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«Les coopératives manquent cruellement de managers»

Les Nations unies ont proclamé 2012 Année internationale des coopératives. Une manière de valoriser un modèle économique alternatif, qui cherche à combiner productivité et responsabilité sociale. Ces dernières années, leur chiffre d’affaires global a dépassé
1 000 milliards d’euros, dans des secteurs aussi divers que l’industrie, le commerce, l’agriculture, la banque ou l’assurance. Cela va des plantations de cacao des pays du Sud à des équipes de football comme le FC Barcelone, en passant par des cas plus inattendus comme les chasseurs de serpents en Inde ou les producteurs de parmesan en Italie.

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Le Matin : Le 2012, c’est l’Année internationale des coopératives, dont la devise serait «faire ensemble, pour l’ensemble» et qui prône la sécurité d’existence pour tous. Un mot sur la philosophie et les valeurs des coopératives ?
Ahmed Aït Haddout : La coopérative est une entreprise de personnes, et non de capitaux, créée volontairement par ses membres en vue de satisfaire, exclusivement, leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels. Elle est fondée sur des valeurs et des principes universels de solidarité, d’égalité, de démocratie, d’équité, de transparence et de responsabilité à l’égard de la communauté et de la société, y compris des générations futures et de l’environnement. La coopérative est donc une entreprise collective appartenant à ses membres, dans l’indivision, mais qui ne se confond pas avec la propriété privée de chaque membre. La responsabilité du membre est limitée aux parts qu’il a souscrites au capital de la coopérative.

Emmanuel  Kamdem, invité par la Fondation CDG, vient de donner une conférence sur «la contribution à la réflexion sur la stratégie de promotion des coopératives». Qu’en avez-vous retenu ?
Emmanuel Kamdem, qui est «le spécialiste principal des coopératives» au BIT et le secrétaire général de l’Institut panafricain de développement, que nous connaissons depuis longtemps, se trouve au Maroc pour l’inauguration du 5e Institut panafricain de développement pour l’Afrique du Nord, a donné une intéressante conférence dans laquelle il a mis l’accent sur le rôle que les coopératives ont joué face aux effets de la crise mondiale financière et économique qui sévit depuis 2008. Il a insisté sur la nécessité de l’appui des pouvoirs publics dans leurs politiques aux coopératives comme cadre approprié pour une répartition moins injuste des fruits de la croissance dans le continent africain. Il a incité les pouvoirs publics à prendre en compte la Recommandation 193 du BIT de 2002 sur «la promotion des coopératives qui peut constituer un modèle alternatif». Pour lui, une coopérative c’est «quand des personnes s’unissent pour créer de la richesse sur une base démocratique et que cette richesse est redistribuée sur un mode équitable».
«C’est un modèle, dit-il, qui réunit la logique de marché et l’inclusion sociale, en mettant la solidarité au centre des intérêts, précise l’expert. Certes, la coopérative doit toujours dégager un bénéfice pour garantir la croissance sociale et économique de ses membres, mais le but n’est pas de maximiser les profits».

Vous avez vous-même plaidé pour un cadre juridique pour la promotion et le développement du mouvement coopératif : où en est le mouvement coopératif ? Quelles sont les régions les plus représentatives en coopératives au Maroc ? Quels domaines d’économie couvrent-elles ? Comment les promouvoir ?
Il est vrai que la loi sur les coopératives au Maroc remonte à 1985, et qu’aujourd’hui, notamment depuis que l’Organisation internationale du travail a adopté en 2002 la Recommandation 193 sur la promotion des coopératives, destinée à tous les états du monde en remplacement de la Recommandation 127 de 1966, qui s’adressait uniquement aux pays en voie de développement, il s’impose de réviser la loi régissant les coopératives au Maroc. La révision devra essentiellement toucher les procédures de constitution, l’accompagnement des petits producteurs et des travailleurs dans l’informel (jeunes et des femmes) dans divers domaines liés aux services. Les coopératives dans le domaine de l’habitation, de l’épargne et du crédit, du gardiennage, des services à domicile et à la personne, de l’éducation, de la formation et de l’enseignement, de la langue amazighe et des langues étrangères : le chinois, le coréen, le japonais.
L’accompagnement et le contrôle rigoureux des secteurs productifs ne doivent pas être en reste. Beaucoup de coopératives ont fait l’objet d’abus et de mauvaise gestion au détriment des petits producteurs.

Je cite, entre autres, les coopératives céréalières, maraîchères, les huileries, etc. Je dois dire qu’à côté de quelques réussites dans le sud, notamment dans la région du Souss-Massa, nous assistons à beaucoup de gâchis. Que faire donc ? Commencer par un véritable accompagnement et doter les coopératives de cadres formés dans le domaine du management des coopératives. Les coopératives ont besoin de compétences particulières et le Réseau marocain de l’économie sociale et solidaire essaie de contribuer, dans la mesure du possible, à combler ce vide à travers l’Institut panafricain de développement pour l’Afrique du Nord, qui vient d’être inauguré le 3 mai à Salé, grâce à un partenariat impliquant l’INDH, le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, l’Agence de développement social et l’Entraide nationale.

On assiste avec la crise financière et écologique à un regain d’intérêt pour les formes de coopératives qui mettent davantage l’accent sur les biens communs et le vivre ensemble : comment peut-on essaimer ces structures ? Celles-ci répondent-elles à nos us et coutumes au Maroc ?
On assiste, sous d’autres cieux, à des innovations en matière d’organisations sociales et diverses formes innovantes d’entreprises sont fondées sur la mutualisation des fonctions afin de réaliser des économies d’échelles et réduire certains intermédiaires inutiles et même parfois nuisibles. Mais pour ce qui nous concerne au Maroc, il s’agit surtout des formes qui respectent la liberté et l’autonomie de la personne et le partage de ce qui est difficile à l’individu de réaliser seul. Et je pense que l’expérience des coopératives d’habitation au Maroc, qui a été lancée au Maroc en 1978, a donné des résultats satisfaisants, en ce sens que ce secteur a été classé au deuxième rang après l’agriculture et loin devant l’artisanat.

Au sommet de Rio 2012, qui se tiendra au mois de juin, l’économie sociale et solidaire, qui joue un rôle social et écologique, sera-t-elle présente dans les débats ?
Oui, tout à fait. Le REMESS sera présent et participera au Sommet de Rio+20, car il est le coordinateur du Réseau africain de l’économie sociale et solidaire (RAESS), créé à Kénitra en octobre 2010 et membre du conseil d’administration du Réseau intercontinental pour la promotion de l’économie sociale et solidaire (RIPESS). Le REMESS a contribué à l’élaboration d’un document adressé aux chefs d’État à l’occasion d’une grande rencontre internationale, tenue à Chamonix en France en novembre 2011. C’était à l’initiative de l’association «les Rencontres du Mont Blanc».

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