Plusieurs milliers de Tunisiens ont manifesté samedi soir au Bardo, près de Tunis, pour réclamer la chute du gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahda, quarante jours après l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi. La foule s'est rassemblée à Bab Saadoun aux portes de Tunis, avant de défiler jusqu'à la place du Bardo, devenue le théâtre de protestations quasi permanentes depuis la mort du député, le 25 juillet. «Le sang a coulé, plus de légitimité pour Ennahda», «Brahmi martyr, sur tes pas nous marcherons», «À bas les oppresseurs du peuple, à bas la bande des Frères», a scandé la foule, en référence aux liens entre Ennahda et les Frères musulmans en Egypte.
La famille de M. Brahmi et les proches de Chokri Belaid, un autre opposant de gauche assassiné en février dernier ont pris la tête de la marche, soigneusement encadrée par la police. De nombreux manifestants brandissaient des drapeaux tunisiens et des portraits de Mohamed Brahmi, dont l'assassinat a plongé la Tunisie dans une profonde crise politique. Le meurtre des deux opposants a été attribué par les autorités à des salafistes jihadistes liés à Al Qaida, qui ne les a pas revendiqués. Certains de leurs proches accusent Ennahda d'être responsable des deux assassinats, ce que dément régulièrement le parti islamiste. La veuve de Mohamed Brahmi a fait savoir que les représentants du gouvernement étaient indésirables aux cérémonies commémoratives et a appelé à la chute du gouvernement. Le Front du salut national (FSN), qui chapeaute le mouvement de protestation, a affirmé que la date symbolique du quarantième jour depuis le décès de Brahmi – qui marque la fin du deuil – signifiait une «nouvelle étape de mobilisation» pour la chute du cabinet et la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC).
L'opposition exige la démission du gouvernement, et certains réclament également la dissolution de l'ANC, dont les travaux ont été suspendus après son boycott par plusieurs députés.
Les islamistes ont rejeté ces revendications, proposant à la place d'élargir la coalition au pouvoir, et d'organiser des élections le 17 décembre. Favorable à la chute du cabinet, mais opposée à la dissolution de l'ANC, la centrale syndicale (UGTT) a mobilisé pour le rassemblement et tente une médiation laborieuse entre Ennahda et la coalition d'opposition, allant de l'extrême gauche au centre droit. Beji Caïd Essebsi, le chef de Nidaa Tounes, principal rival d'Ennahda, a affirmé son engagement avec le FSN.