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Expédition de Dsât-oul-‘Oschaïra

Expédition de Dsât-oul-‘Oschaïra
(suite)
Les infidèles qoraïchites avaient coutume de couvrir leurs corps et leurs vêtements de safran dissous dans de l'eau, de façon à être complètement jaunes et ils ne se purifiaient pas; car de tous les parfums, le plus agréable pour eux était le safran que l'on va chercher dans le Kirmân et sur le territoire de Hamadan. Quant au bois d'aloès, à l'ambre et au campe, ils étaient par la voie de mer, de même que le musc que l'on apportait, par la voie de mer, de l'Inde. Or, lorsque Abou Djahl, en parlant d'Otba, prononça les paroles que nous venons de dire, celui-ci répliqua: «Demain, on verra qui a la colique, moi ou celui “aux fesses jaunes”».

Otba se proposa donc de marcher en avant mais les autres ne le voulaient pas. Talib, fils d'Abou Talib, engagea son oncle Abbas à s'en retourner avec lui. Mais Abbas n'osait pas, par crainte d'Abou Djahl et des Qoraïschites. Il y avait à La Mecque un homme de la tribu des Thaqîf, allié des Béni Zohra et jouissant parmi eux d'une grande considération; ils écoutaient et exécutaient ses avis. Il était à l'armée avec un grand nombre de Béni Zohra. Il leur parla ainsi: «Retournons car nos marchandises sont arrivées en sûreté à La mecque. Pourquoi ferions-nous la guerre ?» Les Béni Zohra, au nombre de cent cinquante hommes, voyant que leur allié s'en retournait, suivirent son avis et s'en retournèrent également. Il n'y avait aucune tribu de La Mecque qui n'eût des hommes à l'armée, sauf les Béni Adi Ben Kab, qui n'avaient pas quitté la ville, n'ayant pas de marchandises dans la caravane. Après le départ des Béni Zohra, l'armée qoraïschite ne se composait plus que de neuf cent cinquante hommes. Abou Djahl, craignant que d'autres encore ne s'en allassent, leva son camp dans la même nuit et s'avança sur Badr.

Toute l'armée le suivit, aucun autre ne l'abandonna. Après avoir été averti par Gabriel que la caravane s'était sauvée et qu'une armée venait à sa rencontre, le Prophète réunit ses compagnons pour délibérer avec eux sur ce qu'il y avait à faire. Tous les Mohadjir et les Anssar étant présents, il leur demanda leur avis. Abou Bakr se leva le premier et dit: «Ô apôtre de Dieu, nous ferons ce que tu voudras et ce que tu ordonneras.

Ceux-là sont nos parents mais nous avons cru en toi, et nous avons accepté ta religion et nous avons renoncé à eux. Nous avons fait de nos corps et de nos âmes ta rançon; nous lutterons contre eux pour toi; ou Dieu te fera triompher d'eux et fera triompher ta religion et l'infidélité sera exterminée dans le monde; ou nous périrons tous pour toi». Le Prophète remercia Abou Bakr, lui donna des éloges et lui dit de s'asseoir car il désirait savoir si les Anssar prendraient ou non ce même engagement, sachant bien que les Mohadjir lui prêtaient aide et secours, tandis qu'il craignait que les Anssar et les gens de Médine ne s'en retournassent car, dans la nuit d'Aqaba, alors qu'ils avaient prêté serment au Prophète, Saâd, fils de Moâd, lui avait dit : «Ô apôtre de Dieu, viens avec moi à Médine!». Le Prophète avait répondu: «Je n'ai pas encore reçu de message ni d'ordre de Dieu à cet égard.

Allez, j'enverrai mes compagnons et attendrai les ordres que Dieu me donnera». Saâd avait répliqué : «S'il en est ainsi, nous ne sommes pas responsables de ta vie et de ta sûreté jusqu'à ce que tu viennes à Médine. Quant tu y reviendras, alors nous te défendrons et ta défense sera pour nous un devoir». Le Prophète avait approuvé ces paroles. Or, maintenant, le Prophète craignait qu'il ne dît : «Nous nous sommes engagés à te protéger à Médine; si tu étais attaqué à Médine, nous t'y protégerions».
Abou Bakr ayant repris sa place, le Prophète demanda de nouveau un avis. Omar, fils d'Al Khattab, se leva et tint le même langage qu'Abou Bakr. Le Prophète le remercia également et lui dit de s'asseoir. Ayant renouvelé sa demande, Miqdâd, fils d'Amrou, appartenant lui aussi aux Mohadjir, se leva et dit : «Ô apôtre de Dieu, c'est à nous de tirer l'épée, à toi de prier et à Dieu de donner la victoire. Nous ne dirons pas comme disaient les enfants d'Israël à Moïse : ‘'Allez, toi et ton Seigneur, et combattez; quant à nous, nous resterons ici''. Assiste-nous de ta prière, demande à Dieu la victoire, car nous combattrons nous-mêmes».

Le Prophète le loua et lui dit: «Assieds-toi, je connais les sentiments de vous tous, ô Mohadjir, je ne doute pas de vos intentions». Ensuite, il demanda un nouvel avis. Tous reconnurent que cet appel s'adressait aux Anssar, Saâd, fils de Moâd, se leva et dit : «Ô apôtre, de Dieu, est-ce nous que tu as en vue par ces paroles ?». «En effet, dit le Prophète, car c'est votre concours que je demande. Dans cette affaire, je ne puis réussir que par la puissance de Dieu et par le moyen de votre aid». Saâd, fils de Moâd, dit: «Que pouvons-nous faire, ô apôtre de Dieu ? Nous avons cru en toi, nous t'avons prêté serment et nous t'avons accueilli. Il est dans notre devoir de te défendre. Nos âmes sont ta rançon et nous verserons notre sang pour toi, que ce soit contre les Qoraïschites ou les Arabes ou les Perses, les habitants de Roum ou les Abyssins; nous nous tiendrons devant toi, nous te protégerons et combattrons les ennemis; que ce soit à Médine, dans le désert ou en pays cultivé, sur la mer ou sur les montagnes, nous serons partout avec toi et ne t'abandonnerons pas jusqu'à la mort». Le Prophète, très heureux de ces paroles, appela Saâd près de lui, l'embrassa sur les yeux et le visage et lui dit : «Ô Saâd, que Dieu te récompense pour ta foi, ta bravoure et ta fidélité!».

Immédiatement, il fit marcher l'armée et fit halte à deux «parasanges» de Badr. En épiant l'approche de l'armée qoraïschite près des puits, il rencontra un vieillard arabe qui ne le connaissait pas. Le Prophète lui demanda s'il avait des renseignements sur la caravane d'Abou Sofyan. Le vieillard répondit: «La caravane est en sûreté mais une armée est sortie de La Mecque qui va pour combattre Mohammed et les gens de Médine». Le Prophète lui demanda ensuite: «Quels renseignements as-tu sur l'armée quoraïschite? Où sont Mohammed et les gens de Médine?». Le vieillard répondit: «Je vous le dirai quand vous m'aurez dit que vous êtes». «Parle d'abord, répliqua le Prophète, nous te le dirons ensuite». Le vieillard dit : «L'armée qoraïschite est partie tel jour, a quitté tel jour Djohfa et si celui qui m'a renseigné a dit la vérité, elle doit avoir passé tel jour à tel endroit et être en marche pour venir ici. Quant à Mohammed, il était tel jour à tel endroit et si mes renseignements sont exacts, il se trouve aujourd'hui à tel endroit». C'était précisément le lieu où l'armée musulmane avait fait halte, à Dsafiran. Le Prophète, entendant ces paroles, quitta le vieillard, en faisant courir sa chamelle.

Arrivé auprès de ses compagnons, il leur dit: « L'armée qoraïschite est aujourd'hui à tel endroit, demain elle arrivera aux puits de Badr». Au moment de la prière de l'après-midi, le Prophète envoya Ali, fils d'Abou Talib, Zobaïr, fils de Saâd, et Saâd, fils d'Abou-Waqqas, vers les puits de Badr, pour prendre des informations sur l'armée qoraïschite. Ils y arrivèrent vers le soir. Les Qoraïschites envoyèrent quelqu'un pour racheter les deux prisonniers. Le Prophète répondit : Nous n'acceptons pas leurs prix. Nous avons perdu deux de nos gens ; Sa'd, fils d'Abou-Waqâç et ‘Otba, fils de Ghazawân, dont nous n'avons pas de nouvelles.
Quand ceux-ci réapparaîtront, nous vous renverrons ces prisonniers. Mais si nous acquérons la certitude qu'on les a tués, nous mettrons aussi à mort ces deux hommes.
Sa'd et ‘Otba, en recherchant leur chameau, étaient venus jusqu'à Nadjrâne. Ne l'ayant pas trouvé, ils revinrent à Médine au mois de scha'bân. Alors le Prophète, considérant les deux prisonniers comme leur rançon, les renvoya à La Macque, après en avoir reçu le prix.

Dans le même mois de scha'bân, au milieu du mois, Dieu ordonna au Prophète de ne plus se tourner pendant la prière vers Al Qods, mais vers la Kaâba.
Les Arabes, en priant, se tournaient vers la Kaâba, tandis que les juifs et les chrétiens se tournaient vers Al Qods où était le temple bâti par Salomon, fils de David, endroit illustre, vers lequel se tournaient également Moïse et Jésus. Lorsque le Prophète reçut sa mission prophétique à La Mecque, Il se tournait, en priant, vers la Kaâba.
Comme les idolâtres de La Mecque, en adorant les idoles, se tournaient aussi vers La Mecque, quand le Prophète vint à Médine où dominait le culte des chrétiens et des juifs qui se tournaient vers Al Qods, Dieu Lui ordonna de se tourner également, en priant, vers Al Qods, afin de ne pas les contrarier et pour qu'ils Lui fussent favorables. Le Prophète fut ainsi. Cependant, il désirait que le point vers lequel il devrait se tourner en priant fut la Kaâba, qui avait été aussi la Qibla d'Abraham et d'Ismaël.

Il priait journellement Dieu d'exaucer ce désir ; enfin, au milieu du mois de scha'bân de la seconde année de l'Hégire, le mardi, Dieu révéla le verset suivant : “Nous avons vu que tu tournais ton visage vers le ciel. Mais Nous voulons que tu te tournes vers une Qibla qui te plaira. Tourne-toi vers le saint temple. (Sur. II, vers. 139).
La raison de cette révélation fut que les juifs et les chrétiens disaient au Prophète : Ô Mohammed, si ta religion est différente que la nôtre, comment se fait-il que tu tournes en priant vers le même point que nous. Le Prophète, ayant invoqué Dieu, reçut le verset que nous venons de dire.

Le Prophète était venu à Médine au mois de rabî'a premier. Au mois de moharrem de l'année suivante, il remarqua que les juifs célébraient un jeûne, le dix du mois, en appelant ce jour ‘Aschourâ. Le Prophète leur demanda pourquoi ils distinguaient ce jour. Ils répondirent : C'est le jour où Dieu a fait noyer Pharaon dans la mer, et où Il a délivré Moïse qui a jeûné ce jour-là pour rendre grâce à Dieu ; depuis lors nous aussi nous consacrons chaque année ce jour au jeûne. Le Prophète ordonna aux musulmans de jeûner, eux aussi, ce jour en leur disant : Je suis plus digne de suivre l'exemple de mon frère Moïse, fils d'Amrân. Ensuite, le Prophète, voyant que les chrétiens jeûnaient pendant cinquante jours, désira avoir dans sa religion un jeûne pareil. A la fin du mois de scha'ban de cette même année, Dieu établit le jeûne du mois de ramadan, en révélant le verset suivant : “Ô vous qui croyez, le jeûne vous est prescrit comme il l'a été à ceux qui vous ont précédés” (Sur. II, vers. 179), c'est-à-dire aux juifs et aux chrétiens. Jésus n'avait ordonné qu'un jeûne de trente jours ; ce sont les chrétiens eux-mêmes qui ont porté ce chiffre à cinquante. Moïse aussi n'avait dû observer le jeûne que pendant trente jours, les trente jours du mois dou-lq'da, le temps de sa conversation avec Dieu ; mais il y ajouta onze autres jours.

Le Prophète, interrogé sur l'époque de ce jeûne de trente jours, reçut le verset suivant : “Au mois de ramadan, dans lequel a été révélé le Coran”, etc. (Sur. II, vers. 181). Mohammed ben-Djarîr a rapporté ce récit (relatif au jeûne de Moïse) en fort beaux termes.
A l‘expiration du mois de ramadan, le Prophète établit l'obligation de l'aumône à la fête de la rupture du jeûne. Ce jour, il sortit de Médine, se rendit à Moçalla, y fit la prière et recommanda, dans le sermon, l'aumône de la rupture du jeûne.
L'année suivante, au mois de moharrem, le Prophète laissa les musulmans libres de jeûner ou non le jour d'Aschourâ. Quelques-uns observèrent ce jeûne, d'autres ne l'observèrent pas.

Au mois de ramadan de la même année, le Prophète sortit de Médine pour livrer le combat de Badr, qui eut lieu le vendredi dix-septième jour du mois. L'histoire de ce combat, qui est très important, n'a pas été rapportée en détail par Mohammed ben-Djarîr dans cet ouvrage.
Cependant, elle est connue par les recueils des expéditions du Prophète et par les commentaires du Coran ; car il n'a été révélé sur aucune autre expédition du Prophète un aussi grand nombre de versets du Coran.
Ce fut la première victoire de l'Islam, la première victoire du Prophète sur les infidèles.
Abbas ne voulut pas partir avec l'armée, mais Abou Djahl, dans le temple, lança contre lui des reproches, en disant : «Nous savons que toi et les autres Béni Haschim, vous tenez à Mohammed; vous êtes ses espions dans le temple. Mais si nous revenons victorieux de cette guerre, nous expulserons tous les Béni Haschim de La Mecque».

Les autres Qoraïschites tenaient à Abbas le même langage. Abbas répliqua: «Je suis vieux et ne suis pas propre pour la guerre mais j'enverrai mes fils».
Abbas avait quatre fils: Fadhl, Abdallah, Qotham et Obaïdallah. Les Qoraïschites dirent: «C'est bien d'envoyer les quatre fils mais il faut que tu viennes aussi. «Je partirai», dit Abbas.
Il prit cette résolution malgré lui et fit ses préparatifs. Ses fils voulurent l'accompagner mais il ne leur permit pas et partit avec un de ses esclaves. Ses neveux vinrent le trouver et lui dirent: «Tu es un homme âgé, nous ne te laisserons pas partir seul; nous irons avec toi».

Abbas s'y opposa, mais ceux-là savaient qu'il parlait ainsi par haine des Qoraïschites et par dépit d'être contraint de partir. Trois de ses neveux allèrent donc avec lui, à savoir Talib et Aqi, fils d'Abou Talib, et Naufal, fils de Harith. Omayya, fils de Khalaf, de la tribu de Djoumah, ne voulut pas prendre part à l'expédition à cause de son âge avancé.
Il avait deux fils, Safwan et Abdallah, il fit partir ce dernier, le plus jeune des deux. Il avait aussi un ami nommé Oqba, fils d'Abou Mo'aït, le même qui avait craché à la figure du Prophète. Abou Djahl chargea Oqba de déterminer Omayya au départ, car, dit-il, nous ne pouvons pas le laisser ici; il jouit d'une grande considération; s'il reste, personne ne voudra quitter La Mecque. Oqba vint trouver Omayya qui était assis dans le temple au milieu d'une troupe de Qoraïschites, et lui dit: «Ne veux-tu pas venir avec tous ces gens ?».

«Vous êtes assez nombreux», répondit Omayya. Oqba dit: «Viens par amour pour moi. Moi, j'ai craché à la figure de Mohammed parce que tu l'as voulu; il est juste que tu fasses ma volonté en venant avec nous». Omayya répliqua: «Je suis vieux, j'envois mon fils qui est jeune». Oqba dit: «Tu n'es pas plus vieux qu'Abbas qui est l'oncle de Mohammed et qui, cependant, vient avec nous; n'as-tu pas honte de refuser de partir?»,  mais Omayya persista dans son refus malgré les instances d'Oqba. Alors celui-ci envoya chercher dans sa maison une «cassolette» dans laquelle il fit mettre du feu et du bois d'«aloès» et la plaça sous le vêtement d'Omayya puis il apporta un fuseau et le plaça à côté de lui. «Que signifie cela?», demanda Omayya. Oqba dit: «Comme tu n'oses pas aller à la guerre, fais ce que font les femmes : parfume-toi avec ce «vois d'aloès» et reste assis à filer. Omayya fut très affecté et très honteux de ces paroles. Il jeta la cassolette et le fuseau sur Oqba et lui lança des injures. Puis il se leva, fit ses préparatifs et partit, lui et son fils avec l'armée. Abou Lahab, fils d'Abdou L'Mottalib, étant fort malade, ne pouvait pas se joindre à l'armée.

Il avait une créance de quatre mille dirhams sur un homme considérable de la tribu de Makhzoum, nommé Ass, fils de Hischam, fils de Moghaïra. Ass envoyait à l'armée un remplaçant. Abou Lahab lui dit: «Si tu pars toi-même à ma place, je te fais remise de ces quatre mille dirhams». Ass partit avec une troupe des Béni Makhzou, des gens de sa famille et de ses affranchis. Le troisième jour après l'arrivée de Dhamdham, mille hommes sortirent de La Mecque, piétons et cavaliers, montés sur des chevaux arabes et sur des chameaux de course, tous complètement armés. A la porte de la ville, Abou Djahl inscrivit les noms de tous les hommes qui composaient l'armée. Tous étaient pleins de joie et dirent: «Mohammed pense qu'il en sera d'Abou Sofyan comme d'Amrou Ben Al Hadram, dont la caravane venant de Taïf, chargée de quelques fruits, de dattes et de raisin et escortée de quatre hommes, a été enlevée et lui-même tué par les quelques hommes envoyés par Mohammed. Nous lui montrerons aujourd'hui comment nous protégeons nos biens et notre religion et comment nous arracherons les hommes de ses mains». Ils emmenèrent avec eux le frère d'Amrou Ben Al Hadrami et lui dirent: «Nous allons venger la mort de ton frère, nous allons tuer celui qui a accompli le meurtre et celui qui l'a ordonné».

Ni Abou Sofyan ni le Prophète ne savaient que l'armée quoraïschite s'était mise en campagne. Le Prophète, après le retour des deux Djohaïnites, qui lui avaient annoncé que la caravane devait arriver le lendemain à Badr, s'était mis en mouvement et s'était rapproché de Badr à la distance d'une étape. Il rencontra sur sa route un village, une station des caravanes nommée Safra, située entre deux montagnes. Il demanda le nom du bourg et ensuite les noms des deux montagnes; on lui répondit que l'une s'appelait Mouslih et l'autre Moukhri. On lui dit aussi, sur demande, le nom des Arabes qui habitaient cet endroit; c'étaient deux branches de la tribu de Ghifar, les Béni-En-Nar et les Béni Horaq. Le Prophète trouva ces noms de mauvais augure et ne s'arrêta pas à cet endroit. Il passa entre les deux montagnes, prit sur la droite et vint à un lieu nommé Dsafiran, à une étape de Badr. C'est là qu'il attendit l'arrivée de la caravane d'Abou Sofyan. Abou Sofyan, après être revenu avec Amrou, fils d'Ass, de son excursion à Badr, et après avoir fait partir Dhamdham pour La Mecque, demeura encore trois jours au même endroit. Ensuite, il dit à Amrou, fils d'Ass : «Pourquoi rester ici? Mohammed est plus près de nous que les gens de La Mecque, avant que ceux-ci arrivent, il peut se passer beaucoup de choses.

Conduisons la caravane loin d'ici en quittant la route pour nous rapprocher chaque jour de La Mecque et nous éloigner de Mohammed».
En conséquence, Abou Sofyan parti avec la caravane en évitant la route, laissa les puits de Badr à sa gauche et se dirigea vers le bord de la mer, puis, en longeant la côte, il prit la route de La Mecque vers Djeddah, chemin plus long de cinq journées de marche. Après avoir voyagé pendant cinq jours, la caravane fut en sûreté sur le territoire de La Mecque, à trois journées de distance de la ville. Là, elle apprit le départ de l'armée mecquoise qui avait passé la veille par cet endroit, se dirigeant vers Badr pour attaquer Mohammed.

Les gens de Médine n'étaient informés ni de la marche de la caravane ni de l'arrivée d'une armée de La Mecque. Le Prophète se trouvait toujours à Dsafiran, guettant la caravane. Alors Gabriel vint lui annoncer qu'Abou Sofyan avait sauvé la caravane et qu'une armée arrivait de La Mecque. «Mais Dieu, lui dit-il, t'a promis la victoire et sur la caravane et sur l'armée». Le Prophète a convoqué ses compagnons et leur fit part des événements. Ils furent consternés. Le Prophète leur dit: «Ne vous affligez pas, car Dieu m'a promis la victoire en tout état de choses, soit sur la caravane, soit sur l'armée». Les musulmans dirent: «Ô apôtre de Dieu, prie pour que Dieu nous fasse triompher de la caravane, ce sera plus facile et la lutte sera moins vive, car nous tous nous sommes partis sans faire des préparatifs de guerre et sans être complètement armés». Dieu révéla le verset suivant : «Dieu vous avait promis que l'une des deux parties vous serez livrée; vous avez désiré que ce ne fût pas la plus forte. Mais Dieu a voulu prouver la vérité de Sa parole et exterminer jusqu'au dernier des infidèles», etc. (Sur. VIII, vers. 7 et 8).

Abou Sofyan, arrivé à trois journées de La Mecque, apprenant que l'armée y avait passé en se dirigeant vers Médine et que ses propres fils étaient dans l'armée, envoya de cet endroit même un messager vers les troupes et dire aux chefs: «Si c'est pour sauver vos biens que vous vous êtes mis en campagne, ils sont en sûreté maintenant, je suis arrivé sur le territoire de La Mecque. Rentrez et évitez la guerre et le meurtre car ceux qui sont avec Mohammed appartiennent à nos familles et sont nos parents. Il est inutile de verser leur sang». Le messager d'Abou Sofyan trouva l'armée campée à Djohfa, à trois journées de Badr. Parmi les infidèles, les avis furent partagés. Les uns voulaient marcher en avant, les autres voulaient s'en retourner. Otba, fils de Rabiaâ, exprima ce dernier avis. Abou Djahl di t: «Par Dieu, nous ne nous en retournerons pas avant d'avoir été à Badr et avant d'y avoir passé dix jours à boire du vin et nous reposer; nous inspirerons ainsi la terreur aux brigands de Médina; tous les Arabes entendront parler de notre armée et nous craindront et personne n'osera plus poursuivre une de nos caravanes». Ensuite, il parla à Amir Ben Al Hadrami et lui dit: «Tu es le client d'Otba, nous voulons aller venger ton frère; mais Otba veut s'en retourner, dis-lui de ne pas le faire. Si cependant il refuse, romps l'engagement et les liens qui t'attachent à Otba et aux Béni Abdou Schams et deviens un des nôtres; allie-toi aux Béni Makhzoum: nous vengerons alors ton frère».

Amir vint trouver Otba et lui tint ce langage. Otba répliqua: «Ton frère n'est pas assez important pour qu'il fasse la guerre avec ce grand nombre d'hommes. Si tu veux quitter la tribu des Abdou Schams, quitte-la; dégage-toi de tous liens avec elle si tu veux, et va où tu voudras ». Amir vint dire ces paroles d'Otba à Abou Djahl qui, se trouvant au milieu de plusieurs hommes, dit: «Otba a la colique», expression proverbiale chez les Arabes pour dire que quelqu'un a peur. Abou Djahl avait le sobriquet “aux fesses jaunes”.
Il avait reçu ce sobriquet parce que, à cause d'une infirmité qu'il avait, il teignit la partie postérieure de son corps avec du safran, quand on voulait l'injurier, on lui donnait ce nom.
Quelques-uns prétendent que cette infirmité lui était arrivée dans son enfance quand, luttant un jour avec Mohammed, celui-ci l'avait jeté par terre et lui avait rompu une artère. (à suivre…)
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