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L'ultime test nucléaire

Sergio Duarte
Haut-représentant des Nations unies pour le désarmement.
Tibor Tóth
Secrétaire exécutif de la Commission préparatoire pour le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO).

L'ultime test nucléaire
Le 1er novembre, une équipe de 35 experts va lancer l'inspection d'un site de simulation nucléaire près de la mer Morte en Jordanie – un pas de plus vers la réalisation complète et globale du système de vérification introduit par le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT).

Puis, le 12 novembre, l'ensemble des lauréats du Prix Nobel de la Paix se réuniront en sommet à Hiroshima pour insister sur la priorité d'un désarmement nucléaire et affirmer son engagement à l'encourager.

Un grand nombre d'autres initiatives internationales sont à l'œuvre, ce qui permet de penser qu'une bien plus grande révolution dans la réflexion sur les armes nucléaires est en cours – une révolution bienvenue et bien tardive.
Car, et malgré les nombreuses discussions sur le désarmement nucléaire entreprises à la fin de la Guerre froide il y a 20 ans, plus de 20 000 de ces armes existent encore aujourd'hui, nombre d'entre elles en alerte maximale et chacune bien plus importante que les engins qui ont dévasté Hiroshima et Nagasaki en 1945. On estime à neuf le nombre de pays dont on pense qu'ils possèdent ou qui possèdent effectivement l'arme nucléaire, et tous en améliore le fonctionnement par divers moyens.

Soyons clairs, le maintien de ces armes est un facteur aggravant pour trois menaces nucléaires mondiales qui sont l'existence même des arsenaux (accidents, erreurs de calculs, utilisation non autorisée et usage obstiné), la prolifération à de nouveaux Etats, et leur acquisition par des terroristes.
Mais un nouveau consensus global semble émerger aujourd'hui autour du fait que ces armes sont militairement inadéquates pour faire face aux nouvelles menaces, étant impossible à utiliser sans violer les lois humanitaires internationales, une source de prolifération et de menaces terroristes et un gâchis à la fois d'argent et de talent scientifique.

Ceci explique l'émergence de nouvelles demandes en faveur de négociations de bonne foi sur le désarmement nucléaire, et exigées de longue date par le Traité de non-prolifération nucléaire. Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a d'ailleurs œuvré de façon persuasive pour que soit organisée une convention sur les armes nucléaires ou qu'un cadre d'accords séparés allant dans le sens d'une interdiction totale soit mis en place.

Les dirigeants des pays possédant un arsenal nucléaire soutiennent aujourd'hui officiellement l'objectif de désarmement total auxquel se joignent des anciens hommes d'Etat, des parlements nationaux et des organisations régionales, des maires, des experts militaires à la retraite, des activistes des droits de l'Homme, des environnementalistes et un grand nombre d'autres groupes un peu partout dans le monde.

Oui, le virus du désarmement nucléaire a pris. Il est aujourd'hui tendance – un sujet convenable même pour les réalistes purs et durs et plus simplement une cause soutenue par les seuls pacifistes.

Nous croyons que cette tendance est absolument vitale pour la paix et la sécurité internationale, et qu'elle peut être encouragée de plusieurs façons. Parvenir à un désarmement nucléaire total demandera sûrement de nouveaux instruments juridiques pour l'ensemble des pays, qu'ils soient ou non déjà nucléarisés. Des engagements dans ce domaine sensible doivent être rendus irréversibles et doivent faire l'objet de strictes vérifications.

Ces tâches ne peuvent être accomplies de manière unilatérale – la coopération multilatérale est indispensable. Bien sûr, quelques progrès peuvent être accomplis dans le cadre de traités entre de plus petits groupes de nations, particulièrement ceux qui possèdent les plus larges arsenaux nucléaires, la Fédération russe et les Etats-Unis.
Une ratification rapide du traité START par les Etats-Unis et la Russie serait un pas dans la bonne direction.

Pourtant, d'autres avancées sur l'autorité de la loi en matière de désarmement nucléaire nécessite une coopération à l'échelle globale. L'un des développements, le plus important et le plus attendu dans ce domaine, est l'application effective du CTBT, qui prévoit l'interdiction de toute explosion nucléaire, quelles que soient sa taille, sa localisation ou les raisons avancées pour la justifier.

L'idée de l'interdiction de tels essais fut une première fois abordée en 1954 par le Premier ministre indien de l'époque Jawaharlal Nehru, qui avait défini sa proposition dans le contexte d'un effort élargi vers le désarmement nucléaire, tout comme nous le faisons aujourd'hui. Le CTBT est aujourd'hui signé par 182 Etats et entrera en vigueur après avoir été ratifié par neuf autres Etats : la Chine, l'Egypte, l'Inde, l'Iran, Israël, la Corée du Nord, le Pakistan, et les Etats-Unis, tandis que l'Indonésie a déjà annoncé qu'elle allait bientôt le ratifier.

Cette interdiction des essais nucléaires sera encadrée par un régime de vérification mondiale. Il est d'ores et déjà possible, grâce à la sophistication des moyens disponibles, de détecter les plus petits essais nucléaires dans les lieux les plus reculés. Le traité est aussi juste – il prévoit les mêmes droits et les mêmes responsabilités pour l'ensemble des parties. Il établit un nouveau standard d'obligations et de vérifications des armes nucléaires.

Le CTBT est nécessaire compte tenu du rôle des essais nucléaires dans le développement et l'amélioration des armes nucléaires. De tels essais constituent aussi des symboles politiques qui n'ont plus leur place dans un monde déterminé à éliminer ces armes odieuses de destruction massive. Sur une question d'une telle importance, les simples promesses volontaires d'arrêt des essais ne sont tout simplement pas suffisantes.

D'autres traités sont aussi nécessaires, surtout celui qui porterait sur l'interdiction de produire des matériaux fissiles pour les utiliser dans les armes nucléaires. Nous croyons que les Etats non nucléarisés méritent aussi des assurances légales contre la menace ou l'utilisation des armes nucléaires. En outre, il y a un certain mérite à définir d'autres traités additionnels pour interdire les armes dans l'espace, établir des normes admises par tous pour les missiles de défense et s'assurer que les matériaux et les technologies nucléaires soient sûrs et stables.
C'est la mise en œuvre de l'ensemble de ces étapes qui nous mènera vers un monde sans armes nucléaires – non comme un acte de foi, mais comme un investissement prudent dans la paix et la sécurité de tous les peuples. Cela constituerait peut-être le plus grand héritage que nous pourrions léguer aux futures générations.

Copyright: Project Syndicate, 2010.
www.project-syndicate.org
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