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Initiative louable, mais révélatrice d’un malaise

Une grande première au Maroc, le Haut-Commissariat au plan a rendu publics les résultats de l’enquête sur le bien-être. L’intérêt des médias ne s’est pas fait attendre, mais jusque-là, nous n’avons vu paraître que des chiffres, certes qui peuvent être plus ou moins explicites, mais qui laissent l’intéressé sur sa faim. C’est pourquoi nous avons contacté pour vous, un psychologue, un sociologue, un psychosociologue et un philosophe pour commenter et analyser cette enquête et nous aider à y voir plus clair.

Initiative louable, mais révélatrice d’un malaise
Enquête nationale sur le bien-être

Selon l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économique) : «le bien-être passe par la satisfaction de divers besoins humains, dont certains sont essentiels (par exemple la santé), ainsi que par la possibilité de poursuivre ses propres objectifs, de s’épanouir et d’être satisfait de sa vie». Sur la base de cette définition, l’OCDE a élaboré un indice de mesure du bien-être incluant 11 dimensions axées sur les conditions de vie matérielles et la qualité de vie.

Le HCP (Haut-Commissariat au plan), conscient de l’importance du bien-être pour mesurer la croissance économique, a réalisé une enquête nationale (touchant un échantillon de
3 200 personnes âgées de 15 ans et plus, dont 2 080, en milieu urbain avec deux questionnaires. L’un portant sur les ménages et les caractéristiques sociodémographiques et les conditions de vie de leurs membres ; l’autre sur le bien-être de la population), dont les résultats ont été publiés récemment. Afin de mesurer le bien-être des citoyens, le HCP s’est basé sur la définition donnée par l’OCDE, sans reprendre les 11 dimensions retenues par l’Organisation, et ce, pour deux raisons : «la 1re procède de notre capital d’expériences accumulé en matière d’enquêtes qualitatives. La seconde répond au souci de ne pas soumettre nos réalités économiques et sociales à des axes de recherches élaborés à partir de modèles économiques, sociaux et culturels de pays développés», affirme Ahmed Lahlimi Alami, Haut-Commissaire au plan.

De ce fait, le HCP a adopté une démarche interactive. «La démarche méthodologique adoptée dans l’enquête nationale sur le bien-être a été articulée autour de trois approches : d’abord, la population est appelée à énumérer elle-même les différentes dimensions des conditions de vie qui sont, de son point de vue, déterminantes pour son bien-être ; dans une deuxième approche, la population est invitée à décliner, dans chacune de ces dimensions, les facteurs spécifiques qu’elle considère déterminants pour un bien-être effectif ; enfin, dans une dernière approche, la population est invitée à mesurer le niveau de satisfaction que lui procure chacune des dimensions de ses conditions de vie et, globalement, celle que lui procure sa vie en général», explique M. Lahlimi. Et de préciser : «En déclinant les facteurs qu’elle estime déterminants pour l’effectivité du bien-être, dans chacun des domaines de sa vie, la population révèle sa perception de ce que devrait être le contenu qualitatif des politiques publiques de nature à améliorer ses conditions de vie et élever son niveau du bien-être».

À signaler que les dimensions des conditions de vie ont été présentées par ordre décroissant en fonction du nombre de fois citées par la population. Il ressort, donc, de cette enquête que les Marocains ont mis en avant trois groupes de dimensions : la vie matérielle qui comprend le logement évoqué par 60% des Marocains et le revenu par 45% ; le domaine social qui comprend l’emploi pour 43%, la santé pour 32% et l’éducation pour 24% ; et le domaine sociétal, évoqué par 29% et qui inclut la vie familiale, culturelle spirituelle et de loisirs.

Le logement

60% des Marocains estiment qu’un logement personnel procure le bien-être, 38% (49% parmi les ruraux), un logement doté des équipements domestiques nécessaires et pour 36% (55% parmi les ruraux), le logement qui procure le bien-être est un logement qui dispose des services d’eau, d’électricité et d’assainissement. Enfin, la proximité des services collectifs a été évoquée par 26% (29% parmi les ruraux). Cependant, la moitié des Marocains a déclaré qu’elle est peu ou pas satisfaite dans le domaine du logement et un peu plus de 25%, qu’ils en sont satisfaits ou très satisfaits. Les 25% restants se sont, eux, déclarés moyennement satisfaits.
Selon Abdelkarim Belhaj, psychosociologue : «Le logement représente un grand souci pour les Marocains vivant dans le monde urbain, c’est la raison pour laquelle il est le premier facteur de satisfaction cité par les participants à cette enquête. Cependant, il faut noter que ce besoin a été créé suite à la dynamique que connait ce secteur (les réformes, les offres bancaires, les publicités…). Aussi, les conditions de vie et d’acquisition d’un logement sont très problématiques (crédits, taux d’intérêt…), d’où cette grande insatisfaction», explique-t-il.

Le revenu

Près de neuf Marocains sur dix mettent en avant la bonne rémunération du travail comme facteur du bien-être. Toutefois, le degré d’insatisfaction frôle les 64% pour l’ensemble de la population et atteint 74% parmi les ruraux. Ceux qui se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits représentent à peine un Marocain sur dix (8,5%). Selon l’échelle socioprofessionnelle, la satisfaction atteint son niveau le plus élevé parmi les cadres supérieurs. «Pour tâter le pouls du bien-être aujourd’hui, Le PIB au Maroc n’est plus adapté (d’après le Fonds monétaire international, est de 1 500 $ par an et par habitant). D’un autre côté, d’après l’UNESCO, un Marocain qui gagne 7 000 DH mensuellement, est considéré riche. Posons la question sur le bien-être à cette catégorie de population, et vous verrez !», estime Jay Hamdouch Jawad, psychologue.

L’emploi

Les bonnes conditions de travail et l’équité dans l’accès à l’emploi et dans la rémunération sont les principaux facteurs de l’effectivité du bien-être dans le domaine de l’emploi, selon les Marocains. Malheureusement, un peu plus de la moitié de la population active occupée dit ne pas être satisfaite de son emploi. Le reste se partage à parts égales entre satisfaits/très satisfaits et moyennement satisfaits. À noter que selon la catégorie socioprofessionnelle, la satisfaction demeure limitée chez les ouvriers et les manœuvres et atteint son niveau le plus élevé parmi les cadres supérieurs.
Jay Hamdouch pense que le bien-être ne peut se sentir tant que les inégalités persistent : «Contrairement aux convictions des défenseurs de l’école de Chicago, pour qui le marché régule efficacement les relations sociales et de la société (au Maroc il n’y a pas de marché, mais une économie de marché qui inclue bien entendu, une grosse économie informelle, qui avantage certains et désavantage l’État), le bien-être ne pourrait se sentir et régner dans une société que si la baisse des inégalités, le maintien d’un paradigme social fort et les préoccupations environnementales, génèrent davantage de richesses que la seule libre concurrence, la seule compétition», indique le psychologue.

La santé

Ce domaine semble en effet, susciter le moins de satisfaction. Sept Marocains sur dix sont peu ou pas satisfaits des services dans le secteur de la santé. En d’autres termes, à peine 8% de la population questionnée a déclaré en être satisfaite/très satisfaite, contre 72% d’insatisfaction. «C’est un indice de dépression et de malaise qui se dégagent, lorsqu’aucun des facteurs de bien-être retenus par l’enquête n’a suscité de degré satisfaction acceptable ou rassurant, soit relativement aux politiques engagées jusqu’à maintenant, ou par rapport aux modes de gestion des conditions de vie des citoyens. Voire que cet état de lieux remet en question les politiques de réformes opérées dans les secteurs de logement, de l’emploi, de la santé et de l’éducation, et même l’INDH se trouve interpellée», souligne Belhaj.

L’éducation

Plus de 55% de personnes ont déclaré être insatisfaits par l’éducation, contre 15% des satisfaits ou très satisfaits. Le HCP a noté que, le degré de satisfaction n’est pas significativement contrasté selon le milieu de résidence.
Selon le psychologue, l’étude sur le bien-être ne pourrait jamais définir cet état de sublime dans un pays où l’analphabétisme et l’ignorance battent des records parmi le commun des mortels. Et d’ajouter : «Le bien-être est très subjectif, il est conditionné par le contexte socioculturel, linguistique et religieux de chaque milieu où qu’il soit. Concernant les récentes statistiques du sur le bien-être au Maroc, je crois que cette étude est beaucoup plus prématurée pour tirer une conclusion, et même, le résultat serait toujours subjectif, car le bien-être n’est pas une commodité qu’on «transactionne» en bourse, mais un sentiment psychologique, très personnel, noble, intime et relatif aux normes sociales et sociétales, ainsi qu’aux nomenclatures socioculturelles et éducatives que le pays impose et dispose», affirme Hamdouch.
«Si on admet, bon gré mal gré, qu’avec cette enquête on est face à un tableau illustrant le bien-être des Marocains, il y a de quoi s’interroger sur les questions de la qualité de la vie des gens et l’équilibre de la société, voire qu’il est temps (urgent) que ces questions fassent l’objet de véritables études qualitatives et quantitatives pour permettre un diagnostic et un état des lieux», déclare, de son côté, Belhaj.

La vie familiale et l’environnement sociétal

Ce domaine ne semble satisfaire pleinement que moins d’un Marocain sur cinq (18%). En effet, plus de la moitié de la population (54%) s’en dit insatisfaite et un bon quart (28%) moyennement satisfait. Le HCP précise aussi que le chômage impacte négativement la satisfaction dans ce domaine et que les facteurs concourant à l’effectivité du bien-être portent essentiellement sur la solidarité sociale et la disponibilité des infrastructures sociales.
«Nous savons maintenant que le bien-être chez les Marocains interrogés n’est pas uniquement conditionné par le revenu, mais aussi par la solidarité. Du point de vue des données statistiques, le bien-être dans le domaine de la vie familiale et l’environnement sociétal est, pour huit Marocains sur dix (78%), conditionné par la solidarité sociale.

Ainsi, les avis des répondants montrent que vivre pour soi n’est pas vraiment le bon choix. Il est important, pour mieux comprendre le sens de la solidarité, de situer les réponses dans leur contexte. Surtout que l’enquête ne précise pas de quel type de solidarité s’agit- il ni même quel sens donnent les Marocains à cette dernière. Une chose est sûre, les Marocains ont l’impression qu’ils n’existent pas des politiques de solidarité autrement dit la communauté marocaine n’est pas conçue comme une entité solidaire. Et si jamais ces politiques existaient, elles ne seront selon eux que des politiques de répartition des risques sociaux réservées à une classe définie par un plafond de ressources», explique Rachid Bekkaj, sociologue. D’un autre côté, concernant la vie familiale des Marocains, le sociologue indique que : «La confiance et les bons rapports familiaux sont évoqués également par plus du ¼ de la population (27%). Cette question chez les Marocains trouve sa réponse dans la condition sociopolitique générale qui définit historiquement et sociologiquement la relation entre le citoyen et l’État. Cette même relation confirme que les conditions politiques ne lui ont pas été favorables pour réaliser ce qu’il souhaitait au fil des années.
À partir de cet état de fait, si les Marocains d’aujourd’hui interpellent la confiance, c’est parce qu’ils comptent établir un autre rapport avec le pouvoir politique ce qui les pousse à remettre en question le pacte politique avec l’état en cours».
«Les transformations qu’a connues la communauté marocaine depuis l’indépendance jusqu’à nos jours ont affecté la structure familiale et les rapports entre ses membres puisque d’autres valeurs ont vu le jour comme l’individualisme, l’égoïsme, l’intérêt personnel, etc.

Diverses études sociologiques montrent que les familles des milieux populaires insistent davantage sur le consensus et la similitude de leurs membres. Ces derniers mettent la priorité sur le «nous-famille», plutôt que sur le «nous-couple». Ils insistent souvent sur la spécificité des rôles masculins et féminins et se dotent des règlent assez claires et rigides», poursuit-il. Cependant, c’est en face des mutations récentes des comportements familiaux que les interrogés prisent davantage les relations familiales internes, estime le sociologue. Selon lui, ces mutations se traduisent par un ensemble de phénomènes comme le taux de divorce qui ne cesse d’augmenter, les mères célibataires qui sont sorties à la surface, la violence conjugale qui semble être une réalité qui présente des conséquences graves et nombreuses... «Cela explique pourquoi, aujourd’hui, les enquêtés revendiquent les bons rapports familiaux. Ce qui conduit à mettre en évidence la réalité du groupe de référence auquel l’individu se compare pour juger sa situation. Toutefois, il est important de noter qu’il reste encore des efforts à fournir dans ce domaine», conclut Bekkaj.

La vie culturelle et les loisirs

L’enquête nationale sur le bien-être a révélé que sept Marocains sur dix (68%) sont peu ou pas satisfaits de la vie culturelle et de loisirs.
Les enquêteurs ont également noté que le chômage impacte négativement la satisfaction dans ce domaine et que les facteurs concourant à l’effectivité du bien-être, portent sur la disponibilité des infrastructures culturelles, spirituelles et de loisirs et les conditions favorables d’accès à ces activités. «Concernant le domaine culturel et les loisirs, les données démontrent que les Marocains donnent une importance à la culture et aux loisirs.

C’est un fait auquel ont conclu des études précédentes dans le même sujet et qui démontrent l’attachement des Marocains à l’identité et à l’appartenance ainsi qu’à leur système de valeurs et leur cadre référentiel religieux. En effet, dans toute société les valeurs qui systématiquement ordonnées, s’organisent en une vision du monde apparaissent souvent comme une donnée irréductible, un noyau stable, un ensemble de variables indépendantes», signale Bekkaj.
«Seulement, les valeurs qu’elles soient encrées dans la communauté marocaine, restent toutefois, exposées aux risques d’affaiblissement et de disparition par la colonisation et la mondialisation. Vis-à-vis de l’extérieur, la reconstruction d’une identité marocaine implique le maintient de la différenciation, à partir duquel s’affirme l’autonomie collective», insiste le sociologue.

À la lumière des interprétations et analyses proposées par les différents spécialistes, on constate qu’ils s’accordent tous sur le fait que l’enquête nationale sur le bien-être est une initiative qui mérite l’estime. «On ne manquera pas de noter que la démarche amorcée par le HCP reste louable», souligne Belhaj. Qui précise, tout de même, que la conception du bien-être peut-être difficile à appréhender, mais reste quand même réalisable. «La conception définissant le bien-être est à revisiter quant à ses acceptions terminologiques et opératoires. Car, le sens qui lui a été attribué porte à confusion dans sa réception, et il n’y a qu’à regarder du côté des commentaires qui ont accompagné et suivi la diffusion du rapport pour s’en rendre compte.

Un sens qui n’a pas manqué d’être associé au Bonheur et qui tendrait à quantifier statistiquement cet état de bien-être et de béatitude et lui donner une validation numérique.
Or, il s’agit, en fait, de l’économie du bien-être dans une logique qui tient compte du PIB et qui renvoie à la qualité de la vie ou encore aux conditions matérielles et objectives du bien-être pouvant être mesurables et appréciées dans une perspective quantitative, ce qui a été le cas avec la présente enquête. Cependant, le bien-être des Marocains n’est pas impossible à travailler, ni à le rendre effectivement réel, mais soyons rationnels dans nos visions et actions, à commencer par évaluer pour pouvoir», affirme-t-il. Pour le sociologue, Rachid Bekkaj, les résultats doivent être traités avec une certaine vigilance.

«Cette enquête nous permet de déduire certains éléments sur les conditions du bien-être désiré par les Marocains. Cependant, ces données sont à prendre avec précaution puisque nous n’en connaissons pas beaucoup sur les répondants : niveaux d’étude, genre de travail, appartenance sociale, le revenu, etc.», affirme-t-il. Ajouter à cela, la vie du psychologue, qui souligne que : «De nos jours, et précisément en 2012, personne au monde, parmi les imminents économistes, sociologues, psychologues, linguistes et autres, ne pourra répondre avec exactitude et objectivité sur la question du bien-être. Il est aléatoire, surtout dans un pays où le fatalisme est le mot du quotidien de la population».


Regard d’un psychosociologue, par le professeur Abdelkarim Belhaj

«Il faut souligner que l’écart reste important entre la perception de la réalité et la réalité elle-même telle que vécue»

De la lecture du rapport sur l’enquête nationale du HCP sur le bien-être, quelques observations peuvent être avancées. Alors que la dimension subjective qui réside même dans la nature de l’état du bien-être n’a pas fait l’objet de cette évaluation et ne pouvait pas l’être, compte tenu de la nature de l’enquête. A notre sens, la dimension objective est évaluable par une enquête, ce qui a été le cas dans la présente approche. Tandis que la dimension subjective ne peut être réduite aux objectifs définis par cette dernière.

Cependant, il y a lieu de noter que la notion de bien-être est une notion qui a été développée en psychologie du travail pour désigner la dimension positive relative à l’état de la santé psychologique dans le contexte et la vie au travail. L’OMS décrit «le bien-être comme étant un ressenti, et donc, c’est une évaluation subjective personnelle». Dès lors, il s’agit de la situation vécue par les travailleurs dans laquelle se joignent la satisfaction des besoins et les comportements de prévention eu égard aux risques psychosociaux. Ainsi, il ne s’agit pas de ce cas de figure, mais d’une transposition notionnelle indéterminée vers le contexte du vécu sociétal. Bien que cette évaluation avec la mesure de la satisfaction a tenté, de manière indirecte, de traduire cet état psychologique, alors qu’une évaluation animée par une visibilité conceptuelle et méthodologique est la mieux qualifiée pour y répondre, en ce sens que cela exige un autre mode d’investigation que peut supporter une étude et qui reste différent de celui opéré par l’enquête.

A signaler, dans ce cadre, qu’avec la médiatisation de ce rapport dans une optique de la culture du bonheur on tombe des nues. Vu qu’il a été dit que le sens du bonheur des Marocains est pour une fois dévoilé. Ainsi, la question qui se pose, et non des moindres, quant à la logique de ce qui a été visé par l’enquête, s’agit-il du bien-être comme objet de perception, car il paraît que les questionnaires ont porté sur cet aspect, ou cela concernait le bien-être en tant que vécu ? Il faut souligner que l’écart reste important entre la perception de la réalité et la réalité elle-même telle que vécue. En l’occurrence, c’est le type d’approche entreprise qui peut résoudre cette équation entre perception et vécu, pour rendre compte de la réalité traduisant le bien-être. Par ailleurs, l’imprécision de la notion de satisfaction, d’autant plus que la traduction en arabe, notamment en dialecte (car on suppose que c’est la langue véhiculaire de l‘enquête), rend son usage beaucoup plus diffus et polysémique. Aussi, de l‘observation des résultats de l’enquête, par exemple les degrés «peu» et «pas satisfait» sont réunis pour signifier «même sens», or non seulement il y a écart mais également ils sont nuancés dans leurs portées psychologiques et culturelles en termes de satisfaction, les expressions très fréquentes en disent beaucoup quant au sens de «peu satisfait» qui peut se confondre avec la qualité de sobriété connotée de spiritualité «hamdoliallah» caractérisant le comportement de beaucoup de monde. Avec cette logique, et qui est assez répandu en société, beaucoup plus en milieu rural qu’en milieu urbain, la représentation sociale du bien-être revêt une autre dimension (spirituelle) non considérée par l’approche adoptée depuis les textes de référence.

En outre, les données en disent beaucoup sur le sujet tel que traité dans sa généralité et devraient interpeller tout un chacun concerné par le développement de la société. En moyenne, selon l’enquête, la satisfaction s’exprime chez une proportion d’environ un tiers de la population, ce qui laisse beaucoup à désirer et traduit une situation pour le moins inconfortable et qui reste, osons le dire, confrontée aux conjonctures dont la misère est un facteur pesant. De même que c’est une situation qui paraît conclure à un déficit et maintenir l’état de la société dans la condition de crise, car il est question de la condition humaine qui est soulevée et non pas les conditions économiques ou technologiques. Cependant, l’un des enseignements majeurs de l’enquête, qui prêtent à une certaine inquiétude quant à la représentation de la vie sociale et communautaire à l’époque actuelle, ainsi que les options qui se présentent pour l’avenir et pour les générations futures de la population marocaine. On se demande sur la pertinence d’une telle enquête dans une société en mutation et dont les principaux secteurs retenus comme dimensions sources de bien-être sont traversés par des crises. Cet état de fait a bien affecté les représentations des populations et à, certainement, biaisé les réponses de l’échantillon de l’enquête.


Interprétation des données statistiques, par le professeur Rachid Bekkaj, enseignant chercheur,
Doctorat d’État en sociologie politique

« Relativement aux conditions dans lesquelles il se trouve, tout ce à quoi l’individu pense, c’est de trouver une sortie à son labyrinthe social»

Selon des études sociologiques précédentes, trouver son chemin vers une solution reste pour le Marocain un problème personnel. Il est donc essentiel pour lui d’élaborer des comportements en fonction de telle ou telle situation. Le dépannage social en est le cas comme il a été désigné dans d’autres études comme suivant : Le dépannage social comme mécanisme social interactionnel prend toutes les formes sociales imposant le compte sur soi malgré qu’il soit privé de tout moyen. Relativement aux conditions dans lesquelles il se trouve, tout ce à quoi l’individu pense, c’est de trouver une sortie à son labyrinthe social. Avec le dépannage social, il tente de trouver une issue à ses problèmes et à ses souffrances. En ce sens, le dépannage prend la forme d’une stratégie sociale où tout est permis : chez la femme, il prend la forme de séduction, de l’acceptation obligée, de la provocation sexuelle et de l’humiliation. Tandis que chez l’homme, il devient hypocrisie, manigance et corruption, falsification et vol après avoir épuisé ou échoué l’utilisation des proches, des connaissances et des intermédiaires.

Dans ce sens, le dépannage social est considéré comme un abus de tous les moyens capables de faire sortir un sujet de sa crise sociale. Autrement dit, compter sur ses propres moyens et sur ce qui a été ressorti par l’accumulation interactionnelle afin de l’utiliser au moment opportun. Dans cet état de fait, il y a une situation à deux pôles : le sujet qui n’a rien à présenter et se trouve dans une situation de faiblesse, et l’autre qui exige des concessions et qui se trouve dans une position de supériorité. C’est à cause de cette situation que le dépannage social est aussi une équation. D’un autre côté, pour un peu plus des ¾ des citoyens (76%), le bien-être de la vie familiale et l’environnement social sont conditionnés par la disponibilité des infrastructures sociales.

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