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Le Maroc à l’épreuve de la crise

● La récente rencontre du Club des chefs d’entreprise France-Maroc, tenue la semaine dernière à Rabat, a été l’occasion de mettre en lumière les chantiers ouverts avant l’avènement du cabinet Benkirane, mais aussi ceux qui ont été annoncés par l’équipe du nouveau chef du gouvernement.
● Le partenariat historique et stratégique avec la France est omniprésent. Le point sur ces grands chantiers et défis qui attendent le Royaume.

Le Maroc à l’épreuve de la crise
De gauche à droite : Mohamed Horani, président de la CGEM, Jean-René Fourtou, co-président de la rencontre du Club des chefs d’entreprise France-Maroc, et Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement.

Nous avons assisté lors de la dernière décennie à ce que certains observateurs ont appelé « une rupture » dans l’histoire économique du Maroc, avec la mise en œuvre d’une stratégie économique, différente des plans triennaux connus jusque-là. Avec le Plan Emergence 2004-2009, l’Etat a enfin une vision, des objectifs, un échéancier et des politiques sectorielles précises qui ont permis au Maroc de renouer avec son atout géographique méditerranéen et de se lancer dans la construction de grandes infrastructures : ports, aéroports, autoroutes, nouvelles lignes ferroviaires. Les résultats ont été, dans l’ensemble, au rendez-vous avec des secteurs et des spécialités exportatrices bien identifiées qui représentent aujourd’hui 250 milliards de DH. Huit spécialités dont le tourisme, la chimie des phosphates, le minerais, l’habillement, les produits alimentaires et agroalimentaires et les produits de la mer transformés, l’automobile, l’offshoring, l’électronique et l’aéronautique représentent 80%, soit 200 milliards de DH ! Fort du succès de cette première phase, le plan Émergence II (2009-2015), est adopté le 13 février 2009, s’inscrivant dans la continuité avec cependant de nouvelles adaptations notamment dans le secteur de la formation qui doit mieux répondre aux besoins de l’industrie et du marché de l’emploi en général.

Émergence II a l’ambition de mettre en place 22 plateformes industrielles intégrées aux standards internationaux, de réhabiliter des zones industrielles mais aussi de se lancer dans une autre dynamique tout aussi importante, en s’attaquant à des chantiers transversaux comme l’amélioration du climat des affaires, la lutte contre la corruption, la mise en place des instances d’arbitrage pour le règlement des litiges… Le plan prévoit, en effet, non seulement des mesures destinées à renforcer la compétitivité des PME, mais aussi des mesures pour améliorer le climat marocain des affaires et encourager la formation. 

Avec la crise économique et l’arrivée d’un nouveau gouvernement élu à la faveur d’élections démocratiques, beaucoup se sont demandés si les chantiers lancés par le Plan Emergence seraient poursuivis. A cette question, M. Benkirane nous répondait dans un entretien qu’«ils seront poursuivis avec certains réajustements pour plus d’efficacité, de synergie et de gouvernance». Quels sont précisément ces recadrages dont l’objectif in fine est de faciliter le travail des investisseurs ? Lutte contre toutes les formes de corruption, simplification des procédures, modernisation de l’environnement juridique, mise en place d’une charte des investissements dans un délai d’un an…

C’est ce que nous ont exposé les ministres présents à la rencontre récente du Club des chefs d’entreprise Maroc-France, co-présidée par Saida Lamrani et Jean-René Fourtou et après le message politique délivré par un chef du gouvernement qui aura visiblement séduit à la fois par son humour et son sens politique.
Le pari est réussi pour Abdelilah Benkirane et ses ministres qui, dans un contexte particulier, étaient très attendus et ont permis d’éviter une banalisation de relations d’exception qui pourraient être revigorées «en travaillant sur de nouveaux avantages compétitifs» selon le mot d’un des co-présidents du Club France-Maroc, Mohamed El Kettani.

C’était aussi l’occasion pour nous de faire le point sur les différentes feuilles de route des ministres en charge de l’Économie et des Finances, des Affaires générales et de la Gouvernance, de l’Équipement et des Transports, de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, du Tourisme, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.


Des membres du gouvernement nous confient

● «Il faut investir dans une relation équilibrée»

«Nous avons eu au cours de notre histoire commune des hauts et des bas, mais nous avons choisi de nous souvenir du bon côté des choses. Pour l’avenir, nous pouvons ensemble faire l’effort de construire une coopération exemplaire dans le respect de la diversité car nous sommes un pays ancré dans sa civilisation arabo-musulmane. Nous ne vous apprenons rien en rappelant cela, car vous n’avez pas oublié que nous sommes un pays indépendant depuis 12 siècles. Ce que je peux vous dire, c’est que la France aura toujours une place particulière au Maroc et ne comptez pas sur moi pour changer cela… Il faudra cependant, pour aller vers un partenariat exemplaire et pour le pérenniser, rééquilibrer nos relations, gagner de l’argent certes, mais aussi nous aider à nous développer.

Un partenaire qui progresse
Il y va aussi de votre intérêt d’avoir un partenaire qui progresse, qui avance, qui développe à son tour un partenariat avec l’Afrique, avec le Maghreb, avec le monde arabe dans ce contexte nouveau. Sa Majesté a saisi l’occasion du Printemps arabe et a fait un discours courageux en répondant aux aspirations de la classe politique et du peuple marocain. Ceci a été suivi par un référendum et par des élections transparentes qui ont amené un nouveau gouvernement composé d’islamistes, qui non seulement ne vont pas changer les relations avec la France, mais les renforceront. Vos vis-à-vis sont nos ministres qui seront à votre écoute pour vous aider à investir de manière durable pour permettre un développement équilibré, pour sortir de l’ornière de la pauvreté les régions les plus marginalisées. Le chemin est difficile, laborieux, nous sommes encore dans la peine notamment pour mettre fin aux mauvaises pratiques dans l’administration qui doit être au service du citoyen et de l’investisseur. Nous allons réformer notre fiscalité pour diminuer la pression fiscale et faire en sorte que ceux qui doivent payer des impôts le fassent. Mais nous avons pris la bonne direction. Notre ministre de la Justice, qui est juste et courageux, est aux aguets, comme je le suis moi-même ! Renforcer notre coopération, nous le voulons très fortement. Dans quel sens, direz-vous ? En investissant dans une relation équilibrée, dans le respect des lois, en nous aidant à mieux former nos jeunes… C’est ainsi que notre coopération aura un sens. Ensemble nous pouvons faire beaucoup de choses comme cela a été fait avec Maroc Telecom et ce dans tous les domaines, celui du tourisme, de l’industrie, du commerce, des énergies renouvelables…
Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement


● «Améliorer notre compétitivité»

«Malgré la crise économique et une année happée par un cycle de sécheresse structurelle, le rythme de notre croissance économique restera positif et devra atteindre 3,2% pour 2012. Nous avons pu au cours de la dernière décennie, grâce à une stratégie sectorielle mise en œuvre, atteindre une diversification productive qu’il s’agit de renforcer pour améliorer la compétitivité et les rendements. Nous comptons accélérer cette stratégie et l’adapter à l’évolution internationale. Pour la question de l’emploi, une problématique majeure, on peut dire que le taux de chômage a baissé malgré toutes les difficultés, nous avons un taux de 8,5%. Cependant, pour les comptes publics, nous avons enregistré un déficit public important au cours de l’année 2011, une détérioration de la balance des paiements en raison principalement de la hausse des matières premières. Malgré ces clignotants rouges, nous voulons nous inscrire dans le cadre du projet de Loi de finances 2012, dans un objectif d’un déficit à 3% du PIB à l’horizon 2016 et, chose importante, nous avons maintenu le rythme d’investissement puisque nous avons décidé d’augmenter l’investissement public, tous secteurs confondus, de 167 milliards de DH à 188 milliards de DH programmés pour 2012. Cela permettra de soutenir la demande intérieure et de compenser la baisse de la demande extérieure adressée à notre pays en raison de la crise économique européenne. Notre objectif est d’améliorer l’attractivité de notre pays et de continuer à décliner les stratégies mises en place notamment les choix dans le domaine des énergies renouvelables et de la croissance verte. Nous voulons faire partie de cette nouvelle division internationale du travail et nous considérons que le pari que nous faisons est un pari universel. En développant l’énergie solaire, en veillant à faire avancer la recherche et l’innovation, nous pourrons relever ce pari. Nous nous inscrivons aussi dans une logique de partenariat public-privé (PPP) et dans ce sens, nous avons préparé un projet de loi qui porte sur le PPP qui est discuté au niveau secrétariat général du gouvernement et sera sur son site pour permettre aux opérateurs d’en discuter et de l’améliorer pour être en phase avec tous nos partenaires.

Soutien de la BEI
Ce projet de loi a été élaboré avec le soutien de la Banque européenne d’investissement (BEI) et nous avons mis en place avec l’appui de la SFI une cellule au niveau de la DEPP. Ce projet de loi qui suscite beaucoup d’intérêt sera valable dans le domaine économique, marchand et non marchand et ouvrira des perspectives nouvelles dans nos partenariats. Pour l’amélioration du climat des affaires, je voudrais rappeler que pour cette question de délais de paiements, il existe depuis 2004, une loi qui permet de bénéficier d’intérêts moratoires dès lors qu’il y a retard dans les délais de paiement fixés à 90 jours au niveau des marchés publics et à 60 jours pour les marchés privés. Une commission présidée par le SG des finances et l’ensemble des SG concernés a été créée dans ce sens pour accélérer les délais de paiements et le remboursement de la TVA... En tout cas, et comme l’a assuré le chef du gouvernement, tout sera mis en œuvre pour que les délais soient le plus court possible et si le retard perdure, il faut utiliser la possibilité des intérêts moratoires. Toujours dans cette question d’amélioration du climat des affaires et avec le nouveau gouvernement, nous avons demandé un recensement de toutes les conventions signées pour voir l’état de leur avancement et les obstacles rencontrés comme la question du foncier et des autorisations. Il y a aujourd’hui une commission d’environnement des affaires présidée par le chef du gouvernement, domiciliée au niveau des Affaires générales qui simplifie ce processus d’autorisation dans un sens de transparence pour améliorer la gouvernance, objectif majeur du gouvernement. Il y a aussi une confiance de nos bailleurs de fonds qui ont observé les évolutions politiques de la région et nous allons les rencontrer prochainement à Washington pour voir comment l’engagement du G20 va se décliner dans la pratique. La BEI a inscrit le Maroc comme un pays opérationnel et va commencer à financer une part de nos projets d’investissement… Tout ceci pour dire le potentiel de croissance du Maroc. Nous avons la possibilité à travers les politiques sectorielles arrêtées, les zones industrielles et le développement des zones franches et l’ouverture de perspectives d’augmenter ce potentiel et améliorer l’attractivité de notre pays.
Nizar Baraka, ministre de l’Economie et des Finances


● «Nous allons nous ouvrir à des alliances stratégiques»

La matrice 2012-2016 de notre département qui est « le ministère de la terre, du ciel et de la mer » est prête et s’inscrit dans la continuité. Nous avons des choix stratégiques déclinés en plans sectoriels et pour ce qui nous concerne, développer les grandes infrastructures et les infrastructures à caractère social notamment dans le monde rural. Nous avons 4 grands ports programmés, celui de Nador, Safi, Kénitra Atlantic et de Dakhla.
Nous préparons le schéma directeur aéroportuaire, dont l’un des points est de faire de Casablanca un hub international et régional compétitif. Nous avons aussi un programme autoroutier, un programme ferroviaire de lignes à grandes vitesse, mais aussi de lignes qui touchent les régions éloignées qui s’inscrivent dans la continuité. La logistique est un autre secteur stratégique. Le précédent gouvernement a bien préparé les fondations et nous allons nous atteler à mettre en œuvre ces programmes déjà sur les rails en y ajoutant de la gouvernance et en y posant les fondations du partenariat public-privé. Nous ne pouvons continuer à financer les grandes infrastructures par le budget de l’Etat. Il est temps, comme l’ont fait certains pays à contexte similaire, d’aller vers le PPP, après concertation avec nos partenaires.

Planification, régulation et contrôle
L’Etat a un métier et doit assumer son rôle principal qui est la planification, la régulation et le contrôle, en laissant de l’espace au secteur privé pour la réalisation des infrastructures.
Avec un budget de 27 milliards de DH de budget d’investissement et 22 milliards pour les établissements publics, nous avons besoin d’aller vers des alliances stratégiques comme le font les pays développés. On ne parle plus seulement de la compétitivité des entreprises, mais aussi de la compétitivité des Etats et de la compétitivité des alliés : le Maroc et la France ont besoin d’être compétitifs par rapport au schéma global qui se dessine dans le monde. Nos établissements publics s’ouvrent à des alliances stratégiques pour s’attaquer au marchés marocains, mais aussi des pays d’Afrique et du monde arabe avec qui on partage une culture. Etre compétitifs c’est aussi pour nos EPP se concentrer sur ses cœurs de métiers : la RAM par exemple doit se concentrer sur sa politique aérienne et ce qui peut faire une valeur ajoutée comme la maintenance, en laissant de côté le métier d’hôtelier et de formateur. Même chose pour les chemins de fer ou le secteur maritime. On réfléchit actuellement sur des pôles de compétences et on travaille sur trois dimensions : la maîtrise des coûts, l’amélioration de la qualité des produits, accélérer la réalisation, trois dimensions qui nous permettront d’atteindre les objectifs de la bonne gouvernance. Pour la question de préférence nationale, question qui a été posée, je réponds que je ne fais qu’appliquer ce que font nos partenaires.
Aziz Rabbah, ministre de l’Equipement et du Transport


● «La gouvernance : l’alpha et l’oméga de notre action» 

Dans la déclaration gouvernementale, l’amélioration du climat des affaires est une priorité. Elle passe par le renforcement de la transparence et la bonne gouvernance et concerne notamment tout ce qui est certification des procédures administratives et modernisation de l’environnement juridique… La Charte de l’investissement permettra d’avoir une structure centrale. Le ministère des Affaires générales est en charge de l’harmonisation de ce qui est fait au niveau sectoriel pour avoir une vue d’ensemble de la stratégie d’investissement de l’Etat et pour donner une visibilité aux investisseurs. Le troisième axe concerne ce qui a trait aux litiges commerciaux avec toutes les possibilités de facilitation, de recours, de médiation… Le quatrième axe a trait à l’amélioration de l’accès au foncier et des autorisations de construire. Les efforts réalisés dans l’amélioration du climat des affaires a permis au Maroc en 2012 d’avancer de 28 places dans le Doing Business et d’être retenu comme étant le pays qui a fait le plus de progrès au niveau du climat des affaires. Nous restons sur cette lancée avec des contacts rapprochés avec les investisseurs et déterminés à améliorer davantage ce chantier. La gouvernance inscrite dans le chapitre 12 de la Constitution est le leitmotiv de notre gouvernement. Nous avons compris que, faute de gouvernance, toute économie même en développement ne peut atteindre ses objectifs. Le Printemps arabe a mis en lumière l’exemple de la Tunisie sous le régime précédent qui avait certes un taux de croissance de 4%, mais qui faute de gouvernance ne progressait pas !

Gouvernance nationale
Au Maroc, nous avons les moyens d’avancer, mais encore faut-il se départir de certaines pratiques pour améliorer l’économie et le social. Certains de nos pourvoyeurs de fonds nous reprochent le fait que malgré les fonds mis à notre disposition, des segments importants de la population ne reçoivent pas leur part de l’augmentation des richesses. La gouvernance se situe à plusieurs niveaux, celui de la transparence et la lutte contre la corruption, et celui de la convergence des politiques sectorielles qui permettrait une vue d’ensemble de la politique de développement au Maroc. Cette gouvernance au niveau national doit alimenter la gouvernance régionale pour que les citoyens puissent profiter de la richesse créée par l’activité et le développement économique. Cela passe aussi par un bon fonctionnement d’instances comme le Conseil de la concurrence qui est une institution indépendante qui doit assurer transparence et équité dans les relations économiques. Le chef du gouvernement a mis en lumière l’existence d’un certain nombre d’entraves et de comportements anticoncurrentiels qu’il fallait combattre en mieux régulant les marchés, les appels d’offres, et en luttant contre les pratiques commerciales déloyales. Tout cela devrait améliorer le climat des affaires et donner aux opérateurs économiques et sociaux plus de transparence. Je voudrais souligner le fait que nous sommes là avec ces objectifs de transparence et de prévention, dans une logique globale qui est à la fois économique et sociale.
Le Conseil de la concurrence et l’Instance de lutte contre la corruption qui ont avec la nouvelle Constitution plus de pouvoirs, ont toute latitude pour veiller à empêcher tout délit d’initiés, abus administratif, mauvaise gestion au niveau des passation des marchés publics, des trafics d’influence, privilèges ou position dominante.
Toutes ces mauvaises pratiques qui pèsent pour 1,5 % à 2% de notre PIB, doivent être abolies pour améliorer bien sûr le climat des affaires et permettre un véritable développement mieux réparti entre des citoyens qui utilisent aujourd’hui avec les ONG leurs droits à la libre expression. 

Najib Boulif, ministre des Affaires générales et de la Gouvernance


● «Nous allons vers un redéploiement de la stratégie de la formation» 

Le souhait de notre gouvernement est de faire évoluer les relations sociales, de les faire sortir de cette forme de sociologie du patriarcat. Nous voulons que les relations sociales soient traitées dans les entreprises, ensuite dans les secteurs d’activité et éventuellement au niveau national. Nous sommes très heureux de voir que la CGEM et les organisations syndicales sont en train de travailler ensemble dans le cadre de médiation et demain dans le cadre d’arbitrages.
Nous souhaitons vivement que cet état d’esprit s’étende, ce qui serait le signe d’une maturité dans les relations professionnelles. Pour ce qui est de la législation, nous sommes régis par la Constitution qui reconnaît le droit de grève, mais aussi le droit au travail, le droit à la propriété et qui spécifie que le droit de grève reconnu par la Constitution fera l’objet d’une législation adéquate qui définira les modalités de l’exercice de ce droit, ce sont là les mots de la Constitution. Depuis 1962, ce droit existe dans les Constitutions successives.
Aujourd’hui, ce droit doit être légiféré comme c’est le cas pour d’autres droits contenus dans la Constitution et qui feront aussi l’objet de lois.
Depuis l’arrivée du nouveau gouvernement, nous avons saisi nos partenaires sociaux, CGEM et syndicats, nous leur avons fait part de notre intention de légiférer et leur avons fait part d’un benchmark de législations qui encadrent ce droit. Nous attendons leur proposition et nous souhaitons bien sûr le faire dans le cadre du consensus. Si cela n’est pas possible, le gouvernement prendra ses responsabilités car il est de son devoir de faire avancer ce dossier. En matière de relations sociales, nous allons également légiférer sur la loi sur les syndicats pour leur permettre un meilleur encadrement et des moyens de travailler. Nous sommes bien sûr pour la défense des intérêts des travailleurs mais aussi pour que les entrepreneurs puissent travailler dans un certain environnement.
Un climat social serein permet l’investissement et la création d’emplois. J’ai été moi-même, avant d’être ministre, syndicaliste et chef d’entreprise et je connais les enjeux de cette problématique. L’autre volet auquel je me suis attelé est celui de la formation professionnelle. Aujourd’hui, nous avons une offre publique de formation faite à travers l’OFPPT, une offre privée intéressante et des offres ciblée dans le cadre de partenariats pour accompagner le plan Emergence qui concerne l’aéronautique, le tourisme, l’agroalimentaire, l’artisanat et qui correspondant aux besoins des entreprises. Nous allons renforcer, développer l’apprentissage. Tout cela pour dire que nous travaillons sur un redéploiement de la stratégie de formation après avoir fait le point.

Revoir le système des contrats spéciaux de formation
Cette stratégie tiendra compte du système dans sa globalité, sa gouvernance, son mode de régulation, son financement, ses rapports avec l’éducation nationale. Aujourd’hui, nous constatons qu’il n’y a pas suffisamment de ponts entre l’éducation nationale et la formation professionnelle même si beaucoup d’efforts ont été faits. Il n’est pas normal qu’un investissement aussi lourd que celui qui est fait dans l’éducation ne débouche pas sur l’employabilité des jeunes. Pour ce qui est de la formation continue, nous allons également revoir le système des contrats spéciaux de formation qui est lourd et complexe et qui n’est pas optimisé et qui ne répond pas aux attentes des entrepreneurs. La stratégie de la formation devrait être arrêtée au mois de septembre avant d’être déclinée l’année qui suit.
Abdelouahed Souheil, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle


● «Le Plan Emergence et les stratégies sectorielles nous ont donné un cap et un horizon»

Dans la déclaration gouvernementale, nous n’avons jamais évoqué un changement radical dans les schémas de production que notre pays a adoptés. Nous sommes dans le cadre d’une ouverture économique mais aussi dans le cadre d’une stratégie globale et sectorielle dûment réfléchie par rapport à cette ouverture. Nous ne sommes plus dans le débat d’antan qui consistait à nous demander si le Maroc n’était qu’un pays agricole et s’il pouvait se lancer dans des politiques d’industries. Les stratégies sectorielles sont de véritables feuilles de route qui donnent de la visibilité aux pouvoirs publics mais aussi aux investisseurs. Nous pouvons, pour le secteur de l’industrie, constater que le Maroc peut se positionner par la loi des avantages comparatifs et prendre le taureau par les cornes. Ceci étant, il faut aussi préciser que le Maroc ne peut pas se positionner dans tous les secteurs de l’industrie. Nous avons eu des débats qui nous ont permis de faire ressortir les métiers mondiaux dans lesquels notre pays peut se positionner dans cette nouvelle reconfiguration mondiale de la production. Je dis nous, car en tant que coordinateur et membre du PJD, je présidais la commission d’industrie et nous avons travaillé sur la plupart des stratégies sectorielles. J’étais personnellement un farouche défenseur de ces stratégies qui nous empêchent de naviguer à vue et nous donnent un cap sur le futur. Nous avons beaucoup discuté et nous nous sommes inscrits dans cette méthode de travail. Aujourd’hui, nous sommes à un moment où il nous faut commencer à récolter les premiers fruits de cette stratégie qui doit nous permettre d’avoir une offre d’exportation valable et de diversifier cette offre avec de la valeur ajoutée. Nous sommes, il faut le dire avec humilité, inscrits dans la carte mondiale de l’automobile, de l’offshoring, de l’aéronautique... Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de menace dans ces secteurs car la concurrence est féroce dans ces domaines, mais cela nous oblige à étudier d’autres secteurs d’activité prometteurs, potentiellement exportateurs et générateurs de valeur ajoutée qu’on pourrait inclure à ces secteurs. Je pense au secteur pharmaceutique, à la chimie et parachimie, demain au secteur de l’énergie renouvelable sur lesquels avec nos avantages compétitifs, nous pourrions capitaliser et déboucher sur des partenariats public-privé.

Étudier plusieurs pistes
Tout cela est à voir avec l’ensemble des acteurs pour étudier les différentes pistes et différentes méthodes de travail. J’ai beaucoup consulté et discuté et je crois que le Maroc s’achemine vers une situation dans laquelle l’entrepreneur doit trouver un mécanisme rodé, facilitateur de ses démarches. Un opérateur économique n’a pas besoin de voir un ministre pour régler tel ou tel problème. Nous avons créé une agence de développement des investissements qui doit recevoir, accueillir, accompagner les investisseurs qui vont par leur projet créer des emplois, de la richesse, de la valeur ajoutée… Il faut travailler sur cette logique d’aider les investisseurs qui permettent à notre pays de se développer.
Abdelkader Aâmara, ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies


● «Prioriser, réguler et mobiliser dans une approche intégrée»

Nous avons tous conscience de l’importance du secteur du tourisme, premier contributeur de devises, deuxième générateur d’emplois, troisième en attractivité des IDE. Malgré une conjoncture internationale très difficile qui a impacté négativement les marchés émetteurs européens, qui sont nos principaux partenaires, et malgré une conjoncture géostratégique du printemps arabe, le secteur du tourisme a montré une forte capacité de résilience grâce à des fondamentaux solides et une vision très claire. Avec la vision 2010, on a donné au Maroc un positionnement, renforcé l’accessibilité de la destination Maroc grâce à la politique de l’Open Sky et investi dans des projets structurants comme les stations balnéaires dans le cadre du Plan Azur. Nous avons réalisé le diagnostic de cette vision pour en étudier les limites par rapport à la réalisation du Plan Azur et de l’offre marocaine.

Tout sur la qualité
Dans la vision 2020, nous mettrons moins l’accent sur la capacité litière et plus sur la qualité des produits. Le bussiness model que nous avions pris pour les stations balnéaires connait lui aussi des limites et nous investirons désormais dans des approches plus intégrées. Autre point, celui de la hiérarchie des priorités car on ne peut pas réaliser toutes les stations en même temps. Il nous faut donc prioriser, réaliser trois ou quatre stations dans les prochaines quatre années. Nous avons également travaillé sur une revue stratégique de toute l’offre marocaine et fait des choix. En premier lieu, il faut diversifier l’offre marocaine, avec nos villes à forte connotation historique et culturelle comme Marrakech, Fès, Tanger, Tétouan, continuer le Plan Azur pour le balnéaire, travailler sur l’offre nature de plus en plus prisée avec le tourisme écologique, rural et enfin mettre en avant les différentes niches de notre tourisme : gastronomique, sportive, saharienne. Ceci nécessite une restructuration de la provenance du secteur. Il faut développer l’offre au niveau de tout le territoire, c’est-à-dire dans les 8 régions qu’il faut rendre complémentaires. Pour cela, il faut que la gouvernance suive ! Il faut une autorité de régulation qui va veiller sur la mise en place et le suivi de la Vision 2020 et des agences de développement du tourisme dans les territoires. Celles-ci vont réguler, faire le suivi, la promotion et mobiliser les acteurs et les efforts pour mener à bien les projets. La vision 2020 reprend les acquis de la vision 2010 en intégrant plus de diversification, de gouvernance et des mesures d’accompagnement pour hisser le Maroc parmi les 20 premières destinations mondiales qui doivent être des références en matière de développement durable. Nous assistons au Maroc à une révolution silencieuse qui a permis au pays de réussir sa transition politique sans passer par la violence et le chaos. Les Marocains ont choisi une démarche démocratique, ont élu un gouvernement dans la transparence. Nous devons sans doute plus communiquer sur notre projet de changement démocratique et le faire savoir aux médias internationaux pour qu’il n’y ait pas d’amalgame…
Lahcen Haddad, ministre du Tourisme

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