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«Le Sahel et le Maghreb à la croisée des chemins»

Dans l’excellent dossier publié le 31 mai 2013 par le journal «le Monde» consacré à «l’Algérie : comment préparer l’après-Bouteflika», l’analyse de Mohamed Chafik Mesbah, politologue, officier supérieur en retraite de l’ANP, retient l’attention. «Un spectre, écrit-il, de menaces pèse sur l’Algérie, risque de dislocation de la cohésion sociale, risque d’amputation de l’intégrité territoriale…»

«Le Sahel et le Maghreb à la croisée des chemins»
L’essor urbanistique qu’a connu la ville de Laâyoune en fait un modèle pour les autres provinces du Sud.

Ce dernier risque, celui de l’amputation de l’intégrité territoriale avait fait l’objet, fin mars, d’une émission spéciale de la Chaine algérienne A 3 réunissant historien, politologue, anthropologue sous la tente et où une juriste rappelait l’histoire récente des tentatives d’amputation de la colonisation et les risques des Touaregs revendiquant un État dans la région du Sahel. Le risque existe, celui d’une dislocation des frontières sous les coups de boutoir des forces profondes ethniques, comme il existe dans toute la région du Maghreb. Faute d’une rupture politique, faute d’une édification de l’Union du Maghreb, faute d’un Maghreb et d’un Sahel des régions, «la pièce est écrite», celle d’une implosion régionale avec ses conséquences dramatiques sur les peuples de la région.

M’hamed Zriouli décrypte et analyse pour nous l’opportunité qu’apporte «l’initiative d’autonomie de la région du Sahara». Une opportunité également soulignée par l’Union européenne qui a salué le travail du CESE qui planche sur le modèle de développement régional pour les provinces du Sud qui s’inscrit dans le cadre d’une régionalisation avancée et du bien-être social économique et culturel des populations locales. Le Maghreb des régions, c’est la solution pour les peuples du Maghreb et pour les générations du futur fatigués par une mise sous scellé des frontières et par un antagonisme anachronique et totalement dépassé. Entretien avec M’hamed Zriouli, économiste, titulaire d’un doctorat d’État sur l’«Édification de la région économique au Maroc (1996)».

En 2010, il a été nommé par S.M. le Roi Mohammed VI membre de La Commission consultative de la régionalisation présidée par Omar Azziman. Il est l’auteur d’un ouvrage paru en 2012 sur «Pouvoirs régionaux, États nationaux et UMA : quelle autonomie régionale ? Pour quelle unité nationale et quelle intégration maghrébine à l’ère des transitions démocratiques ?»

Le Matin : Dans le monde arabe, mais aussi en Afrique, on note un mouvement de fond de sécession, comme au Soudan, ou des processus de fragmentation comme toutes ces tentatives en Libye. Les pays du Sahel sont également inquiétés, mais ils ne sont pas les seuls. Il y a cependant, dites-vous, des possibilités de maintenir l’État unitaire, tout en répondant aux droits des populations. Dans ce sens, la proposition d’autonomie de la région du Sahara peut être une solution et un cas d’école duplicable dans d’autres régions ?
M’hamed Zriouli : L’Initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara dans le cadre de la souveraineté nationale, présentée le 11 avril 2007 au SG des Nations unies, est une réelle opportunité de règlement du conflit et constitue ainsi un compromis historique régional pour une refondation géopolitique du Grand Maghreb basée sur l’accélération des transitions démocratiques, la normalisation des relations interétatiques et la construction politico-économique de l’espace maghrébin et pour l’édification d’un espace euro-méditerranéen pour le développement, la coopération et la paix. Cette initiative d’autonomie régionale unitaire est un prototype transposable pour sauvegarder l’unité des États de la région face à la montée des risques géostratégiques et des menaces pour la stabilité du Maghreb et de l’ensemble de la région sahélo-saharienne.
Le processus de développement et d’intégration des régions sahariennes sera accéléré et approfondi, soit dans le cadre de la mise en œuvre du modèle marocain de régionalisation élargie sur l’ensemble du territoire national, soit par la concrétisation de l’Initiative marocaine d’autonomie pour la région du Sahara, une fois négociée comme solution politique de compromis et mode d’exercice de l’autodétermination conforme à la légalité internationale.
La convergence unitaire de ces deux options au niveau de la nation, de l’État et du territoire, plaide en faveur d’une approche globale duale du modèle marocain de régionalisation avancée. Celle-ci est fondée sur une approche politico-institutionnelle, avec un statut général de collectivités territoriales décentralisées obéissant aux dynamiques de la décentralisation approfondie et de la régionalisation élargie applicable à l’ensemble des régions, à l’exclusion des régions sahariennes, auxquelles on appliquerait un statut spécifique d’une autonomie régionale poussée, conformément à l’Initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007 au SG des Nations unies.
Elle est également fondée sur une approche socio-économique à quatre vecteurs avec la région collectivité territoriale décentralisée, le centre économique de décision, le vecteur d’intégration maghrébine et le vecteur de la coopération décentralisée internationale.
Cette approche de la régionalisation avancée à doubles canaux et voies possibles – à l’exclusion de toute autre troisième voie – est la seule approche pragmatique qui puisse fonder un compromis politique historique acceptable pour le règlement définitif du différend du Sahara, dans le respect des impératifs de la légitimité et de la souveraineté nationale, des exigences de la légalité internationale et des nécessités de l’intégration maghrébine et euro-méditerranéenne.
«Le Maghreb des régions» deviendra une ambition collective dont la réalisation passe par la consécration des pouvoirs régionaux unitaires décentralisés ou autonomes, la rupture avec les velléités centralisatrices et les hostilités balkanisatrices du passé et l’affirmation d’États modernes, démocratiques, décentralisés et croyant aux vertus de l’intégration maghrébine. La relance de l’Union Maghrébine «par le haut» et «par le bas» ne peut que renforcer les capacités collectives en matière de développement, de gouvernance démocratique, de sécurité globale du Maghreb et de la région du Sahara et du Sahel et d’intégration dans le système capitaliste libéral mondialisé et globalisé.

Autonomie du Sahara et stabilité des États de la région

Vous présentez cette Initiative d’autonomie comme un compromis entre la légalité internationale et la réalité politique nationale et régionale. C’est en fait le résultat d’un long processus et de confrontations juridiques et politiques ?
Faisant l’amalgame entre un système de protectorat et un système colonial, avec l’aval des Nations unies, la séparation et l’annexion du Sahara du reste du Maroc par l’Espagne, ex-puissance occupante, pour éviter sa rétrocession immédiate, a constitué une erreur qui a été exploitée par les ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc pour opérer une interprétation de la légalité internationale en matière de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et des options possibles d’autonomie. Les bons offices de l’ONU ont débouché sur la mise en place de la Minurso pour surveiller le cessez-le-feu et superviser le référendum et sur la proposition de plusieurs projets infructueux de règlement entre 1988 et 2003. À la suite de l’arrêt total en 2003 des activités de la Minurso liées au référendum, du fait de l’inexistence des conditions objectives et permissives de sa réalisation, l’idée d’accorder une autonomie à la région du Sahara pour la négociation du règlement du différend avait été évoquée par le Maroc, dans sa lettre de réponse finale, à propos du Plan de paix, à l’envoyé personnel du SG des Nations unies (du 09-04-2004), dans laquelle il insistait notamment sur «l’exclusion de l’option de l’indépendance du Plan de paix, et réaffirmait solennellement sa disponibilité à négocier un règlement définitif au travers d’un statut d’autonomie viable pour la région du Sahara dans le cadre de la souveraineté nationale au bénéfice de la paix et de la stabilité de tous les États du Maghreb». Cette proposition, réitérée par le Maroc dans le mémorandum adressé le 24 novembre 2004 au SG des Nations unies, a mis en avant la responsabilité de l’Algérie en tant que partie au conflit exerçant une tutelle sur le polisario et allant jusqu’à proposer en 2001 une partition du territoire du Sahara avec le Maroc (quatrième voie).
Le Maroc a souligné les dérives de l’ONU dans le cadre du Plan de paix, du fait qu’elle a opéré une interprétation sélective de la légalité internationale en matière de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cette légalité ne se limite pas à la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 proclamant le droit à l’autodétermination sur la base d’une consultation démocratique librement consentie et sans référence expresse à l’organisation d’un référendum, mais englobe également la Charte des Nations unies, notamment le chapitre VI relatif au règlement pacifique des différends et le chapitre XI portant sur la Déclaration relative aux territoires non autonomes. À ce propos, la résolution 1541 (XV) du 15 décembre 1960 de l’ONU (renseignements sur les territoires non autonomes) précise que la pleine autonomie revêt trois formes différentes : l’indépendance, l’association à un État indépendant et enfin l’intégration dans un État indépendant. Quant à la résolution 2625 (XXV) du 24 décembre 1970 de l’ONU, portant sur la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États, elle précise que l’exercice de l’autodétermination revêt les options de l’indépendance, de l’association ou de l’intégration, aussi bien que l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple, comme des moyens pour ce peuple d’exercer son droit de disposer de lui-même.
Dès lors, la «proposition d’une autonomie négociée» s’intègre parfaitement dans le cadre d’une interprétation judicieuse de la légalité internationale en matière de règlement du différend du Sahara, qui ne se réduit en aucun cas à la résolution 1514 (XV, 1960) prévoyant l’autodétermination, mais englobe, entre autres, la Charte des Nations unies, particulièrement le Chapitre VII (action en cas de menaces contre la paix) et le Chapitre VI (règlement pacifique des différends). Sur cette base, l’ONU considère que le dépassement de l’impasse actuelle passe par le recours à des négociations directes sans conditions préalables pour trouver un compromis entre la légalité internationale et la réalité politique sur le terrain susceptible de se traduire par une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable.

Le Maroc a présenté le 11 avril 2007, au secrétaire général des Nations unies, l’Initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie pour la région du Sahara, l’autre partie maintenait sa proposition relative au référendum d’autodétermination. On se souvient de la phrase du Roi Hassan II sur «le timbre et le drapeau». En fait quand on se penche sur cette Initiative, force est de constater qu’elle va très loin ?
L’Initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie pour la région du Sahara vise à accorder un statut spécifique d’une large autonomie pour la région du Sahara, dans le cadre de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale du Maroc, qui la dotera de compétences exclusives, de ressources humaines et financières et d’organes pour la gestion démocratique de ses affaires, avec un gouvernement régional dirigé par un chef de gouvernement élu par un parlement régional, lui-même élu par les chefs de tribus et par la population, en plus de juridictions indépendantes, d’un tribunal supérieur régional et d’un conseil économique et social. L’État conservera ses compétences exclusives en matière d’attributs de la souveraineté (monnaie, drapeau, compétences constitutionnelles et religieuses du Roi, sécurité, défense et intégrité territoriale, relations extérieures, ordre juridictionnel du Royaume) et qui seront exercées par un délégué du gouvernement...
Il reste que des questions se posent quant à la délimitation des périmètres des négociations directes entre les parties et quant à la nature des acteurs réellement concernés. Face à leurs responsabilités historiques dans le conflit du Sahara et aux impératifs de la transition démocratique et politique en Algérie, quel rôle positif peuvent jouer les responsables civils et les dirigeants militaires algériens dans les négociations directes avec le Maroc pour le règlement définitif du différend et pour la relance de l’Union maghrébine, particulièrement dans le contexte de la crise du Mali et des velléités séparatistes ou autonomistes des Touaregs du nord, mais aussi du sud algérien ? En matière de négociation de l’Initiative marocaine d’autonomie de la région du Sahara, comme mode d’autodétermination, quelles sont la représentativité du polisario et ses marges de manœuvre, face à l’emprise de la nomenclature militaire algérienne qui est une partie au conflit depuis la guerre des sables de 1963 ?
Ces questions importantes montrent la complexité et les enjeux des négociations pour le règlement définitif de ce différend hérité de la période de la guerre froide. En dépit de la conclusion d’un traité d’amitié et de bon voisinage avec le Maroc en 1969, d’une convention relative au tracé des frontières d’État entre le Maroc et l’Algérie en 1972 et de l’échange des instruments de ratification de la convention relative au tracé des frontières d’État en 1989, nos voisins n’ont cessé d’exacerber toutes les conflictualités, dans le contexte de la guerre froide et des confrontations idéologiques. Aujourd’hui, il faut dépasser cela…

Le modèle de régionalisation avancée : la solution de demain

Dépasser cela pour aller vers le Maghreb des régions, avec un modèle de régionalisation où la région devient à la fois un levier des démocraties locale et sociale et un levier de développement économique, ce qui nécessite une rupture politique. Où en sommes-nous et quel est le rôle de la région ?
Dans son discours historique à la nation le 3 janvier 2010 à Marrakech, à l’occasion de l’installation de la Commission consultative de la régionalisation (CCR), Sa Majesté le Roi a arrêté la philosophie et la doctrine générale qui doivent guider ses travaux en matière de conception d’un modèle marocain de régionalisation avancée, applicable à toutes les régions du Royaume.
Les recommandations et propositions de réformes du rapport élaboré par la CCR en 2010 visent la consécration de régions d’essence démocratique et vouées au développement régional intégré, tout en contribuant à l’amélioration de la gouvernance territoriale et à la modernisation des structures de l’État et à leur démocratisation. La conception générale du modèle de régionalisation avancée a tenté d’établir une économie générale de la réforme et d’élaborer une architecture d’ensemble basée, d’une part, sur une division de travail entre l’État stratège et régulateur et les collectivités territoriales et, d’autre part, entre les collectivités territoriales elles-mêmes, avec un rôle prééminent pour les régions, notamment en matière de planification stratégique régionale et nationale du développement et d’aménagement du territoire, à côté des walis des régions qui apporteront leur soutien en tant que représentants du gouvernement central et coordonnateurs de l’action des services extérieurs et des établissements publics sous la responsabilité des ministres concernés.
Parallèlement à la montée en charge du niveau régional et au fur et à mesure que se consoliderait l’action des municipalités et que se généraliserait progressivement l’expérience de l’unité de la ville aux grandes agglomérations urbaines sous condition d’efficacité avérée, le statut et les compétences du niveau intermédiaire seront réexaminés, selon la thèse de l’extinction programmée des assemblées préfectorales dans les agglomérations urbaines du fait de l’identité et de la confusion des espaces territoriaux communal et préfectoral, et selon la thèse du recentrage des compétences des assemblées provinciales sur la mise à niveau intégrée des communes rurales, dans les zones à dominante rurale et agricole.
Outre l’élection du conseil régional au suffrage universel direct et l’attribution de l’exécutif à son président élu par le conseil qui disposera d’une agence d’exécution des projets, le rapport propose l’élargissement du champ de compétence des régions avec des compétences propres, des compétences partagées et des compétences transférables, en liant les transferts de compétences et de ressources.
En plus de l’amélioration des recettes fiscales et financières des régions, la CCR a proposé la création de deux fonds : le Fonds de mise à niveau sociale des régions et le Fonds de solidarité régionale, et un projet de découpage avec une variante principale en douze régions, avec maintien des trois régions sahariennes.
Les principes directeurs et les réformes substantielles du modèle de régionalisation avancée proposés par la CCR font désormais partie intégrante de la Constitution du 1er juillet 2011.
Le 6 novembre 2012, le Souverain a chargé le Conseil économique, social et environnemental d’élaborer, «sur une base participative, un modèle de développement régional intégré pour les provinces sahariennes récupérées», tout en réaffirmant «la volonté du Maroc de faire avancer le processus de négociation sur la base de l’Initiative marocaine d’autonomie…»
Le modèle marocain de régionalisation avancée à deux canaux/voies offre des chances honorables de sortie, soit à travers la régionalisation élargie engagée, soit à travers l’Initiative marocaine d’autonomie proposée en tant que compromis entre légalité internationale et légitimité nationale, capable de déboucher, une fois négociée sous les auspices des Nations unies, sur une solution politique acceptable et durable au conflit du Sahara. Ce modèle de régionalisation avancée à doubles canaux est transposable aux autres pays de la région, notamment dans sa variante autonomiste régionale unitaire pour le traitement des velléités séparatistes et le règlement des conflits territoriaux légués par les périodes coloniales ou par les tentations balkanisatrices régionales.

Entre la déstabilisation et le développement régional inclusif

Vous présentez l’autonomie régionale comme un antidote contre la balkanisation et «un mode opératoire de sauvegarde de l’unité et de l’intégrité territoriale des États dans le contexte d’instabilité géopolitique de la région du Sahara et du Sahel et de transition démocratique au Maghreb». Pouvez-vous approfondir cette idée ?
Depuis des années, le Maroc n’a cessé d’attirer l’attention de la communauté internationale, en particulier celle du HCR, sur les conditions inhumaines des séquestrés de Tindouf, en violation flagrante des droits de l’Homme et du droit humanitaire international que l’Algérie est censée respecter, en demandant qu’il procède à leur recensement pour lever le voile sur les détournements de l’aide internationale, à l’examen de leurs conditions de vie et de leur liberté de mouvement et d’expression. Cet appel a été renouvelé par le Souverain dans son discours du 6 novembre 2012 qui a rappelé, parallèlement à la poursuite du processus de négociation, la position récente du SG des Nations unies pour encourager le développement des relations maroco-algériennes, «dont le Maroc ne cesse d’appeler à la normalisation, y compris l’ouverture des frontières… et réitéré au HCR pour qu’il procède à l’enregistrement et au recensement de la population des camps».
L’implication de l’Algérie dans le blocage de toute solution politique au différend du Sahara marocain, dans le gel de l’UMA et sa position ambiguë vis-à-vis de la guerre au Mali et des mouvements autonomistes au Nord (ajoutés aux Kabyles et aux Touaregs du Sud algérien), comme celles auparavant vis-à-vis des révolutions tunisienne et libyenne, ont provoqué un climat d’instabilité et d’insécurité dans la région du Sahara et du Sahel menacée par la déstabilisation, la mise en péril de l’unité nationale et territoriale des États. Cette situation explosive, dont l’Algérie a été la première victime, à la suite des attaques du complexe gazier d’In Aménas, devrait inciter les responsables algériens à revoir leur position dans le conflit du Sahara et à manifester leur engagement pour la paix et la sécurité dans la région sahélo-saharienne. En fait, il existe deux options : (i) soit la poursuite de la balkanisation par la création assistée de micro-États factices et non viables assis sur les clivages ethno-géographiques ou socioculturels et sur le démembrement et la mise en faillite des États existants (ii) soit consolider la stabilité, l’unité et l’intégrité territoriale d’États nations démocratiques, en appuyant la légitime souveraineté nationale, les autonomies régionales unitaires et les intégrations régionales et continentales.
La première voie de la balkanisation, de la déstabilisation et de la division, suivie jusqu’ici, a produit le chaos, l’instabilité, l’insécurité et le désordre régional, qui sont le terreau fertile où prospèrent les groupes terroristes, les réseaux mafieux de vente d’armes et de trafics de drogues. Les camps de Tindouf sont infiltrés depuis le Printemps arabe par les membres d’AQMI et des groupes comme Mujao et Ançar Eddine, ou séparatistes comme le MNLA, qui mobilisent les Sahraouis séquestrés dans les combats armés ou les attentats menés au Mali, au Niger, en Libye, en Mauritanie et même dans le Sud algérien. C’est une voie dont on connait les conséquences.

Qu’en est-il de la deuxième voie ?
La deuxième voie, celle de l’intégration, de l’inclusion et de l’autonomie a fait les frais de la première voie dont elle constitue l’antidote. Elle est la plus difficile et la plus prometteuse pour le futur. Elle doit être prise en charge avec responsabilité, esprit de compromis et volonté politique de réconciliation et de construction convergente, pour tirer les enseignements des échecs du passé, comprendre mieux les risques et les dangers du présent et pour construire collectivement le destin solidaire futur. Il s’agit de faire de l’autonomie régionale unitaire un vecteur de renforcement de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale des États, de poursuivre la consolidation des fondements d’États modernes et démocratiques et d’approfondir les processus d’intégration maghrébine par le haut et par le bas, pour «un Maghreb des régions qui gagnent». Cette seconde voie est celle qui semble la plus adaptée pour surmonter les conflits régionaux ou nationaux à l’échelle de l’Afrique du Nord et de la région du Sahara et du Sahel, notamment à la suite de la crise du Mali et des velléités séparatistes des Touaregs du Nord, qui a montré la fragilité des constructions nationales et l’instabilité des équilibres géopolitiques régionaux.
La résolution 2085 (20 décembre 2012) du Conseil de sécurité sous la présidence du Maroc, est attachée «à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali et insiste auprès des autorités maliennes sur la finalisation d’une feuille de route pour la transition visant à rétablir l’ordre constitutionnel et l’unité nationale, notamment pour l’organisation d’élections présidentielles et législatives (…) et de mettre en place un cadre de référence crédible pour les négociations avec toutes les parties (groupes rebelles des Touaregs) se trouvant dans le nord du pays qui ont rompu tout lien avec les organisations (AQMI, Mujao, Ansar Eddine) et qui acceptent sans condition l’unité et l’intégrité territoriale de l’État malien, dans le but de répondre aux préoccupations de longue date des populations du nord du pays». Prenant acte de la feuille de route pour la transition, adoptée le 6 janvier 2013 pour l’organisation des élections présidentielles et législatives les 7 et 21 juillet 2013, et de la création la commission nationale de dialogue et de réconciliation le 6 mars 2013, la résolution 2100 (25 avril 2013) du Conseil de sécurité insiste sur la nécessité de «rétablir rapidement la gouvernance démocratique et l’ordre constitutionnel (…) et sur l’engagement d’un dialogue ouvert et d’une véritable concertation avec les groupes politiques maliens, y compris ceux qui ont précédemment prôné l’indépendance et qui sont prêts à mettre fin aux hostilités, qui ont rompu tous liens avec des organisations terroristes et reconnaissent sans condition l’unité et l’intégrité territoriale de l’État malien».
Par la même occasion, le Conseil de sécurité «exhorte les États du Sahel et du Maghreb à renforcer la coopération et la coordination interrégionales en vue d’élaborer des stratégies de lutte contre les activités des groupes (AQMI, Mujao et Ansar Eddine) et de contenir la prolifération de toutes armes et formes de criminalité organisée transnationale».

L’UMA, pour surmonter l’instabilité régionale

Dans un récent entretien, le politologue Jean-Sylvestre Mongrenier nous rappelait une phrase de Max Weber : «les collectivités politiques, disait-il, ne pouvaient descendre du train de l’Histoire comme on interpelle le cocher pour descendre d’une voiture.» Il voulait nous dire par là que nous entrons dans une nouvelle phase de l‘histoire de la région sahélienne où les territoires ethniques se heurtent à l’existence des frontières telles que définies par la conférence de Berlin. La question des Touaregs, qui intéresse l’Algérie, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie, est présente depuis les premières années d’indépendance, dans les années 60 ? Où en sommes-nous ?
La communauté internationale semble favorable à «une solution politique négociée d’autonomies régionales pour les régions du Nord» entre le MNLA et les autres mouvements touaregs et les autorités maliennes, dans le cadre de la commission nationale de dialogue et de réconciliation. La conférence de Bruxelles pour le Renouveau du Mali a mobilisé 3,2 milliards d’euros pour la reconstruction et le développement du pays, avec la contribution du Maroc qui a toujours soutenu l’unité et l’intégrité du Mali et qui mène un partenariat stratégique multiforme gagnant-gagnant avec plusieurs pays africains de la région, à la faveur d’un développement solidaire et d’une coopération Sud-Sud exemplaire à l’échelle de l’Afrique, qui lui vaut d’être le premier partenaire de la BAD, qui y a tenu fin mai ses Assemblées annuelles.
Cette situation géopolitique instable de la région du Sahara et du Sahel «appelle de toute urgence le règlement du conflit du Sahara (…) et rend plus que jamais indispensable l’intégration plus poussée du Maghreb (…)», selon le dernier rapport du SG des Nations unies sur le Sahara (S/2013/220) présenté en avril 2013 au Conseil de sécurité, qui a insisté sur «la nécessité primordiale de traiter le conflit du Sahara occidental dans le cadre d’une stratégie plus large pour le Sahel, car il s’agit d’abord et surtout d’un conflit nord-africain», et sur «la conviction que l’intégration régionale, notamment grâce au renforcement de l’UMA, est un élément clef pour surmonter l’instabilité actuelle et récolter d’importants dividendes économiques, commerciaux et sociaux».
À la suite de ce rapport, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2099 (28 avril 2013) qui a insisté sur la poursuite des négociations en faisant preuve de réalisme, d’esprit de compromis et de volonté, en tenant compte des faits nouveaux depuis 2007, en vue d’une solution politique juste, durable et acceptable, en demandant au HCR de continuer d’envisager l’enregistrement des réfugiés de Tindouf, tout en maintenant inchangées les compétences de la Minurso en matière de droits de l’Homme, contrairement aux attentes de l’Algérie et du polisario, en soulignant, comme en 2011 et en 2012, qu’il importe d’améliorer la situation des droits de l’Homme au Sahara et dans les camps de Tindouf, en reconnaissant les efforts faits par le Maroc via le CNDH et ses antennes régionales au Sahara.

En somme et pour nous résumer, l’autonomie vous semble être la voie incontournable, la solution des problèmes que nous vivons déjà et qui risquent demain de créer une véritable plaie dans la région ?
L’autonomie régionale unitaire est une solution politique négociable pour le règlement des conflits régionaux au nord du Mali, en Algérie (les Touaregs et les Kabyles…), au Sahara marocain et même ailleurs dans d’autres pays maghrébins comme la Libye, pour le renforcement de l’unité et de l’intégrité des pays concernés et pour la stabilité du Maghreb et de la région du Sahara et du Sahel. Les systèmes politiques centralisés et autoritaires comme ceux en transition, qui courent les risques de l’implosion et de la fragmentation, doivent entreprendre les réformes structurelles de leurs systèmes politiques et de leurs modes de gouvernance économique, institutionnelle et territoriale, afin de répondre aux impératifs de l’unité nationale, de la démocratisation, de la justice sociale et de l’équité régionale et aux exigences du développement, de l’ouverture et de l’intégration dans la mondialisation.
La résolution du différend du Sahara sur la base de l’Initiative marocaine d’autonomie ouvrira des perspectives optimistes aussi bien pour les processus de refondation géopolitique du Maghreb basés sur la normalisation des relations interétatiques, la consécration de pouvoirs régionaux unitaires décentralisés ou autonomes et la construction politico-économique de l’espace maghrébin, que pour l’édification modulaire d’une Union euro-arabe et d’une Union arabo-africaine fondées sur des partenariats multilatéraux, le développement des solidarités positives, le traitement global des questions sécuritaires, de paix et de stabilité, le commerce et l’investissement triangulaires et la gestion commune des biens publics mondiaux et régionaux et des risques environnementaux. Les dynamiques de l’autonomie régionale, de l’unité nationale et de l’intégration maghrébine et euro-méditerranéenne en sortiraient mutuellement renforcées dans le cadre de la convergence de cercles vertueux du développement. 

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