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«La globalisation juridique est appelée à se décharger de ses préjugés»

Le répertoire mondial du constitutionnalisme démocratique s'est enrichi avec le droit international, le droit des organismes, des conventions et des mécanismes de plus en plus opposables aux gouvernants.

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LE MATIN: Avec le thème choisi « l'internationalisation du Droit constitutionnel. Quels impacts sur les transitions en Afrique », nous sommes au cœur de l'actualité ?
ABDERRAHIM EL MASLOUHI:
La centralité de la thématique élue comme objet de notre Conférence annuelle n'est un secret pour personne. L'Afrique, comme d'autres coins du monde, vit aujourd'hui sous le rythme de changements politiques cruciaux. Cette conférence était pour nous l'opportunité de partager, par universitaires et experts interposés, des vues et des analyses sur l'avenir du constitutionnalisme en Afrique, sous l'angle notamment de la globalisation juridique et de ses effets sur les systèmes de gouvernance de par le monde. Un des effets certains de la mondialisation juridique est d'avoir banalisé les frontières entre droit international et droit national. Ceci est plus particulièrement vrai pour le constitutionnalisme et ses chapitres majeurs : droits de l'Homme, régularité des élections, gouvernance des institutions constitutionnelles, autonomie territoriale, etc.

Y a-t-il réellement une internationalisation du droit constitutionnel ?

C'est René Jean Dupuy, professeur de droit constitutionnel qui se demandait si le monde ne se dirigeait pas vers un modèle de « société institutionnelle » ? La question mérite d'être posée, tant il est vrai qu'aujourd'hui le répertoire mondial du constitutionnalisme démocratique s'est enrichi avec le droit international, le droit des organismes, des conventions et des mécanismes de plus en plus opposables aux gouvernants. Il y a également l'effet des modèles occidentaux, l'effet de fascination sur les démocraties émergentes ne cesse de s'amplifier : le modèle britannique et son parlementarisme stable, la France et sa tradition de la souveraineté nationale, l'Allemagne et son fédéralisme démocratique, les États-Unis et leur sens de la séparation des pouvoirs, l'Espagne et sa régionalisation à géométrie variable, et j'en passe. Plus encore, certains modèles constitutionnels africains n'en inspirent pas moins la confiance et la considération. L'Afrique du Sud force aujourd'hui le respect grâce à son système de garanties des droits fondamentaux appuyé sur une justice constitutionnelle des plus actives dans le monde.

De son côté, au Maroc l'implication de toutes les forces vives de la nation et les acquis des réformes juridiques et socioéconomiques ont enrichi les sources de légitimité et l'ancrage social des institutions politiques, l'institution monarchique en premier lieu.
Néanmoins, pour fonctionner comme vecteur de démocratie partagée, la globalisation juridique est appelée à se décharger de certains de ses préjugés sur les sociétés et les cultures non occidentales. Autant dire que le droit constitutionnel, comme branche du savoir, se doit de sortir des sentiers battus et de se détacher du positivisme étroit pour épouser des perspectives inédites s'appuyant davantage sur les acquis du comparatisme, de la sociologie juridique et de l'histoire sociale et politique des États. Cela est d'autant plus vrai que le paysage politico-constitutionnel africain est, à vrai dire, composite et présente une diversité de voies vers la démocratie. Du Sénégal à la Somalie et du Maroc à l'Afrique du Sud, chaque pays a son rythme de démocratisation, son référentiel politique et symbolique, son rapport spécifique aux normes internationales.

Bien des pays africains ont déjà tourné le dos à la dictature et réussi, avec plus ou moins de bonheur, leur transition vers la démocratie. D'autres sont en passe de boucler un cycle de réformes de longue haleine pour la démocratisation. D'autres encore hésitent entre nostalgie autoritaire et pression morale internationale.
Nombre de juristes ont traité à Rabat du constitutionnalisme africain, un mot sur l'état des lieux ?


Considérée à l'aune des standards internationaux et des démocraties modèles, le constitutionnalisme africain présente, à des degrés variés, des acquis à consolider et des zones d'ombre à traiter. Sur les acquis, je citerais une pluralisation sensible de la vie politique et partisane, une expression mieux articulée des autonomies territoriales et des identités culturelles, une sensibilité de plus en plus grande aux normes et standards universels.
À côté de cela, il y a des zones d'ombre indéniables : une persistance du présidentialisme comme siège du pouvoir, une rationalisation du travail parlementaire qui évacue de sa substance la représentation populaire, une constitutionnalisation incomplète, voire embryonnaire des droits de l'Homme, un rôle timide de la justice constitutionnelle comme garant de la régularité normative et une réticence à intégrer les conventions internationales dans le bloc de constitutionnalité, et la liste est longue.
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