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Mobilisation des compétences marocaines pour le développement du Maroc : un enjeu stratégique

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À l’approche des vacances et du grand retour des émigrés, une question se pose : comment mobiliser les diasporas et faire de ce capital humain et social un atout pour le développement du Maroc ? Comment valoriser ces compétences qui ont conservé un lien très fort avec leur pays d’origine et qui veulent contribuer à son développement, notamment en promouvant l’entrepreneuriat ? Comment aussi et en un mot transformer le brain-drain, l’exode des cerveaux, en brain-gain, le gain des cerveaux, car aujourd’hui plus que jamais le Maroc a besoin de ses très nombreuses compétences dans ses universités et ses centres de recherche ? La problématique posée aujourd’hui est d’autant plus importante que l’émigration représente 14% de la population marocaine, soit près de 5 millions d'individus répartis à travers le monde, sur une trentaine de pays, avec une concentration en Europe, où 87% des émigrés sont installés.

L’émigration c’est aussi une force de frappe économique avec près de 50 milliards de DH de transferts directs et autant de transferts invisibles, et la contribution au tourisme et à l’habitat. L’impact sur le développement et la stabilité du pays, notamment en termes de lutte contre la pauvreté au cours de ce dernier demi-siècle, a été important et l’impulsion donnée à la modernisation du pays et à son ouverture a été considérable.
Dans un processus accéléré de mondialisation, le rôle des migrants est appelé à se développer, mais aussi à se réajuster en faveur d’un apport plus grand de compétences, de talents, de savoir-faire, qui sont pour la Maroc autant de valeurs ajoutées. L’importance des savoirs et de la connaissance scientifique est devenue primordiale pour le développement durable des pays. Le gouvernement perçoit de son côté en cette diaspora, de plus en plus formée et qualifiée, un potentiel de compétences, de savoir-faire et un atout considérable pour le développement du pays : 17% des MRE actifs qui ont un niveau d’études supérieur occupent des professions scientifiques, intellectuelles et managériales qualifiées, comme l’a souligné Abdellatif Maâzouz, ministre délégué chargé des MRE ; 54% s’activent dans les secteurs de l’enseignement, de la santé, de la communication, de la gestion, du commerce et des nouvelles technologies, comme en témoignent les ingénieurs informaticiens marocains présents dans la fameuse Silicon Valley qui abrite deux universités prestigieuses, Berkeley et Stanford.

Les nouveaux travailleurs de la société de la connaissance

La question souvent conflictuelle et passionnelle du retour est quelque peu réglée, dans la mesure où «les modalités d’exercice de la citoyenneté pouvaient s’organiser sous forme de passerelles, de réseaux, de circulation, de partenariat, sans penser en termes de retour définitif». Ces modalités étant d’autant plus facilitées qu’il existe aujourd’hui un sentiment de confiance après une longue période de méfiance des États vis-à-vis de ses communautés installées à l’étranger.
Désormais, les pays du Sud, qui s’étaient longtemps méfiés de leurs diasporas, ont pris conscience des atouts et de la force d’une réalité historique, démographique et économique qui désormais s’impose. Riches de leurs histoires, de leurs acquisitions dans le savoir et la connaissance, ces diasporas peuvent apporter une valeur ajoutée, voire une accélération dans les mises à niveau, pour peu que l’on réussisse à organiser une mobilité positive, notamment à travers la construction et la connexion de réseaux ou à travers la possibilité pour les chercheurs marocains de passer une année sabbatique au Maroc.

Une chose est sûre et un constat s’impose au fil des rencontres et des conférences qui ont eu lieu, depuis les années 90, avec le lancement du Tokten (Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals) et ensuite du Fincome (Forum international des compétences marocaines résidant à l'étranger) : la diaspora marocaine a aujourd’hui la volonté de contribuer au développement du Maroc, c’est une force disponible qui ne demande qu’à être sollicitée, sans être instrumentalisée et pour peu que l’on organise les outils et les moyens de mobilisation. Tous s’accordent à souligner que l’expertise des cadres devrait être mise au service du Maroc et les recommandations réunies à l’issue des rencontres pourraient servir de base de mise en œuvre d’une politique nationale de mobilisation de compétences, la diaspora étant invitée à s’impliquer davantage avec les universités dans les programmes de formation, de recherche et de développement.

Des annuaires des compétences sont disponibles concernant les chercheurs en Allemagne, en Belgique, au Canada : architectes, ingénieurs, avocats, physiciens, cardiologues, informaticiens, linguistes, pharmacologues, biologistes… sont recensés comme des pourvoyeurs futurs de l’intelligence pour leur pays d’accueil, mais aussi des «travailleurs de la connaissance» dans le nouvel ordre mondialisé, nouveaux acteurs de la coopération internationale. Ils ont acquis, en s’investissant énormément et malgré les mille et une difficultés, leur droit d’entrée dans les pays d’accueil sans pour autant abandonner leur identité. Au moment où la migration devient un révélateur de tensions et de changement, où la circulation, la production, l’usage et l’appropriation des connaissances deviennent un enjeu mondial de pouvoir, ils expriment haut et fort leur existence pour apporter une valeur ajoutée au monde et à leur pays d’origine avec qui ils n’ont cessé d’entretenir des liens, comme en témoigne le formidable rush au pays des MRE durant les vacances, un phénomène unique au monde…

Par quoi commencer ?

Aujourd’hui, ils veulent renforcer et promouvoir ces liens pour en faire un outil de développement des pays d’origine qui à leur tour veulent «construire des ponts avec les réseaux diasporiques», «profiter des compétences diasporiques» pour soutenir la dynamique actuelle. Si le mot diaspora signifie initialement en botanique «dispersion des graines», ces compétences veulent semer à leur tour ces graines de la connaissance et du savoir dans leur pays d’origine. En ce sens, ces compétences sont des acteurs clés pour faire développer leurs pays, faire reculer l’ignorance et faire avancer, grâce à leur interculturalité, le dialogue et la paix dans le monde. Ils sont prêts à améliorer la coopération qui lie leurs deux pays d’origine et d’accueil, prêts à identifier toutes les possibilités, à condition que les institutions marocaines sachent cultiver un partenariat fiable avec la diaspora, car il existe un immense potentiel non encore exploité.
Dans ce nouveau contexte de mondialisation, il faut en effet adapter, rénover, renouveler, repenser nos politiques publiques qui doivent intégrer ces nouveaux enjeux. Il faut également renforcer les liens et éviter tout délitement, par le biais de la mobilité circulatoire et de la mobilisation des compétences.
Pour cela, les besoins du Maroc doivent être sériés, le cadre général organisé et le dispositif et les instruments techniques et financiers de mise en relation entre l’offre et la demande bien préparés.

Cela nécessite une cartographie précise de la demande des différents secteurs économiques et de l’offre des compétences, l’identification des structures d’accompagnement, de conseil, de suivi et d’évaluation des projets. Les compétences marocaines peuvent cependant s’impliquer dans le développement du pays tout en restant dans les pays d’accueil, et l’exemple des diasporas du Liban, de l’Inde ou des Philippines montre que cette démarche peut engranger des résultats intéressants. Les expériences des diasporas indienne, chinoise ou celles de l’Amérique Latine nous ont appris que l’on pouvait assurer le transfert de connaissances, de partout dans le monde.

Dans ces exemples, on voit à l’œuvre des modes divers de production, de circulation des échanges et du capital cognitif entre diverses parties du monde, avec des compétences où qu’elles se trouvent. Le concept mécanique du «retour» des politiques migratoires est alors transformé en liens durables avec les compétences des MRE. Des liens qui seront d’autant plus durables qu’ils concernent en général les régions d’origine de ces compétences, lesquelles régions sont en général parmi les plus pauvres ! 

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