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Le président de l’Institut CDG, Anass Houir Alami, présente la synthèse conclusive du colloque

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• La protection sociale est un investissement productif : le paradigme de référence de la protection sociale a profondément changé ces dernières années. Il existe aujourd’hui un consensus autour du fait que la protection sociale n’est pas simplement une charge financière pour la société, elle constitue surtout un investissement productif qui est un facteur essentiel de développement humain et économique à long terme.
Un système de protection sociale efficace et inclusif permet de renforcer la résilience des individus face aux risques de la vie, de lutter contre l’exclusion et joue le rôle de stabilisateur social dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel et volatile.

• L’extension de la protection sociale est possible dans les pays en développement. Des pays émergents et des pays à bas revenus ont mis en place des systèmes innovants et efficaces garantissant un filet de sécurité sociale à leur population (en Amérique latine, en Afrique, en Asie et de plus en plus dans la région MENA). Il existe aujourd’hui un large menu d’options disponibles pour les gouvernements qui se donnent pour objectif d’étendre leur système de protection sociale.

• La protection sociale au Maroc traverse une période charnière, pleine de défis et d’opportunités : des progrès notables ont été réalisés ces dernières années en matière de réduction de la pauvreté (INDH, Tayssir, AMO, RAMED etc.), mais les efforts qui restent à faire sont considérables pour bâtir un système de protection sociale plus moderne et garantissant une couverture au plus grand nombre. Celui-ci devra répondre aux nouveaux défis qui émergent, comme le vieillissement de la population et la montée des aspirations sociales.

• Il n’existe pas de modèle universel que l’on pourrait répliquer. Le Maroc devra donc construire un système proprement marocain adapté aux caractéristiques du pays. Néanmoins, les travaux réalisés dans les ateliers ont permis d’identifier quelques grands principes qui peuvent éclairer utilement les orientations stratégiques du Maroc. Ces enseignements peuvent être synthétisés en 5 conditions fondamentales qui doivent être réunies pour réussir l’extension de la protection sociale :

Première condition

Passer d’un système de protection sociale fragmenté à un système cohérent et harmonisé : plusieurs pays en développement, comme le Maroc, connaissent une fragmentation élevée du système des retraites, du système d’assurance médicale et des programmes sociaux ciblant les populations démunies.
Pour réussir l’extension de la protection sociale, il est essentiel de réduire significativement cette fragmentation dans le cadre d’une vision systémique, permettant de mettre en cohérence le système, tout en renforçant son efficacité et son équité. Pour les retraites, cela implique de s’orienter, progressivement et dans le cadre d’une large concertation sociale, vers un régime général, en réduisant les régimes spécifiques, régime dans lequel tous les travailleurs sont soumis aux mêmes règles de manière équitable. L’Italie a été présentée comme l’un des pays qui ont réussi cette transition.
De même pour l’assurance santé, un système plus cohérent permettrait d’aligner les régimes particuliers sur des règles communes et équitables. La Turquie est un exemple de pays ayant réussi cette transition. Enfin, les programmes sociaux méritent également d’être intégrés dans un système harmonisé, avec par exemple la mise en place d’une base de données unique des bénéficiaires, comme c’est le cas au Brésil.

Deuxième condition

Assurer la pérennité financière du système : l’expérience internationale suggère que l’extension de la protection sociale n’est pas envisageable sans un financement adéquat. Les droits sociaux doivent faire l’objet d’une tarification adéquate. Et lorsque cette tarification n’est pas suffisante, le financement doit faire l’objet d’une prise en charge budgétaire pour éviter de compromettre la viabilité du système à long terme.
Au Maroc, la question majeure est celle du financement du système des retraites qui n’est pas soutenable aujourd’hui. Les études présentées dans les ateliers ont souligné l’urgence d’une réforme globale du système des retraites. Parmi les pistes de solutions intéressantes à étudier figure celle des comptes notionnels, mises en place en Suède et en Italie, ainsi que dans des pays émergents tels que la Pologne. L’Égypte a également préparé un projet pour adopter un tel système, mais qui n’a pas encore été mis en œuvre. Le principe des comptes notionnels est de basculer d’un système de prestations définies à un système de cotisations définies.
Ces prestations sont calculées de sorte que le système soit en permanence viable financièrement, tout en garantissant une plus grande équité. La question spécifique qui se pose au Maroc est celle de la gestion des droits non financés hérités de l’ancien système. Des études plus approfondies et une concertation avec les partenaires sociaux seraient nécessaires pour apprécier l’impact de cette transition.

Troisième condition

Étendre progressivement la couverture. L’extension de la protection sociale est un projet de long terme. L’expérience internationale montre que l’incorporation de certains groupes difficilement atteignables, tels que les travailleurs indépendants et les travailleurs de l’informel se fait de manière progressive. Il est néanmoins possible d’accélérer ce processus en rendant le système plus attractif. À cette fin, il convient de prendre en compte les spécificités de ces groupes, en leur offrant des produits adaptés, en proposant un accès facilité (dans certains pays, comme le Kenya, cela se fait à travers le téléphone portable), en conduisant des actions de sensibilisation, et en améliorant substantiellement la qualité de l’offre de services publics.

Quatrième condition

Développer des capacités institutionnelles pour réussir le ciblage : plusieurs pays ont mis en place des programmes sociaux ciblés pour étendre la protection sociale à des groupes particulièrement vulnérables et exclus du système conventionnel.
Le Chili, par exemple, a mis en place avec succès un système de transfert monétaire qui touche l’ensemble des pauvres et des vulnérables, ce qui a permis d’éradiquer la pauvreté extrême. Le Maroc a également pris ce chemin, avec notamment le programme Tayssir pour lutter contre la déperdition scolaire et le RAMED pour offrir une couverture maladie aux plus démunis.
Cette logique devrait s’amplifier dans les prochaines années, avec la réforme de la compensation qui permettra de libérer des ressources pour financer des aides financières ciblées. L’enjeu crucial aujourd’hui est de développer des capacités institutionnelles suffisantes pour garantir la réussite de ces programmes et pouvoir à terme les enrichir. Cela implique de mettre en place une procédure de ciblage fiable, de constituer une base de données unique de bénéficiaires, de renforcer l’efficacité administrative et d’institutionnaliser des mécanismes de suivi-évaluation.

Cinquième condition

Disposer d’un leadership politique fort et bâtir un consensus autour des réformes : dans tous les pays, l’extension de la protection sociale nécessite de prendre des décisions courageuses qui suscitent parfois la résistance des groupes qui se sentent défavorisés par les réformes. Plusieurs pays ont toutefois réussi à surmonter ces obstacles, grâce à un leadership politique fort et un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux. Il est essentiel de communiquer au public une vision claire des objectifs de la réforme, en insistant sur la notion d’équité. Au Maroc, c’est tout l’effort qui est mené aujourd’hui pour conduire la réforme de la compensation, et c’est aussi l’effort qui sera nécessaire à l’avenir pour réussir la réforme des retraites.

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