Connexion
Plus que quatre jours qui nous séparent de l'Aïd. Le bêlement des moutons résonne depuis presque une semaine dans plusieurs quartiers.
Leur odeur nous transperce les narines à chaque coin de rue pour rappeler la date du grand jour. Des éleveurs venus d’autres régions comme Béni Mellal, Settat, Rhamna, Seraghna… s’installent pour une dizaine de jours dans des locaux en plein milieu de la ville. Ils disposent en moyenne d’un troupeau composé de 40 à 60 bêtes et proposent parfois à l’acheteur de garder le mouton jusqu'à la veille ou le matin de la célébration. Faute d’organisation et d’aménagement de marchés appropriés pour ce genre d’occasion, ces vendeurs s’installent un peu partout dans les quartiers d’habitation dans les grandes villes comme Casablanca. «Pendant les jours qui précèdent Al Aïd, nous ne savons plus si nous vivons en milieu rural ou en zone urbaine, à cause des vendeurs de cheptels qui s’installent un peu partout. Pendant cette période, Casablanca se transforme en une immense étable. Certes, nous sommes musulmans et cette fête est sacrée, mais il faut trouver une solution à ce problème. Les moutons doivent être vendus dans des marchés et non à tous les coins de rue», se plaint Marwa, une jeune casablancaise.
Conscients que les citoyens dans les villes sont de plus en plus stressés et pressés par le temps, les vendeurs de moutons préfèrent s’installer à côté de chez eux pour leur faciliter la tâche. Ils choisissent des locaux au rez-de-chaussée des immeubles ou dans des garages, de cette façon, ils évitent de payer les frais élevés pour l'accès aux souks en plein air dans la périphérie de la ville, ainsi que les frais du transport quotidien. Mais cela cause plus de désagréments que d’avantages. Souvent, les habitants des immeubles avoisinants se plaignent de tous les inconvénients causés par les moutons. «En bas de l’immeuble où je vis, il y a un entrepôt qui est vide toute l’année. Mais en cette période, le propriétaire le loue à des vendeurs de moutons, ce qui nous “pourrit” la vie. Entre l’odeur nauséabonde, le bruit des moutons et leur bêlement, on se croirait en plein milieu d’une étable, d'autant plus que je vis juste au-dessus d’eux au premier étage. De plus, il n’y a aucune norme d’hygiène qui est respectée. Le pire c’est que même après l’Aïd, leur odeur est toujours là. Quand j’ai demandé au syndic de l’immeuble si on pouvait interdire cela, il m’a dit qu’il n’y avait rien à faire», fustige Samira.
Entrepôt, garage, local commercial, snack, café… tous les locaux sont bons pour vendre les moutons. Faute d’inspection et de surveillance, aucune autorisation n’est nécessaire et les tarifs de location sont fixés selon les quartiers choisis. En effet, un petit local de 50 m² dans un quartier populaire peut coûter 3.500 DH pour dix jours. Et quand il s’agit d’un local au centre de la ville, le prix peut s’élever à 10.000 DH pour ces dix jours, soit le prix de trois ou quatre moutons.
«Quand on m’a proposé de louer mon petit café pour des vendeurs de moutons pendant les jours qui précèdent l’Aïd, j’ai tout de suite accepté. Sans avoir à dépenser le moindre sou, j’ai pu encaisser la coquette somme de 8.500 DH. C’est génial et je compte bien le faire tous les ans. Si seulement il y avait plusieurs occasions comme celle-là pendant toute l’année», confie Hamid, patron d’un snack-café au quartier de Bourgogne à Casablanca. Mieux encore, certains propriétaires de locaux se mettent d’accord avec les vendeurs de bétail pour avoir en contrepartie de la location des locaux deux ou trois moutons.
