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La «kafala» au cœur d’une nouvelle polémique

Les associations dénoncent le projet d’amendement de la loi 15-01 visant à compliquer davantage, selon elles, les procédures de prise en charge des enfants abandonnés.

La «kafala» au cœur d’une nouvelle polémique
20% des familles d’accueil marocaines ramènent l’enfant “makfoul” après quelques années de prise en charge.

Alors que la circulaire 40 S/2, publiée par le ministère de la Justice et des libertés fin 2012 sur la «kafala» accordée aux étrangers, continue de faire débat au sein de la société civile, le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD) vient de déposer un projet d’amendement de la loi 15-01, relative à la prise en charge (la «kafala») des enfants abandonnés, en proposant des modifications qui tendent à interdire la «kafala» aux étrangers de manière définitive et empêchent même les Marocains résidant à l’étranger (MRE) de prendre en charge des enfants de moins de 12 ans.

«Nous avons pris la décision de déposer ce projet d’amendement de la loi 15-01 pour faire face aux mafias qui font commerce de nos enfants abandonnés et qui les vendent à l’étranger. Ces criminels sont composés de deux catégories de personnes : les hors-la-loi et ceux qui profitent des lacunes de la loi. C’est dans cet esprit que nous avons pensé à ces modifications», explique Mohamed Ben Abdessadek, parlementaire du PJD.
Les modifications apportées par ledit projet de loi, déposé auprès du Parlement en février dernier et qui est en cours de première lecture par la commission de la Justice, de la législation et des droits de l’Homme, concernent les articles 2, 9, 17, 22 et 24. Il en ressort que le groupe parlementaire PJD estime qu’il est essentiel que le «kafil» s’engage, non seulement à prendre en charge la protection, l’éducation et l’entretien d’un enfant abandonné, mais aussi à veiller à la protection de l’identité de cet enfant et les valeurs qui constituent cette identité, ainsi que d’assurer la sécurité de l’enfant. Mais ce qui suscite la polémique au sein de la société civile, ce sont les modifications apportées dans les articles 9 et 24 et qui prévoient l’obligation de la nationalité marocaine chez le «kafil» et l’interdiction de voyager à l’étranger avec un enfant de moins de 12 ans, sans avoir passé au moins deux années au Maroc.

«Il n’est pas question de donner nos enfants aux étrangers. Au moins, un partenaire dans le couple ayant déposé la demande de la “kafala», doit avoir la nationalité marocaine. En plus du fait que le couple doit être installé au Maroc et qu’au moins l’un d’eux ait un centre d’intérêt connu dans le pays pendant cinq ans», souligne Ben Abdessadek. Et d’ajouter : «Pour ce qui est de l’article 24 qui autorise le couple “kafil” à voyager à l’étranger, nous avons jugé important de compléter cet article par une condition d’installation au Maroc pendant deux ans, si l’enfant a moins de 12 ans».
En d’autres termes, le «kafil» ne pourra pas partir à l’étranger avec le «makfoul», âgé de moins de 12 ans, immédiatement après la décision du juge, mais doit vivre durant deux ans au Maroc. «L’essentiel pour nous est de protéger nos enfants», affirme le parlementaire.

Une bonne intention qui ne convainc pas les associations qui dénoncent le phénomène des enfants abandonnés. «Ce projet de loi vient alourdir davantage les procédures de la “kafala” et ceci n’est pas dans l’intérêt des enfants. Nous n’avons pas assez de centres pouvant accueillir dans de bonnes conditions ces enfants. Il faut savoir que les chiffres de mortalité des enfants abandonnés dans les centres d’accueil sont non négligeables et quand les enfants sont jetés à la rue à l’âge de 18 ans, ils deviennent presque des délinquants. L’enfant a droit au mieux que de mourir dans un centre. La place naturelle d’un enfant est la famille.

À l’État de mettre en place les instruments nécessaires à la réalisation de cet objectif, dans les meilleures conditions. En aucun cas, la défaillance de l’État ne doit être un argument pour priver un enfant de son droit. Compliquer les procédures de “kafala” n’est pas une solution», fustige Fatima-Zahra Alami, porte-parole du Collectif «Kafala» Maroc. Et de préciser : «Nous ne voulons pas non plus que nos enfants soient confiés aux étrangers, mais il ne suffit pas d’interdire la “kafala”, il faut proposer des alternatives. Il faut que le gouvernement assume ses responsabilités et développe des conventions qui nous lient avec ces pays pour pouvoir assurer un suivi en bonne et due forme». Concernant la «kafala» assurée par les familles marocaines, le collectif assure qu’elle n’est pas meilleure. «20% des familles d’accueil marocaines ramènent l’enfant “makfoul” après quelques années de prise en charge, ce qui détruit l’enfant. Aussi, une importante proportion d’enfants pris en charge par ces familles est victime d’exploitations, de tout genre, par leurs familles d’accueil. Le suivi n’est donc même pas assuré au Maroc. Le devenir de ces enfants confiés à des familles marocaines sans aucun encadrement, n’a fait l’objet d’aucune étude», indique Mme Alami.

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