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«Le gouvernement ne prépare pas un budget d’austérité»

Le ministre chargé du Budget, Idriss Azami Al Idrissi, véhicule un discours rassurant, malgré les aléas de la conjoncture internationale. Selon les prévisions actuelles, le taux de croissance se situerait en 2013 entre 4 et 5%.

«Le gouvernement ne prépare pas un budget d’austérité»
Idriss Azami Al Idrissi. Ph. Kartouche

Le Matin : Le Maroc traverse une conjoncture spéciale marquée par les aléas de la crise économique. Des indicateurs alarmants ont été présentés aux parlementaires. Que fait le gouvernement pour répondre aux défis de la conjoncture ?
Idriss Azami Al Idrissi : Certes, le Maroc subit une conjoncture internationale et européenne très difficile. Une récession s’est même installée dans l’Union européenne avec laquelle nous avons des liens étroits sur le plan économique et commercial. Plus de 60% de nos échanges extérieurs se font avec l’UE. À cela s’ajoute l’envolée des prix des matières premières. Nous subissons l’impact de la conjoncture extérieure à travers la contraction de la demande étrangère.
On note aussi des répercussions sur le déficit budgétaire ainsi que le déficit du compte courant de la balance des paiements en raison de l’envolée des  prix des matières premières.
Malgré cette conjoncture, nous ne sommes pas en récession. Le Maroc vit une croissance enviée par d’autres pays voisins et ceux qui vivent la récession. Cette année, on a réalisé 4,7% au niveau du PIB non agricole. Ainsi, nous disposons d’une dynamique interne. Cela est dû aux réformes lancées ces dernières années et aux projets mis en place. En outre, le gouvernement a été réactif par rapport à la conjoncture. Nous avons voté un projet de loi de Finances mettant l’accent sur la promotion de la demande intérieure tant sur le plan des investissements publics que du renforcement du pouvoir d’achat à travers la mise en œuvre des dispositions du dialogue social. Le gouvernement a agi sur le volet social à travers des mesures ayant touché le monde rural. Le but étant la promotion de la demande intérieure.
Outre cette politique volontariste du gouvernement, des secteurs porteurs ont donné leur fruit en termes d’impact sur la croissance comme le secteur aéronautique (15% de plus que l’année dernière au niveau de l’exportation) et celui de l’automobile. La dynamique interne est malheureusement freinée par la conjoncture internationale.

Dans le cadre du budget 2013, le même intérêt sera-t-il accordé aux potentiels internes ?
Dans le cadre du projet de loi de Finances, nous sommes sur la même dynamique. Par rapport à la conjoncture économique qui reste encore incertaine, en dépit de l’amélioration constatée, nous avons voulu dans le cadre du budget 2013 mettre l’accent sur nos potentiels internes. Cette loi de Finances sera celle de la compétitivité de l’entreprise, de l’emploi et du rééquilibrage social et spatial.


Ce sera un budget d’austérité ?
Non, ce ne sera pas un budget d’austérité. Le rétablissement des équilibres macro-économiques est un volet important. Ce n’est pas un luxe, mais plutôt une nécessité. Le gouvernement s’attelle de manière sérieuse sur ce volet qui conditionne l’investissement public, la politique sociale ainsi que la crédibilité du gouvernement vis-à-vis des citoyens et de la communauté internationale. L’investissement public reste un choix stratégique. On note deux composantes : l’investissement neuf pour les infrastructures sociales et services publics, outre une meilleure utilisation de l’investissement déjà engagé. Nous avons fait des investissements publics importants en termes de zones industrielles, agricoles et touristiques. Dans le cadre de la loi de Finances, le gouvernement s’attelle à rentabiliser ces investissements publics.
À côté de ce volet stratégique, la compétitivité de l’entreprise s’avère aussi un élément de la plus haute importance. Il s’agit de la facilitation de l’acte de l’investissement. Nous travaillons sur ce volet en partenariat avec la CGEM. On s’est penché sur le goulot d’étranglement des investissements publics en termes de facilitation des procédures, de la disponibilité du foncier…
Le travail va bientôt commencer avec la CGEM avec des objectifs précis, notamment la facilitation de l’acte d’investissement en allant vers des mesures concrètes et levant tous les obstacles. On a discuté de la facilitation des paiements pour les entreprises, ce qui est en relation avec les finances publiques. Il s’agit aussi de la commande publique en tant qu’acte de développement de l’entreprise nationale. Le choix s’est porté sur la compétitivité, car nous pensons que l’entreprise nationale est au centre du développement économique et social. Le gouvernement a un rôle d’accompagnement. L’objectif final porte sur la création de l’emploi et le renforcement de la croissance.

Quel chiffre a été arrêté pour les investissements publics en 2013 ?
Jusqu’à présent, le chiffre n’est pas encore définitif. Nous sommes encore en phase de concertation. Le travail entre le ministère et les différents départements a été achevé au niveau des budgets d’investissement et de celui du matériel et de fonctionnement. Mais l’arbitrage est en cours.

Quelles sont jusqu’à présent les hypothèses qui ont été retenues pour le budget 2013 ?
On n’a pas encore arrêté le prix du baril du pétrole. Mais, l’on sait déjà que ce sera au dessus de 100 dollars. Pour la croissance, on a plusieurs scénarios en fonction de l’année agricole et de la conjoncture internationale. Il faut avouer que ces dernières années, il est devenu très difficile de faire des prévisions, car chaque jour, on est démenti par la conjoncture. Même les institutions internationales révisent constamment leurs prévisions. Malgré cela, nous travaillons sur des scénarios. Le taux de croissance se situera entre 4 et 5%.

Ce taux n’est pas optimiste dans la conjoncture actuelle ?
Non, ce n’est pas optimiste par rapport aux efforts d’accompagnement et à l’évolution positive de la conjoncture internationale. Le déterminant est la composante agriculture. Le secteur agricole est devenu diversifié. La pondération de l’agriculture, qui dépend de la pluie est devenue faible par rapport aux autres composantes comme l’agroalimentaire et l’élevage. Les politiques poursuivies ces dernières années en termes de changement et de développement du secteur agricole ont porté leurs fruits.

Vous avez signalé que le projet de loi de Finances ne sera pas un budget d’austérité. Que prévoyez-vous au niveau des postes budgétaires ?
Le budget 2013 sera réaliste, prenant en compte la conjoncture internationale. Il répond également aux potentiels de croissance et d’emploi que nous devons chercher. Les besoins sont identifiés. Ces besoins émanent des administrations et répondent aux normes internationales. Les postes budgétaires répondront à des besoins précis et identifiés ainsi qu’à la logique de la rationalisation des dépenses. La lettre de cadrage est on ne peut plus claire.

Qu’en est-il de la promotion de l’emploi ? Un montant d’un milliard de dirhams a été attribué à cette stratégie. Mais jusque-là, qu’a-t-on concrètement fait ?
On travaille sur trois volets. L’emploi public se fera selon les règles établies par la loi. Au niveau du secteur privé, on a l’emploi qui découle de la croissance. D’où la nécessité de la rentabilisation des investissements publics. En effet, derrière ces investissements, se crée l’activité économique et de ce fait, l’emploi. À l’emploi public et celui du secteur privé, s’ajoutent les politiques actives de l’emploi auxquelles a été octroyé le montant d’un milliard de dirhams. Le même effort sera fait en 2013.

Des opérations concrètes ont été lancées à ce niveau-là ?
Des programmes sont en cours : l’intégration par la formation et l’insertion. Nous travaillons également sur le rapprochement du chemin entre l’entreprise et les demandeurs d’emploi en améliorant l’employabilité de ces chômeurs. Parfois, il manque peu pour que quelqu’un devienne opérationnel pour une entreprise. L’idée du gouvernement est d’aider ces jeunes à se former et à s’insérer à travers des stages financés. On a aussi le volet de l’allégement des charges de l’entreprise pour les encourager à embaucher.


Les premières mesures ayant trait à la réforme de la retraite seront-elles
perceptibles au niveau de la loi de Finances ?
En termes de mesures, il n’existe entre cette réforme et la loi de Finances que le lien d’impact financier. La réforme des retraites ne peut se faire que dans le cadre de la concertation. C’est une autre démarche. La commission technique a finalisé ses discussions. Il reste le travail de la commission nationale pour discuter des différents scénarios et prendre des décisions.


La réforme de la Caisse de compensation sera prête sur papier vers la fin de cette année. À quoi doit-on s’attendre au niveau du budget 2013 ?
Pour 2013, le montant de la caisse de compensation est en cours de discussion. Il est à signaler que le travail de la réforme se fait sur plusieurs aspects, notamment les différents circuits des prix. Le travail de concertation mené par M. Boulif est presque à sa fin.
Le ciblage des classes démunies et la préservation des classes moyennes sont au menu des réflexions. Il s’agira d’une stratégie globale. En plus du travail avec les opérateurs et celui d’identification, des études d’impact permettront de s’assurer que les différents scénarios sont équilibrés et d’identifier les mesures d’accompagnement. La réforme n’est pas facile.

Y aura-t-il des changements au niveau de la fiscalité en 2013 ?
Les changements ne seront pas majeurs. La véritable réforme du système fiscale sera faite à l’issue des assises qui permettront des discussions concertées avec les opérateurs et les intéressés sur les différents volets. Au niveau du budget 2013, il n’y aura pas un grand chamboulement du système fiscal.

Quelle évaluation faites-vous de l’impôt pour la solidarité qui a été instauré dans le cadre du budget 2012 ?
L’évaluation est très positive. Jusque-là, on a atteint le chiffre de 1,8 milliard de dirhams avec la participation de 190 entreprises qui ont répondu aux critères. On avait prévu pour le fonds 2,5 milliards de dirhams, dont deux milliards de participations solidaires des entreprises.

Ce sera maintenu pour 2013 ?
Ce que je peux assurer pour le moment, c’est le maintien du fonds. Il sera pérennisé. La lettre de cadrage du chef du gouvernement l’a clairement précisé. Il faut pérenniser les recettes du fonds, car il répond à des besoins importants ayant trait à la cohésion sociale. Ainsi, nous travaillons sur les différents scénarios pour la pérennisation des recettes de ce fonds.

Le problème de liquidité se creuse au Maroc. Que faut-il faire à ce niveau-là ?
Bank Al Maghrib a baissé la réserve obligatoire de 6% à 4%. Le problème de liquidité existe. Mais, l’intervention de Bank Al Maghrib doit être remise dans son contexte. Ce qui est en train d’être fait ailleurs est énorme. La Réserve fédérale américaine, depuis le début de la crise en 2008, a injecté plus de 3 000 milliards de dollars. Au Maroc, la Banque centrale est dans son rôle. Elle est réactive par rapport à ce qui se passe dans le marché pour répondre aux besoins du financement. Il ne s’agit pas d’une situation de crise. Certes, il existe un manque de liquidité, mais nous avons les moyens pour y répondre.

La loi organique des Finances a tardé à voir le jour. Où en est le projet actuellement ?
Au niveau du gouvernement, nous avons déjà commencé à travailler avec l’esprit de la réforme. Des méthodes ont été déjà appliquées. Le texte est fondateur par rapport aux finances publiques. Nous voulons qu’il soit le fruit d’étroites concertations avec le Parlement. Nous avons institué une commission avec la Chambre des représentants et celle des conseillers. Nous avons beaucoup avancé au niveau de la première Chambre. L’idée est d’aller vers le processus législatif avec un texte déjà emprunt de la touche parlementaire. Le président de la commission des finances de la Chambre des représentants a déjà commencé à recevoir les mémoires des différents groupes parlementaires. Après cette démarche participative, le texte sera mis dans le circuit législatif.

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