baissière depuis 2008 avec un repli à 3,2%. L'offshoring a créé un mouvement de panique au cours du premier semestre 2010 en raison des tentatives françaises notamment de lutter contre les délocalisations. Les équipements liés à la sous-traitance automobile sont sous l'emprise directe de la récession due à la contraction des ventes de voitures automobiles dans les métropoles européennes. Les transferts des MRE en enchevêtrement des recettes touristiques ne sont pas à l'abri de la crise et forment une courroie de transmission directement amarrés aux revenues des ménages et à leur pouvoir d'achat et expliquent même parfois les méventes que connaît le secteur immobilier.

Bref, tout cela pour dire en définitive que le paysage ainsi décrit laisse présager que cette phase de crise n'est pas sans nécessiter de sérieuses adaptations de la politique économique pour mieux gérer la conjoncture. Dans ce cadre, les dispositifs relatifs à l'économie sociale, s'agissant particulièrement des programmes de soutien à l'emploi et la consommation, doivent faire l'objet d'attention particulière pour éviter la détérioration du niveau de vie des populations vulnérables. En 2010, sous l'hypothèse d'un cours de 75 dollars le baril de pétrole, la loi de Finances pour 2010 a consacré 14 milliards de DH à la compensation.
Ce montant, consommé à 95 % pour couvrir les seuls besoins du premier semestre, demande donc un rectificatif. Ainsi, le niveau exigible de l'allocation annuelle semble s'établir autour des 30 milliards de dirhams ou 5 % du PIB. Un tribut lourd à assumer pour un pays engagé dans la réalisation d'un large éventail de grands chantiers structurants très avides en dépenses d'investissement.

Un statu quo pénalisant

Nombreux sont les observateurs avertis qui considèrent l'actuel système comme inique du fait qu'il profite essentiellement aux couches des populations favorisées. En fait, la protection exercée aux frontières pour garantir un prix minimum à l'agriculteur marocain et soutenir la compétitivité des manufactures locales contre les produits finis importés confère un caractère inachevé à la libéralisation entamée. Cette situation est doublement pénalisante car elle permet, d'une part, d'entretenir la survivance de secteurs à faible productivité et empêche, d'autre part, de faire parvenir l'essentiel de la subvention au consommateur final.

En effet, les coûts prohibitifs de la subvention et les déficiences de ciblage des populations nécessiteuses, sans compter le non-respect de l'indexation des prix des produits pétroliers, confèrent à la réforme un caractère d'urgence.
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