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Le salut passe par la réforme de la compensation

Comment juguler la dette publique sans compromettre la croissance de l'économie marocaine.
La question a été débattue lundi dernier à Rabat.

Le salut passe par la réforme de la compensation
La dette publique au Maroc ne constitue pas pour le moment un danger pour les équilibres macroéconomiques, mais si rien n'est fait pour la juguler, l'économie marocaine sera mise à rude épreuve dans les prochaines années. Les participants au débat organisé lundi dernier par le Mouvement populaire en partenariat avec la fondation Friedrich Naumann ont été unanimes à le souligner. Ils ont affirmé que la dette publique, dans ses proportions actuelles, restait tolérable et que le salut passait inéluctablement par une réforme du système de compensation et par l'assainissement du climat des affaires.

Pour Lahcen Haddad, membre du bureau politique du MP, la dette publique a pâti principalement du renchérissement des prix du pétrole et des produits alimentaires de base, sans oublier l'impact du printemps arabe. «Le gouvernement à dû faire profil bas devant la pression de la rue. C'est ce qui explique les recrutements massifs de ces derniers mois et le coût du dialogue social avec ses conséquences sur la masse salariale», explique-t-il. Selon lui, le déficit budgétaire qui a toujours été contenu à 3% risque de passer à 6 %, alors que la dette publique frôle les 60% du PIB. Si d'aucuns disent que le Maroc est encore à l'abri de l'asphyxie financière, vu la situation qui prévaut dans beaucoup de pays européens, M. Haddad pense que comparaison n'est pas raison, dans ce cas. «La différence c'est que ces pays sont industrialisés et ont la capacité de relancer leurs économies et de générer des recettes, alors que pour le Maroc la relance serait beaucoup plus difficile à réaliser.
Il risque par conséquent de perdre quelques points au niveau de la notation internationale, ce qui se traduirait pas des emprunts à des taux élevés. D'où la nécessité de contenue la dette à 60 % du PIB».
Ce membre du bureau politique du MP ajoute tout de même que «le Maroc n'est pas encore confronté à un danger imminent, mais si les choses continuent suivant la même tendance (augmentation des dépenses salariales et de la compensation), un éventuel retour au scénario des années 70 n'est pas exclu». La solution ? il faut maintenir le cap de la croissance de manière à en porter le taux à 7%. «C'est le seul moyen pour renflouer les caisses de l'État». Il est impératif également d'élargir l'assiette fiscale. «Un effort méritoire à été fait au niveau de la réforme de la fiscalité ces dernières années et c'est ce qui a permis de traverser les zones de turbulence sans trop de dégâts. Mais il faut aller plus loin dans la réforme».

Autre solution préconisée par M. Haddad, l'assainissement du climat des affaires, car «hormis la mesure consistant à mettre en place le guichet unique, rien n'a été fait : un litige prend 600 jours devant les tribunaux, il y a toujours des difficultés d'accès au foncier et au financement. La réforme du climat des affaires doit être la priorité du prochain gouvernement.»

Pour sa part, le directeur du budget au ministère de l'Économie et des Finances, Faouzi Lakjaâ, le problème c'est le déficit commercial qui ne cesse de se creuser en raison de la facture pétrolière qui a pris des proportions alarmantes (80% des importations). Qui dit facture pétrolière, dit caisse de compensation. Là, M. Lakjaâ livre une analyse sans concession : tant que le système de compensation n'est pas réformé, les finances publiques seront mises à mal et, partant, la dette publique ne peut que s'aggraver. Pour ce haut responsable ministériel, les dépenses de compensation obèrent sérieusement les finances de l'État et impactent négativement l'investissement public et, par conséquent, les recettes de l'État. «Il faut avoir le courage de dire qu'on a gaspillé en 5 ans quelque 160 MMDH. Avec cette somme on aurait pu recruter 20 fois plus pendant cette période», explique-t-il. Et comme pour mieux montrer à quel point ce système coûte cher à l'État sans retombées économiques réelles, il indique qu'un CHU de la taille de celui de Fès coûte 1 milliard de DH, une autoroute Fès-Oujda 10 MMDH. «Je pense que c'est la réforme qu'il faut mener avec une clairvoyance politique dans une logique de réorientation des crédits budgétaires».

Création de la richesse

Youssef Bouaabid, consultant et directeur de développement dans une banque d'affaires, estime qu'une dette publique de l'ordre de 50 % du PIB reste tolérable dès lors qu'on arrive à créer de la richesse. Sauf qu'au Maroc, la création de la richesse souffre de beaucoup de freins, selon lui.
Il y a d'abord la justice qui doit être réformée, le climat des affaires qui doit être assaini et le code du travail qui gagnerait à devenir plus flexible. M. Bouabid estime également qu'il est impératif de supprimer les privilèges de l'économie de rente pour redonner confiance aux investisseurs.
En un mot, la dette n'est pas une menace tant que l'économie est dynamique et génère des recettes. Moha Boucetta, le doyen de la Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales, abonde dans le même sens. Il affirme qu'on peut se permettre une aggravation de la dette publique au-delà de 60 %, à condition d'utiliser les emprunts à des fins d'investissement. «Mais si on s'endette pour payer les salaires ou pour financer la compensation, là le danger est imminent», conclut-il.
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