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Quid des entreprises nationales du secteur des TIC ?

En quelques années, on assiste au Maroc à une « lente transformation sociale et économique portée par les nouvelles technologies grâce au plan « Maroc Numeric 2013 ».

Quid des entreprises nationales du secteur des TIC ?
En témoignent le développement des technopoles, les différents programmes comme celui d'INJAZ qui a connu un réel succès auprès des ingénieurs et doctorants, les progrès réalisés par l'administration électronique, les projets e-gov, le projet de la plateforme de réservation touristique, le commerce en ligne, le passeport biométrique, le système d'information de l'éducation… En témoignent également la mise en place de la Commission nationale de protection des données personnelles et la « température» de la 2e édition du Salon Med IT qui se tient à Casablanca jusqu'au 14 octobre. Un salon riche de quelque 170 exposants inauguré par le ministre Ahmed Reda Chami qui souligne : « notre ambition est de valoriser le secteur des NTC au Maroc et dit-il de promouvoir l'offre marocaine à l'échelle nationale et internationale».

La veille lors du séminaire Med Sourcing Morrocco, qui a réuni les grands donneurs d'ordre européens et asiatiques, le président de la CGEM, Mohamed Horani, avait mis l'accent sur la nécessaire synergie entre l'inshoring et l'offshoring appelant au développement du secteur national et au co-développement. L'ambition du Maroc est, on le voit, à travers différentes déclarations, de positionner le Maroc comme un hub technologique régional. Reste qu'il ne suffit pas d'énoncer un objectif pour que celui-ci se réalise et que le chemin pour ce positionnement est difficile, laborieux et passe…par le développement du secteur TIC national, le développement de l'industrie locale structurante pour toute l'économie et puisant moteur de croissance et d'innovation.

Il s'agit de donner à l'industrie de ce secteur une plus grande visibilité des projets d'accès à la commande publique et au financement. Si aujourd'hui la vision existe, si on assiste à un déploiement des services, le secteur industriel national des TIC a beaucoup de difficultés à émerger, faute peut-être d'un pilotage industriel qui focaliserait sur les secteurs industriels clefs, tels que ceux des logiciels, des composantes électroniques et des télécommunications qui constituent un véritable écosystème indispensable à tout développement économique et durable.
Sur ce thème de comment développer ce secteur, nous avons interrogé M. Abdelalh Deguig, président de l'APEBI, qui a créé récemment un think tank sous le nom de «For an IT Economy» et qui met l'accent sur 5 leviers : l'accès au marché, le cadre légal et administratif, l'accès aux financements et facteurs de compétitivité, la promotion du secteur et enfin la gouvernance de la mise en œuvre. En fait, tous les ingrédients d'un succès sont actuellement réunis.

Il existe en effet des fonds, celui de l'innovation et le fonds public privé pour les technologies de l'information qui s'élève cette année à 50 millions de DH, dupliqué pour 2011 est ouvert à tous. Il reste que si le gouvernement doit avoir une feuille de route pour le développement de ce secteur, ses acteurs doivent eux-mêmes «se bouger» et se battre pour lancer leurs projets et leurs propositions et profiter du nouvel environnement créé par «Maroc Numeric 2013». M. Chami qui procédera à une évaluation de ce plan au mois de décembre, insiste pour dire « nous sommes ouverts aux propositions du secteur national et nous sommes à l'écoute».
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Voici Entretien avec Abdallah Deguig, président de l'APEBI sur l'économie des nouvelles technologies de l'information

LE MATIN: Vous êtes président de l'APEBI, un mot sur cette association ?

ABDALLAH DEGUIG:
L'APEBI est la fédération des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring et regroupe en son sein plus de 160 entreprises membres actifs, ainsi que des membres associés tels que l'ASTEC (Association des sociétés du Technopark regroupant plus de 170 TPE). Nous représentons un chiffre d'affaires de 7 milliards de DH pour un effectif global de 32 000 personnes dont 9 000 reparties entre les SSII locales et les sociétés offshore. Le bureau 2010-2011 que j'ai l'honneur de présider est conscient des enjeux de ce secteur et nous ambitionnons, dans le cadre de notre vision APEBI 2.0 de participer au développement d'un secteur des TIC fort, créateur d'emplois et générateur de richesses avec un réel poids dans l'économie nationale. Pour ce faire, nous avons initié un ensemble de chantiers structurants en vue de capitaliser sur les acquis, développer les potentiels et asseoir une fédération forte qui défend et représente les différents segments de ses membres.

Vous avez assisté à la dernière réunion de MED Sourcing Marocco. Qu'en avez-vous retenu ?

L'APEBI a apporté sa contribution et son support à l'AMDI pour l'organisation du Med Sourcing Morocco qui est une manifestation qui visait à informer sur les meilleures pratiques ainsi que les tendances futures du secteur tout en mettant en exergue les potentialités de notre pays en termes d'optimisation des opérations d'externalisation. Le secteur de l'offshore a connu un fort développement ces dernières années dans notre pays, j'en veux pour preuve l'installation de plusieurs grandes entreprises leaders sur le segment de l'ITO au Maroc. Ainsi, en l'espace de 4 années nous avons réussi à atteindre un chiffre d'affaires de près de 1,2 milliard de DH et un bassin d'emploi de plus de 3.500 personnes, et la tendance est à la hausse. Cependant, nous pensons que les réalisations restent en-deçà du potentiel et estimons que l'externalisation des processus de gestion (BPO) sera amenée à se développer grâce notamment à un cadre juridique favorable avec la publication de la loi de protection des données personnelles et la création de la Commission nationale de protection des données qui sont un gage de sécurité et de garantie à faire-valoir auprès de nos donneurs d'ordre européens.

L'APEBI a présenté récemment les travaux de son think-tank sous le nom de «For an IT Economy». Qui a fait quoi et selon quel échéancier ?

Le projet ayant abouti aux "Propositions APEBI pour une économie numérique" part d'un constat relativement simple : la stratégie Maroc Numeric 2013 lancée par les pouvoirs publics est un formidable gisement de projets et de chantiers qui pourront se traduire par autant d'opportunités pour les entreprises du secteur. Malgré les progrès réalisés par le secteur en termes d'entreprises implantées, de chiffre d'affaires et bassin d'emploi, nous estimons que le secteur dispose encore de potentialités et qu'il est nécessaire de se pencher sur un certain nombre de chantiers qui nous semblent importants et qui constituent les axes de croissance du secteur. Nous avons ainsi entrepris de regrouper un pool de professionnels pour réfléchir aux moyens d'enrichir le volet mise en œuvre de la stratégie sur la base de l'expérience pratique. L'objectif était d'amorcer une première analyse de la stratégie, en identifier les opportunités pour les opérateurs, en discuter les modalités de mise en œuvre et d'aboutir à des recommandations concrètes. De ce fait, nous avons identifié 5 leviers de croissance qui ont été discutés dans le cadre d'ateliers de réflexion organisés périodiquement : l'Accès au marché, le Cadre légal et administratif, l'Accès aux financements et facteurs de compétitivité, la Promotion du secteur et enfin la Gouvernance de la mise en œuvre. Les résultats de ces séances de travail ont abouti à la production d'un livrable contenant les 21 recommandations de l'APEBI.

Les chantiers ouverts par Maroc Numeric ont créé de réelles opportunités pour certaines administrations comme le ministère de l'Intérieur ou la douane. Vous êtes, dites-vous, pour une réelle utilisation de la commande publique. Expliquez-vous ?

Les chantiers de modernisation des TIC dans l'administration représentent plus de 5 milliards de DH et font donc de l'administration un donneur d'ordre essentiel dans le secteur des TI pour les trois prochaines années. Les chantiers sont autant d'opportunités pour l'administration marocaine qui mettra en place des projets novateurs, mais aussi pour les entreprises locales pour accompagner la mise en œuvre de ces projets. Nous souhaitons que l'acte d'achat devienne une réelle volonté stratégique pour le développement du secteur, pour générer la croissance et favoriser l'émergence d'acteurs locaux d'envergure. Cet enjeu passe par de meilleures conditions d'accès aux marchés, par une meilleure visibilité sur la commande publique, par la mise à disposition de plus de données sur les budgets alloués aux projets IT et par une plus grande visibilité sur les prévisions d'achat. Ces facteurs cumulés contribueront à une meilleure préparation de l'offre des opérateurs et à apporter une réponse pertinente aux besoins exprimés.

75% des budgets e-gov sont actuellement traités par des acteurs internationaux. Quels sont les risques de cette dépendance et que préconisez-vous ?

Il s'agit tout d'abord d'une simulation. L'enjeu pour notre secteur est d'accompagner le développement des compétences et de construire des offres localisées au Maroc pour servir le marché domestique puis contribuer de manière significative aux exportations. Pour illustrer ce concept, nous avons simulé que si 75% des budgets e-gov étaient confiés à des acteurs locaux généralistes ou positionnés sur des niches (ERP, contenu mobile, webdesign…), le PIB marocain va augmenter du fait des projets menés pour l'administration mais aussi du fait de l'exportation vers d'autres pays (e.g Afrique de Ouest). Ceci impactera positivement la balance commerciale ainsi que la capacité à long terme dans le secteur grâce à l'exportation de savoir-faire, de produits et de solutions. A contrario, si 75% de ces budgets étaient traités par des acteurs internationaux et sans le souci de développement de la compétence locale pérenne, il y aura toujours une dépendance nationale en matière des TIC.

In fine et si vous deviez résumer votre demande, que proposez-vous ?

Nous proposons que les conditions d'un meilleur accès au marché soient réunies afin d'éviter l'exclusion de fait des entreprises locales à cause de leur taille, de leur manque de références ou de leurs effectifs... Nous proposons d'entamer un travail préparatoire d'adaptation des consultations aux spécificités des entreprises locales.

Une de vos demandes est relative à l'adaptation de la réglementation des marchés au secteur des nouvelles technologies. Qu'est-ce à dire ?

La profession fait le constat de conditions contraignantes d'exécution des marchés publics. Au regard de la pratique, certains règlements de consultations sont inadaptés du fait que les textes restent généraux et ne sont pas en phase avec toutes les spécificités du secteur IT. La spécificité du secteur et des prestations réalisées impactent tout le processus de l'acte d'achat public, de la rédaction de l'appel d'offres à la réception définitive. Il nous parait donc important et essentiel, qu'en plus des textes existants, il faille distinguer le secteur des TIC du fait de sa particularité et des types d'engagements qui peuvent être contractualisés. A ce titre, l'Apebi se propose de mener une étude préalable sur les textes régissant les marchés publics et proposer les amendements nécessaires.
Cette étude permettra d'évaluer l'effort à déployer pour permettre aux opérateurs des TIC d'accéder à la commande publique de manière transparente, objective et non discriminatoire et de sauvegarder l'égal accès à la commande publique, tant au profit des concurrents nationaux qu'étrangers conformément aux engagements du Maroc avec ses partenaires commerciaux. Cette étude préalable permettra aussi de scruter les possibilités d'instauration d'un encouragement au bénéfice des PME et TPE locales, selon des seuils et des conditions à définir.

Dans cette architecture, quel serait le rôle de l'ONTIC ?

L'Observatoire national des technologies de l'information et de la communication est une initiative louable du ministère de Commerce et de l'Industrie et nous nous félicitions de son lancement. Cependant, nous rappelons aussi la nécessité d'en préserver l'indépendance car nous faisons le constat d'un véritable problème de disponibilité des chiffres liés au secteur. Pour contribuer à lever ce manque, l'APEBI propose de doter l'observatoire des moyens nécessaires lui permettant d'assurer la disponibilité des données et de suivre l'évolution du marché à travers la mise en place d'indicateurs et de tableaux de bord, la communication de métriques économiques, data financières… L'APEBI pourra jouer un rôle axial que ce soit dans la participation à la mise en place de cet observatoire ou pour la contribution permanente à la constitution et l'alimentation (moyennant l'octroi des fonds nécessaires pour ce faire) en continu des banques de données qui seront suivies par cet observatoire.

L'accès au financement est une question importante. Qu'en est-il actuellement et que souhaitez-vous ?

Les dispositifs existants sont multiples et divers mais la profession fait le constat d'un manque de cohérence de ceux-ci et d'engouement des acteurs quant à leur utilisation. Les acteurs privilégient principalement le court terme et moins le stratégique, ce qui se répercute sur un faible nombre de projets innovants.
L'accès aux financements est d'autant plus important qu'il influe sur les efforts de R&D et contribue aussi à la création de facteurs de différentiation de l'industrie marocaine. Le développement de l'offre est directement lié à l'importance accordée à la R&D dans les entreprises. Nous insistons donc sur la nécessaire articulation entre l'innovation, l'accès aux marchés et l'accès aux financements que nous appréhendons comme un triptyque essentiel pour le développement du secteur.
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