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«L'électronucléaire : quel impact sur l'environnement ?»

Une conférence internationale sur l'énergie nucléaire se tiendra à Paris les 8 et 9 mars avec la participation du Président français Nicolas Sarkozy. L'objectif est de réunir les ministres et responsables politiques de pays intéressés par l'énergie nucléaire. Le Maroc sera représenté par une délégation de haut niveau.

«L'électronucléaire : quel impact sur l'environnement ?»
Notre pays bénéficie de l'existence d'un réseau électrique à Haute Tension interconnecté aux réseaux maghrébin et européen.
Le 22 février dernier à Rabat, un séminaire a été initié par le ministère de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement en collaboration avec l'Agence internationale de l'énergie atomique et en partenariat avec le CNESTEN et l'ONE sous le thème «L'électronucléaire et la gestion des déchets radioactifs». L'occasion pour les participants de débattre des questions intégrées au programme comme celle de «l'électronucléaire, option alternative pour le Maroc à l'horizon 2020-2030», pratique de gestion des déchets radioactifs au Maroc et les démarches et conditions consensuelles de succès pour l'établissement d'une politique de gestion des déchets radioactifs. Amina Benkhadra, la ministre de l'énergie, a rappelé l'alpha et l'oméga de tout programme électronucléaire, à savoir une politique nationale de gestion des déchets actifs et la définition des responsabilités institutionnelles et techniques de chaque intervenant et acteur : ministère de la Santé par le biais du Centre national de radioprotection, du CNESTEN qui possède à Maâmora un centre d'entreposage pour gérer les déchets.

Mme Benkhadra a également présenté la stratégie énergétique nationale en soulignant l'importance de la sécurité d'approvisionnement, la disponibilité au meilleur coût et la protection de l'environnement. La consommation énergétique mondiale est en effet en progression constante et conditionne de plus en plus la croissance économique des pays en développement. Le renchérissement des coûts du pétrole et son épuisement, à moyen terme, pose avec acuité la question de l'alternative aux sources énergétiques fossiles. L'effet de serre pénalise principalement les sources d'énergies polluantes. L'option nucléaire qui contribue à hauteur de 20% à la production mondiale de l'électricité se présente aujourd'hui comme une alternative durable pour de nombreux pays développés. Quels sont les atouts économiques, industriels, technologiques et environnementaux de l'électronucléaire, ses perspectives et conditions d'accès pour les pays en développement? La réflexion est lancée depuis trois décennies et le Maroc dispose d'un dossier sur l'énergie électronucléaire constamment réactualisé. Le choix n'est pas facile car chaque option a un coût financier, un coût écologique lourd de conséquences. dans un entretien accordé au Matin, Mekki Berrada, le président de l'Association des ingénieurs du génie atomique du Maroc, revient justement sur l'électronucléaire qu'il considère être une option alternative pour le Maroc à l'horizon des décennies à venir. De même que notre interlocuteur précise les conditions consencuelles de succès pour l'établissement d'une politique de gestion des déchets radioactifs.
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Interview • Mekki Berrada, président fondateur de l'Association des ingénieurs du génie atomique du Maroc

Mekki Berrada revient sur l'électronucléaire, option alternative pour le Maroc à l'horizon 2020-2030 et les démarches et conditions consensuelles de succès pour l'établissement d'une politique de gestion des déchets radioactifs.

LE MATIN: Dans votre argumentaire, vous rappelez toujours quelques vérités «évidentes». Quelles sont elles ?

MEKKI BERRADA:
Il n'y a pas de développement sans consommation d'énergie, Il n'y a pas d'énergie sans pollution. Tous les Etats aspirent à la croissance, c'est pourquoi les activités humaines mettent à mal notre planète en accordant la priorité au développement au détriment de l'écologie. Depuis un siècle et demi, l'homme a consommé des quantités importantes de combustibles fossiles et bon marché, sans se soucier de son environnement. Et pourtant l'air et l'eau conditionnent notre vie. Aujourd'hui, l'un des soucis majeurs de l'homme est de protéger l'environnement des pollutions de toute nature industrielles et agricoles. Dans ce combat contre la pollution, les experts recommandent de réduire l'utilisation des combustibles fossiles et de les remplacer progressivement par des énergies moins polluantes, tels le photovoltaïque, l'éolien, la biomasse, l'hydraulique et le nucléaire en attendant la maîtrise de l'hydrogène et de la fusion thermonucléaire.

Peut-on avoir une idée sur qui consomme quoi dans le monde ?

Sur le plan international la consommation mondiale de l'énergie est estimée à 9,5 milliards de tep/an pour une population de 6,5 milliards d'habitants (2008) soit une moyenne de 1,5 tep/h/an. Mais cette énergie est inégalement consommée : un américain consomme 8 tep/an, un Européen consomme 4 tep/an, un Japonais consomme 3 tep/an et un Indien ou Marocain 0,5 tep/an. La question que l'on peut également se poser c'est comment ces 9,5 milliards de tep consommés ont été produites ?40% à partir du pétrole, 25% à partir du charbon, 25% à partir du gaz, 7% du Nucléaire, 2% d'hydraulique, 1 % d'énergies renouvelables.

Quel est l'impact de cette énergie sur l'environnement ?

D'après les experts du GIEC (Group intergouvernemental Evolution Climat) ces combustibles ont généré 50 milliards de tonnes de GES (Co2) en 2004 se répartissant entre sept secteurs : 26% pour le secteur de l'énergie,20%pour celui de l'industrie, 13%pour le secteur du transport, 13%pour celui de l'agriculture, 17%UTCF (utilisation des terres et forêts 8%pour le secteur du bâtiment,3% pour les déchets. On constate que les combustibles les plus polluants sont les combustibles fossiles qui représentent 90% de la consommation mondiale d'énergie. Il conviendrait donc de réduire leur utilisation et de les remplacer progressivement par les énergies les moins polluantes ou les moins carbonées.

Quelles sont les énergies les moins polluantes ?

D'après les statistiques des experts GIEC, les émissions des GES par kWh produit se classent comme suit : le charbon 970 g/kWh, le gaz 427« le photovoltaïque. 30/150 « l'éolien 3 /22 « et le nucléaire 6. On constate donc que les énergies renouvelables et le nucléaire sont les moins polluants. Pour illustrer ces chiffres, citons le cas de la France : la France consomme l'équivalent de 300 millions de tep/an, toutes énergies confondues.
Elle produit 600 milliards de kWh/an dont 480 milliards à partir du nucléaire, soit 80% de ses besoins annuels en électricité, ce qui permet d'éviter de rejeter dans l'atmosphère 360 millions de tonnes de GES par an. Comme le nucléaire contribue à la production de 17% d'électricité dans le monde, son arrêt entraînerait une augmentation de 12% des émissions de gaz à effet de serre.

Quelles conclusions tirez-vous ?

On peut dire que le nucléaire mixé aux énergies renouvelables peut contribuer à réduire les émissions des GES tout en poursuivant le développement et la croissance dans le respect de l'environnement. Mais l'électronucléaire possède une autre facette, s'il ne produit pas des GES, il génère des déchets radioactifs, très nocifs et nuisibles à l'homme et à son environnement ; mais ces déchets sont peu volumineux, connus, et maîtrisables. Avec ses 59 réacteurs qui produisent 80% de ses besoins en électricité, la France produit 3 à 4 millions de m3 de déchets/an dont seulement 2%°( deux pour mille) sont des déchets hautement radioactifs. Chaque catégorie de déchets subit un traitement spécifique de recyclage et de conditionnement, enrobage, vitrification, mise en matrice puis placé dans un conteneur derrière des barrières de protection. Nous nous trouvons donc devant une situation délicate de prise de décision et de responsabilité : faudrait-il continuer à utiliser les combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) pour poursuivre le développement et la croissance et négliger l'Ecologie ? Faudrait-il remplacer au fur et à mesure ces combustibles fossiles par les énergies renouvelables et le nucléaire en acceptant de côtoyer, à grande distance et sous protections, des déchets radioactifs qui sont de plus en plus maîtrisables grâce à la recherche scientifique et à l'innovation ; je rappelle qu'il est prévu de construire des réacteurs qui brûleraient ces déchets ou qui les transmutent en éléments radioactifs à vie plus courte, donc facilement stockables.

Dans vos différentes interventions, vous rappelez que les énergies renouvelables : hydraulique, éolienne, photovoltaïque, biomasse… ne suffisent pas à elles seules à maintenir la croissance et poursuivre le développement, elles doivent être mixées avec les combustibles fossiles ou l'électronucléaire comme énergie de base. Que fait le Maroc ?

Nous vivons au Maroc une forte dépendance énergétique et le degré de dépendance en besoins énergétiques augmente chaque année. Chaque variation du prix du fossile a un grand impact sur le PIB du pays et 60% de notre production d'électricité est à base de charbon importé. Nous consommons presque trois millions de tonnes de charbon par an pour produire ce volume d'électricité d'où une augmentation importante d'émission de gaz et d'effet de serre. Nous utilisons le pétrole à 14% de nos besoins d'électricité ce qui correspond à 1/5 million de tonnes. Les 26% restants de nos besoins sont produits à base d'hydraulique d'éolien, de photovoltaïque. La diversification est importante et prouve que l'ONE poursuit une bonne politique ! Quel état des lieux peut-on faire aujourd'hui ? Après avoir aménagé et équipé les sites hydrologiques rentables une trentaine de barrages, 1300MW électriques installés, une réserve d'eau de 16 milliards de mètres cubes quand les barrages sont pleins, après avoir utilisé jusqu'à épuisement la seule mine de charbon en sa possession (Jerrada) pour satisfaire en partie ses besoins en électricité de l'époque, notre pays s'équipe maintenant en énergies renouvelables avec 2000MW en solaire, 54MW en éolien en service et 1554 MW en projet.
Le Maroc se prépare pour la réalisation d'un programme électronucléaire à long terme, dont les atouts réels sont confirmés par l'AIEA. Ils sont nombreux et j'en citerai quelques-uns :le Maroc a signé des Engagements Internationaux, le Maroc dispose de Lois, Décrets et Réglementation sur l'utilisation des Techniques Nucléaires, d'une étude de faisabilité économique sur l'introduction de l'électronucléaire, d'une étude du choix d'un site, qualifié et agrée par l'AIEA, pour recevoir 3 à 4 réacteurs nucléaires. Notre pays bénéficie de l'existence d'un réseau électrique à Haute Tension interconnecté aux réseaux maghrébin et européen, de l'existence d'un Centre National de Radioprotection, et enfin de l'existence du CNESTEN et du CENM équipé d'un réacteur de recherche et d'un ensemble de laboratoires et de modules scientifiques et techniques.

Dans quel pays le nucléaire a-t-il droit de cité ?

Il faut rappeler que le choc pétrolier des années 70 avait contraint les pays industrialisés à développer l'électronucléaire. Certains pays comme la France et le Japon dépourvus de ressources énergétique fossiles ont choisi cette option qui leur a permis de préserver une politique énergétique indépendante. L'union européenne assure le tiers de ses besoins en électricité grâce à cette nouvelle énergie, les Etats-Unis possèdent un vaste parc nucléaire, et le nucléaire ne cesse de se développer en Asie notamment en Chine qui possède pourtant d'importantes ressources en charbon. Aujourd'hui 440 centrales nucléaires sont en exploitation dans trente pays à travers le monde. La part du nucléaire dans la production totale d'électricité varie entre 20% aux Etats-Unis et 80% en France et en Lituanie.
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