Menu
Search
Jeudi 28 Mars 2024
S'abonner
close
Accueil next Conférence Internationale Du Sucre

Un outil stratégique au service de l’économie et de la diplomatie du Maroc !

● Amine LAGHIDI
Directeur général de «North Star Consulting Group», expert international en stratégies de développement, conseiller spécial de grands groupes multinationaux.

Un outil stratégique au service de l’économie et de la diplomatie du Maroc !
Vie Siècle avant J.C. • Le grand magistrat carthaginois Hannon faisait les louanges des richesses, de la culture et de la générosité de la population du maroc.

L’usage moderne du mot branding nous vient du monde des affaires et de la pratique du marketing moderne. Dans le Far West américain, il désignait la marque apposée par les Cow Boys au 19e Siècle pour différencier leur bétail de celui des concurrents. «To Brand» voulait dire tout simplement marquer les bêtes au fer rouge ! Un siècle plus tard, Bernays, parrain de la communication et de propagande moderne, d’une part, et Kotler & Dubois (pères du Marketing moderne), d’autre part, vinrent pour codifier cette notion de branding comme tout «signe, image, Logo, termes, noms…» Qui différencie un producteur/vendeur des autres. Bien que le Marketing ait grandement évolué depuis, cette définition a encore la dent dure. Cependant, réduire le Branding d’une entreprise et (dans le sens large d’un groupe) à la simple gestion d’une image ou d’un logo serait si simpliste qu’on pourrait le comparer à la réduction de la richesse et de l’influence, voir de la vie d’un individu à sa simple carte de visite professionnelle. Une métaphore qui en dit long sur l’importance, l’ampleur, mais aussi la complexité que prend aujourd’hui cette notion moderne/ancienne de gestion de la brand.

La quête du produit/service universel a toujours été le «Saint Graal» de tous les gourous du Marketing ainsi que des grands capitaines de l'industrie. Comment bâtir un produit si complexe, mais à la fois si simple qu’il répondrait aux besoins de tous les consommateurs aussi bien dans l’espace (géographique) que dans le temps ? Si la réponse avait paru si simple au début de l’ère industrielle, car les marchés assoiffés, en absorbant tous les produits, donnèrent une aura d’universalité à ces derniers, la saturation des marchés vint apporter une fin abrupte à cette illusion. Le Marketing dut alors s’adapter et évoluer en Marketing relationnel capable de mieux comprendre ses clients/partenaires et de leur donner «l’impression» de l’adaptation du produit à leurs besoins individuels. Cela marcha un certain temps, via une meilleure conception des produits, mais surtout grâce à une adaptation des services aux besoins des clients.

Cependant, il a fallu attendre le milieu des années 90 pour que le branding moderne prenne toute son ampleur. Aujourd’hui, il suffit de regarder les bilans des plus grands groupes dans le monde, leur principale richesse comptabilisée n’est plus dans leurs usines, machines ou autres actifs matériels ! Leur richesse est devenue principalement immatérielle, et à la tête de cette richesse trône leur Image de marque : leur Brand !
Comprendre ce shift nous invite à revisiter la notion de brand : un consommateur n’achète plus un produit, il adhère au produit, il adhère au style de vie qu’offre le produit, il adhère aux valeurs extrinsèques et intrinsèques de l’entreprise, il adhère à un groupe large de personnes qui consomment le produit… j’oserai même l'expression «il adhère à la religion autour du produit». L’entreprise moderne «ne va plus vers le Client», elle l’influence, et fait en sorte que le «Client vienne vers elle» et adhère à sa Brand !

Le branding aujourd’hui n’est plus juste la gestion de l’image de marque de l’entreprise, réduite à une simple garantie de qualité et à un logo, la brand moderne est toute une mythologie autour de l’entreprise, suffisamment simple/universelle pour pouvoir fédérer tout le monde, et suffisamment complexe pour être interprétée par tout consommateur comme étant la réponse à ses besoins les plus profonds ! La gestion de la Brand, c’est la «gestion de l’influence» qu’exerce une structure non seulement par rapport à ses clients, mais aussi par rapport à ses employés, ses fournisseurs, ses actionnaires, les États ou elle s’implante…
Dans Le monde d’aujourd’hui où la dernière barrière devant l’universalisation de l’offre n’est plus une barrière logistique, ni même une barrière financière, ou encore cognitive (connaissance du marché et de ses besoins, gestion de cette information, recherche et développement)… la dernière barrière est celle de la spécificité de la demande, et qui dit spécificité, dit automatiquement habitudes de consommation, et donc différence culturelle !
Universaliser la culture, ou du moins y répondre par une solution «culturelle» universelle, forme le tandem dominant du Branding moderne ! La gestion de la Brand a donc quitté son statut de composante tactique, voire opérationnelle, pour jouer LE rôle stratégique dans toute organisation ou groupe d’individus ! Nos entreprises nationales, marocaines, se doivent de suivre cette voie, de bâtir des Brands solides et influentes, «en mutualisant leurs efforts», si elles ne veulent pas subir les aléas de la mondialisation… des idées.
C’est dans ce contexte moderne que nous allons essayer de traiter cette notion évolutive du «Branding pays», en répondant à trois questions essentielles : d’où venons-nous, que voulons nous bâtir aujourd’hui, et pour demain ?

1. D’où venons-nous ?

Il se trompe grandement celui qui utilise la période du protectorat comme principal point de départ pour son analyse du Maroc (l’avant/l’après) ! Ce serait si réductionniste que ce serait pris pour une insulte envers tous les Marocains ! Le Maroc est un pays riche, qui fut toujours au carrefour des civilisations : les villes de Tanger, Larache, Nador furent mentionnées dans les écrits des plus grands historiens grecs. Nos villes côtières de Dakhla, Sidi Ifni et Essaouira sont le point de départ d’un des plus anciens récits d’exploration de l’Afrique, le «Périple d’Hannon», écrit au VIe Siècle av. J.-C., et déjà à l’époque le grand magistrat carthaginois y faisait les louanges des richesses de notre pays et de la culture et la générosité de sa population, sans mentionner les Phéniciens, les Romains, les Arabes… et autres civilisations qui se sont succédé.

En tant qu’État, Le Royaume du Maroc est également l’héritier d’une longue tradition de gouvernance, depuis les Idrissides, les Almoravides, les Almohades, les Mérinides… et en arrivant à la Glorieuse Dynastie alaouite. Ces empires dont l’influence s’exerçait du sud de la France, jusqu’au fleuve Niger et bien au-delà, permettant au pays de réunir un beau mélange entre les cultures et les savoirs andalous, moyen-orientaux, méditerranéens… tout en restant ancré dans ses racines africaines.

Ce riche héritage, qui ne peut être résumé en quelques lignes, a permis à l’Occident islamique, dans le passé déjà, de se distinguer positivement du reste du monde et de se doter de son propre «branding», notamment grâce à de grands penseurs, poètes, écrivains, artistes et savants, parmi lesquels je choisis quatre, non par logique de distinction, mais en guise d’illustration de l’image que donnait déjà le Maroc de l’époque :
Ibn Khaldoun : Père fondateur de la sociologie, qui lia la civilisation au développement des cités et cette notion clef du «Miaamar» (urbanisme). Cette notion est encore à retenir de nos jours ! La première image que nous recevons en pensant ou en visitant un pays est celle de ses villes ! Il suffit de parler des États-Unis et de Green Card à tout jeune pour qu’il pense automatiquement à New York et au «rêve américain» ! Or quand l’image que donne une cité est celle de la réussite et du succès, elle finira toujours par attirer les meilleures têtes pensantes, les meilleurs capitaux étrangers, ainsi que les ressources humaines motivées et adéquates… Réunir ces facteurs clefs de succès dans un même espace urbain est une garantie pour le transformer en Eldorado ! Pensez à Dubaï, pensez à Rio… et pensez au rêve de réussir ! Or le rêve d’un futur meilleur est la force motrice de cet univers ! Leçon à retenir, d’Ibn Khaldoun à nos jours rien n’a changé ! Investir dans l’image de nos villes marocaines est la garantie du succès de notre modèle de développement ! Je pense ici à Tanger comme fer de lance de notre économie, à Casablanca, Rabat, Fès, Marrakech… Faisons-en des phares qui rayonnent sur l’Afrique, la Méditerranée et le monde.

Ibn Battuta : Ce grand voyageur, qui éclaira des millions de ses contemporains sur ce qu’était le monde musulman de l’époque ! Un monde vaste caractérisé par la tolérance, l’acceptation de l’autre, un monde où les arts étaient prospères et les hommes de savoir et de lettres valorisés ! Cette vision continue de nous inspirer aujourd'hui, car elle crée une rupture totale avec celles des voyageurs européens. Ces «orientalistes» décrivent le monde musulman de manière condescendante, souvent mesquine et réductionniste, pour justifier les invasions qui allaient s’ensuivre, ils ont donné au monde une fausse vision d’un islam belligérant, alors que c’est à la base une religion de paix et de générosité. Ibn Battouta a inspiré plusieurs jeunes et moins jeunes et les a incités à voyager, pour faire du commerce, augmenter leurs fortunes, apprendre, chercher le savoir… ou tout simplement découvrir l’autre.
De nos jours également, nous avons besoin d’un Branding interne qui encourage notre capital national à s’investir dans les marchés émergents, notamment en Afrique, à chercher de nouvelles implantations géographiques, nos jeunes à créer de nouvelles opportunités de travail, nos chercheurs à partir en quête de savoir, de la capitaliser, mais de revenir avec l'idée d'en faire profiter que leur pays et leurs concitoyens ! Ceci est une culture, et une culture se bâtit par les pionniers et leurs prédécesseurs ! De même, et d’un point de vue externe, on se doit de renforcer notre image actuelle en tant que pays développé, pays moderne, mais aussi un pays fier de sa culture, de sa nature et de ses spécificités !

Charif Al Idrissi : Grand géographe, cartographe et botaniste de renommée mondiale, il avait influé sur le cours de l’histoire avec sa carte universelle du monde de l’époque. Maitriser la cartographie à l’époque voulait dire maitriser la navigation, le commerce, avoir un avantage en temps de guerre… Enfant déjà, je découvris Charif Al Idrissi grâce à un Grand Monsieur, qui m’a grandement inspiré, mon père à qui je rends ici hommage, dans son bureau trônait une carte géante, en la déchiffrant enfant, j’ai pris goût pour le voyage et la découverte. Al Idrissi était à son époque un «influenceur», donner une image forte d’un pays c’est également faire le bilan de ses influenceurs au Maroc et de par le monde, faire un état des lieux de nos tètes pensantes et de nos femmes et hommes qui se distinguent dans tous les domaines : finances, entreprise, sciences, arts, lettres, sports, politique, associatif, journalisme, web… mobilisez ces «influenceurs nationaux», les valoriser, les marketer, c’est aussi valoriser et marketer l’image de notre pays. En parallèle, continuer à attirer les influenceurs étrangers, en faire des enthousiastes actifs ou latents pour notre pays est également une piste importante à finaliser (car le travail a déjà commencé).

Et enfin, le Grand Ibn Al Khattib, grand savant de l’Islam, et malheureusement si peu connu de nos contemporains, Ibn Al Khattib prêchait un Islam tolérant et fédérateur, ouvert à tous, un Islam qui accepte l’autre, un Islam bâti autour de ce qu’il appelait «l’Amour supérieur» de Dieu, des humains et de son pays ! Et nous sommes les héritiers aujourd’hui de cette pensée de l’amour, beaucoup de nos jeunes et moins jeunes aujourd’hui savent que le Maroc est le Royaume du rite malikite et du dogme achaarite, mais en conçoivent-ils toute l’ampleur, toute la richesse ? Le rite malikite est avant tout un rite unificateur et fédérateur, qui a deux principes fondamentaux, «wahdat al oumma» et «Imarat Al Moueminine», l’union de la nation et le Commandement des croyants. En même temps, c’est un rite tolérant et universel, car il accepte et valorise les coutumes locales d’un pays tant qu’elles ne sont pas en contradiction avec la charia. Quant au dogme achaarite, il se distingue des autres dogmes par sa rigueur et son utilisation du «raisonnement logique», donc de l’actualisation de l’interprétation des textes en fonction de l’évolution de la société musulmane ! N’est-ce pas là une réponse réelle et un remède des plus efficaces contre l’extrémisme religieux qui sévit de plus en plus en terre d’Islam et au-delà ? Soyons fiers de notre identité religieuse, parlons-en, d’autres pourront également s’inspirer de ce modèle. D’autre part, le Maroc a toujours été une terre de tolérance entre les trois religions célestes, Musulmans et Juifs ont toujours vécu en paix dans ce pays et continuent de l’être. Cette tolérance et cette diversité religieuse sont également une composante majeure de notre branding et de notre modèle de soft power.

2. Que voulons-nous bâtir aujourd’hui, et pour demain ?

Aujourd’hui, les choix du Maroc sont clairs : En interne : notre principale richesse c’est notre richesse humaine, quand on fait ce choix, le citoyen devient l’alpha et l’oméga, le point de départ et la finalité. Notre Branding interne se doit d’être à l’image de cette ambition, communiquons de manière claire et pratique, de façon à être compris par le doctorant et l’analphabète, l’agriculteur et l’ingénieur, des messages clairs et pertinents, à l’instar des derniers Discours du Souverain, sur où va le Maroc, quelle est notre vision, quelles sont nos principales «milestones», quelle est notre «time line», quelles sont nos orientations stratégiques dans tous les domaines (économique, politique…). Ceci permettra de fédérer toute la nation autour de notre projet de développement et de créer des synergies sans précédent. En parallèle, on se doit d’encourager la prise d’initiative par le citoyen, et l’appropriation des challenges du pays par lui. Nous devons créer une culture de l’action du «ownership» qui remplace celle de la critique stérile et du négativisme permanent ! Nous devons créer un leadership pipeline, une fabrique de leaders «intermédiaires» qui renforceront le rang de ce pays, et viendront pour opérationnaliser les stratégies déjà entreprises, chacun dans son domaine d’action respectif, et ceci passe par un branding interne des plus efficaces ! Apprenons à marketer la réussite et les gens qui réussissent, marketons les entrepreneurs, les savants, les artistes, les créatifs, les innovateurs, les gens intègres, les gens qui défendent leur pays et son intégrité… car le faire c’est inciter d’autres à leur emboiter le pas. Et d’un point de vue purement économique : encourageons les Marocains à consommer le «Made in Morocco», à consommer national, sans tomber dans le piège du protectionnisme. Encourageons la Brand Maroc, cela parait si simple, si essentiel et pourtant… C'est le temps de bâtir ! Et nous avons besoin de tout le monde ! Fédérons ! D’un point de vue externe : Bien qu'il existe toute une panoplie de propositions à faire, les 3 suivantes paraissent des plus urgentes.

A. le E-Indentity et le E-Branding du Maroc ! Voilà un challenge de taille à relever, et non pas seulement par l’État, mais aussi par le citoyen. Il faut sensibiliser et orienter les Marocains dans le sens de la défense des intérêts du Maroc, et cela va de la correction des pages de Wikipedia qui portent une carte incomplète du Maroc, jusqu’aux discussions dans les salons de chats, en passant par les films institutionnels, les tweets et les statuts Facebook ! Le Marocain aime son pays, il est prêt à tout faire pour le défendre, il faut juste l’orienter et le motiver. Créons des focus groupes, des centres de formation pour les jeunes dans les métiers de l’E-influence, publions des manuels dans ce sens, créons des films, images, contenus partageables sur Internet dans ce même état d’esprit, en bref : «Créons une armée de réserve virtuelle, sur le net» et faisons un Buzz positif et permanent au service de notre pays ! Et n’oublions pas que pour beaucoup de gens de par le monde, qui ne nous connaissent pas, ce qui n’existe pas sur la première page de recherche de Google ou sur Wikipedia (dans toutes les langues), n’existe pas ! Tout court !

B. Du point de vue de la commercialisation des produits, investissons dans une image de marque du «Made in Morocco», commune et avantageuse pour tous les exportateurs marocains, une image synonyme de qualité, de durabilité et d’art de vivre. À titre d’exemple, peu sont les entreprises nationales qui ont les moyens d’investir en solo dans une campagne de communication majeure aux États-Unis, plus grand marché au monde. Si on prend en considération la sensibilité du consommateur US à la publicité et à la Brand des produits qu’il achète, ceci risquerait de limiter grandement les possibilités d’export du Maroc vers ce marché clef (90% de notre tissu national est constitué de PME…). Investir dans une Brand Maroc et dans une campagne de communication pour les produits marocains ouvrirait de grandes possibilités pour nos exportateurs nationaux, actuels ou potentiels. Idem pour les nouveaux marchés émergents Asie, d'Europe de l’Est… Promouvoir le «Made in Morocco» doit sortir d’une approche discontinue et tactique (événementiel, rencontres…) et aller vers une démarche continue et créatrice de valeur supérieure en améliorant la perception du produit et du service national (ingénierie, banques, conseil).

C. Notre diaspora à l’étranger est également l’ambassadrice de notre culture, de notre image, mais aussi de nos biens et services ! Je suis certain, même si beaucoup d’efforts ont déjà été déployés dans ce sens, qu’il reste encore de nouvelles synergies à pourvoir, ne serait-ce que pour bâtir des postes avancés capables de commercialiser nos produits et services dans les nouveaux marchés, l'Afrique en guise d’exemple. In Fine, je dirai que l’image du Maroc, c’est avant tout la perception que nous citoyens avons de notre pays, quand nous voyons le Maroc en pays fort (et il l’est), quand nous voyons sa capacité à jouer un rôle leader parmi les nations, quand nous croyons en nous-mêmes, loin de tout complexe d’infériorité, et que nous travaillons en conséquence, alors les autres nous verront également ainsi : forts et prospères ! La Brand de notre Maroc, c’est nous ! Et nous sommes tous des ambassadeurs de notre pays !

Lisez nos e-Papers