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Grogne sur fond de dysfonctionnements

Une directive de l'UE sur le contrôle des captures dévoile la faiblesse du système.

Grogne sur fond de dysfonctionnements
Les délégués régionaux du département de la pêche devaient travailler plus que les huit heures normales.
Les 1420 fonctionnaires du département de la Pêche, relevant du ministère de l'Agriculture sont en colère. Ils étaient hier en grève nationale pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail et pour exprimer leur refus des mutations et autres suspensions décidées par la tutelle. Leur courroux couvait depuis janvier 2010, date d'entrée en vigueur d'une directive de l'UE. La nouvelle procédure s'appuie sur un contrôle plus serré pour limiter drastiquement l'entrée aux marchés européens du poisson illicitement pêché ou dont la traçabilité n'est pas acquise. Cette disposition n'est pas tombée du ciel. L'enjeu de la directive 1005/2008 était connu deux années auparavant.

Il répondait aux recommandations de la FAO qui impute la surexploitation de la ressource halieutique aux effets pernicieux de la pêche illégale. Toutefois, selon Abdelhalim Es-Seddyqy, SG du Syndicat national des fonctionnaires et agents de la pêche et de la marine marchande/UMT, le ministère n'a pas pris ses dispositions en temps opportun pour répondre à la nouvelle exigence européenne. Du coup, c'est la précipitation qui prendra le dessus. En nombre insuffisant, les délégués régionaux du département de la pêche devaient travailler plus que les huit heures normales, voire assurer des permanences pouvant durer 24 heures et même les week-ends, selon certaines sources. Ils ne sont pas indemnisés, renchérit Es-Seddyqy, pour les heures supplémentaires de travail. Et afin de répondre à la charge supplémentaire de travail, les syndicats estiment les besoins en recrutements entre 600 et 800 personnes. S'y ajoutent les procédures suivies pour la promotion interne très critiquées par les syndicats qui ne manquent pas de darder les responsables. Ce n'est pas tout. Les moyens logistiques comme les voitures et autres systèmes de communication feraient défaut à des agents qui dans certaines régions, notamment au sud, doivent parcourir plusieurs kilomètres pour se rendre aux ports de pêche.

D'autres doivent s'acquitter de leur tâche de contrôle à ciel ouvert puisqu'ils ne disposent pas de bureaux sur site, nous indique-t-on. Comment faire alors pour réduire la part de l'informel dans le secteur qui est actuellement de 30% ? La situation donnera certainement du fil à retordre aux pouvoirs publics à plus forte raison que le Maroc doit aiguiser ses armes pour mieux négocier le prochain accord de pêche avec l'UE. Surtout que cette pêche qui se faufile à travers les mailles du filet intègre facilement le circuit formel. Une année s'est écoulée depuis l'entrée en vigueur du très ambitieux plan Halieutis et voilà que les couacs se multiplient. Plus encore, affirme notre source, les fonctionnaires y compris les délégués n'ont pas été consultés ni informés des dispositions de la directive européenne, encore moins du contenu et objectifs d'Halieutis.

Pour Abderrahmane El Yazidi, SG du syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière (SNOMPH), «la vision stratégique d'Halieutis a occulté la composante RH, qui devait en être le cheval de bataille». Et le syndicaliste de résumer les réalisations du plan au plan d'aménagement des algues et aux appels d'offres pour l'exploitation du petit pélagique. «Ces appels d'offres contiennent, par ailleurs, des dysfonctionnements et sont contestés par la plupart des professionnels qui y ont peu soumissionné», tonne El Yazidi. En tout cas, il est temps aujourd'hui de faire une halte pour évaluer une stratégie longtermiste à moins de deux ans de la fin du mandat gouvernemental. Il faut dire que plusieurs facteurs s'enchevêtrent pour compliquer la tâche au gouvernement. Les préparatifs à l'accord de pêche avec l'UE, la stratégie Halieutis, les directives européennes et au milieu de tout cela les ressources humaines qui manquent à l'appel autant que les moyens matériels, font un cocktail dur à avaler. Contacté pour avoir sa vision de la problématique, le département concerné est resté injoignable.

Le poisson fait son marketing

Le département de la pêche maritime vient de lancer un appel d'offres pour la réalisation d'une étude visant la conception d'une stratégie marketing pour la promotion des produits de la mer au niveau national et international. Pour les professionnels, si une telle stratégie trouve sa motivation à l'étranger, il n'en est pas autant en interne. Il est vrai que le Marocain n'est pas aussi grand consommateur de poisson que son voisin espagnol ou tunisien. Autour de 10 à 12 kg par habitant/an (des statistiques parlent de 6 kg), la consommation interne reste en-deça de la moyenne recommandée par la FAO. Au Japon, elle est de 66 kg, tandis qu'en UE, elle est de 26 kg par habitant/an. La stratégie marketing vise donc à augmenter la part des Marocains. Toutefois, lorsqu'on évoque le terme marketing, il sous-tend l'existence de la concurrence.

Ce qui n'est pas encore le cas au Maroc. Les Marocains consomment le poisson pêché dans les eaux marocaines. Ce qu'il faut par contre, estime-t-on, c'est d'une vraie politique visant à faciliter l'accès au poisson en terme de disponibilité dans les régions loin des centres urbains et en terme de coût. Cela doit passer par la modernisation de l'outil de production, de transport et de distribution du poisson, un vœu que l'on ressasse pourtant depuis les années 1990.
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