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«Certaines absences ont porté un coup à la représentativité au sein de la commission»

● Dès le lancement du Dialogue national sur la société civile et les nouvelles prérogatives constitutionnelles le 13 mars, des critiques concernant l’approche adoptée par le gouvernement fusent de part et d’autre.
● Les reproches ont trait notamment à la méthode du choix des membres de la commission chargée de ce dialogue jugée non représentative.
● Ismail Alaoui estime que parler de «noyautage» est malvenu, car cela reviendrait à déprécier tous les autres et laisser croire que tous sont régis par une pensée unique.
● Pour lui, un dialogue portant sur un problème aussi important transcende et dépasse de loin les aspects formels qui sont, somme toute, subalternes.
● Il précise enfin que la société civile n’est pas constituée que d’associations œuvrant pour le bien général.

«Certaines absences ont porté un coup à la représentativité au sein de la commission»
Ismail Alaoui.b Ph. Kartouch

Le Matin : Depuis le lancement du Dialogue national sur la société civile, les acteurs associatifs et universitaires ont fait des déclarations tonitruantes. Certains d’entre eux ont décidé de boycotter le dialogue. La démarche de désignation des membres de la commission nationale est, en effet, fortement critiquée. Qu’en pensez-vous ?
Ismail Alaoui : Tout d’abord, je ne crois pas qu’il faille généraliser : tous les acteurs associatifs ne sont pas concernés par le phénomène dont vous avez parlé et encore moins tous les universitaires. En outre, il ne s’agit pas de boycott du dialogue, si j’en crois certaines déclarations. Il s’agit plutôt du refus de participer aux travaux de la commission ; mais je ne crois pas que ces acteurs associatifs et ces universitaires refuseraient de participer, d’une manière ou d’une autre, à ce débat national qui est ouvert, par définition, et qui est fondamental pour l’approfondissement de la démocratisation de notre société et de notre pays. Penser le contraire serait faire injure à ces militants dont on ne peut que saluer la compétence et l’implication, déjà ancienne, dans la vie et le combat de la société civile.

Pourquoi le choix des membres de la commission que vous présidez ne s’est-il pas fait de manière démocratique et représentative ?
Pour ce qui est de la méthode de désignation des membres, elle relève de l’initiateur du débat, le ministère chargé des Relations avec le Parlement et la société civile. Elle a été fondée sur un fait simple : il est difficile de choisir et de désigner des associations alors que d’autres n’ont pu l’être, car, ne l’oublions pas, nous avons plus de 90 000 associations. Par contre, choisir les participants intuitae personnae dépasse ce problème d’autant plus que les personnes invitées possèdent une grande expérience dans le domaine de la société civile. C’était donc la méthode la plus adaptée, ou alors il fallait procéder à des élections au niveau national ce qui aurait été quasiment impossible ; cela n’a pas été le choix du ministère, initiateur et organisateur du débat.  D’autre part, nous savons pertinemment que les associations de la société civile et les ONG sont tenues, pour l’accomplissement de leur fonction et de leurs tâches, d’avoir des relations de coopération avec un certain nombre de départements ministériels ou d’institutions nationales. Elles doivent être, en effet, en contact pour coordonner quelques actions avec des institutions constitutionnelles comme le Parlement, l’IRCAM, les Conseils nationaux : (droits humains, lutte contre la corruption, conseil de la concurrence, médiateur, conseil de la communauté marocaine à l’étranger, haute autorité de la communication et de l’audiovisuel, Conseil supérieur des oulémas), soit 9 organismes institutionnels.
Les départements ministériels concernés sont au nombre de 14, alors que les représentants de la société civile (associations et ONG) sont au nombre de 40. Ce chiffre aurait pu être encore plus élevé si certains invités n’avaient pas décliné l’invitation.
Parler de «noyautage» est malvenu, car ce serait déprécier tous les autres et laisser croire que tous sont régis par une pensée unique.
En ce qui concerne la représentativité, il est clair que certaines absences lui ont porté un coup. Je pense en outre qu’un dialogue et un débat, portant sur un problème aussi important que celui de l’approfondissement de la pratique démocratique dans notre pays, par l’établissement de la démocratie participative et par le renforcement du rôle et de la place des composantes de la société civile, transcendent et dépassent de loin les aspects formels qui sont, somme toute, subalternes.

On craint l’interventionnisme du gouvernement.
On vous reproche d’avoir choisi plusieurs représentants de secteurs gouvernementaux pour faire partie de cette commission.
Comment comptez-vous, dans ce cadre-là, garantir l’indépendance de votre commission ?
Tout d’abord, comme je l’ai déjà signalé, les représentants des départements ministériels invités représentent une minorité. Ensuite, ces représentants sont aussi des citoyens aussi responsables que d’autres citoyens. Et puis, au fond, si nous étions dans un scénario d’interventionnisme, ce serait une question de rapport de force, car nous serions dans une situation d’affrontement. Or, sans tomber dans une naïveté excessive, je ne crois pas que nous en soyons à ce niveau et dans cette situation dans notre pays, heureusement !
Et puis pourquoi voulez-vous qu’un gouvernement qui serait «interventionniste à l’excès» se donne la peine d’ouvrir un débat national public ? Il aurait pu agir seul, rédiger ou faire rédiger, par les services concernés, un projet de loi organique qui serait présenté au Parlement, discuté, amendé, voté et approuvé ! Et tout cela serait conforme à la lettre de la Constitution.

Je crois qu’il s’agit, par la manifestation de cette crainte, si elle s’avère réelle (mais je ne le crois pas) d’une attitude de paranoïa. Et puis aussi et surtout pourquoi évacuer le champ de bataille avant d’avoir engagé le combat, si la bataille est nécessaire ?
L’indépendance de la commission a été annoncée publiquement et solennellement devant les membres de cette commission par le ministre, et personnellement j’y tiendrai comme à la prunelle de mes yeux. Et je ne serai pas seul à être sur cette longueur d’onde au sein de la commission.
Les associations craignent la mise en place, à l’issue de ce dialogue, d’un cadre réglementaire contre la société civile. Quels sont les objectifs que vous vous assignez en matière de réglementation ?
Notre société civile a besoin d’abord et avant tout d’être connue et bien connue. Les 90 000 associations recensées sont-elles toutes au niveau de ce que nous pouvons en attendre ? Cela reste à prouver. Il est certain qu’il faut veiller, de manière totale et intransigeante, à l’indépendance des composantes de la société civile (associations et organisations non gouvernementales) ; mais, en contrepartie, il faut que ces composantes acceptent la mise en pratique du principe éminemment démocratique de la «reddition des comptes», vis-à-vis de leurs membres et vis-à-vis des lois nationales.
Pour arriver à ce but, il est nécessaire que les composantes de la société civile formulent une charte déontologique et d’éthique, et ce de manière autonome. Serait-ce là un «cadre réglementaire contre la société civile ?» Vous conviendrez que non.

La commission a été fraîchement mise en place. Avez-vous déjà commencé votre action ?
En effet, la commission vient à peine d’entamer ses travaux et c’est à elle d’instaurer son rythme ainsi que ses bases d’action et sa méthodologie de travail. Ce sera l’ordre du jour des prochaines réunions.

Quel regard portez-vous sur le secteur associatif au Maroc étant donné que vous-même êtes un acteur associatif ?
Notre pays dispose d’un secteur associatif qui s’étend et s’étoffe, jour après jour. C’est là un indice encourageant dont tout démocrate peut être fier ; mais cela ne signifie pas que tout est pour le mieux dans le meilleur des  mondes.
Le secteur associatif reste encore souvent en butte à des contraintes administratives exagérées et quelquefois même contraires aux principes constitutionnels et qui portent atteinte aux libertés.
À côté de cette réalité, il y a aussi le fait que la société civile n’est pas constituée seulement d’associations œuvrant pour le bien général. Certaines œuvrent, il y a tout lieu de le croire, pour des intérêts, quelquefois, bien particuliers, hélas !
En outre, les associations aussi bien que les ONG sont devant de graves problèmes de déficit en moyens humains et financiers. Certaines ne peuvent, de ce fait, pas respecter tous les droits qui concernent leurs salariés, car le bénévolat n’est pas tout. Il y a lieu donc de voir comment l’État peut aider cette société civile, juridiquement mais aussi matériellement. Et l’aspect fiscal représente un pari important pour le financement des activités des associations et autres ONG.
C’est là une partie de la problématique qui est posée à la commission nationale et qui exige le débat le plus large possible et la participation de tous. Ceci sans oublier que l’une des tâches fondamentales de ce débat national est de favoriser la rédaction de textes de loi (lois organiques, lois ordinaires, textes réglementaires), susceptibles de répondre aux exigences de la Constitution.
Il s’agit de mettre en pratique une démocratie participative, susceptible de diminuer le niveau de désillusion que provoque chez nombre de citoyens la démocratie représentative et délégataire, car beaucoup, parmi les élus ayant obtenu l’aval au suffrage universel et la délégation de la part des citoyens, faillissent à leur mission.
Il s’agit donc d’une œuvre de salut public et pas un seul démocrate véritable ne peut s’y dérober. n

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