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Le Maroc et le Sahel Sahara

● Ahemedou Aouldabdallah
Ancien ministre des Affaires étrangères de Mauritanie,président du Centre stratégique pour la sécurité au Sahel Sahara.

Le Maroc et le Sahel Sahara
L’utile catalyseur • Il s’agit ici, grâce à la proximité géographique, culturelle et historique entre le Maroc et le Sahel de se réapproprier ensemble des valeurs traditionnelles communes, aujourd’hui menacées.bPh. Archive

Face tant aux promesses de prospérité qu’aux défis d’insécurité qui l’affectent, l’ensemble de la région Sahel Sahara/Maghreb donne souvent l’impression de survivre avec le regard bloqué sur le rétroviseur. Pressés par une forte croissance démographique, une urbanisation rapide, un chômage de jeunes en progression constante, la plupart des gouvernements de la région peinent à oublier les pratiques du passé ou à s’adapter aux exigences d’aujourd’hui.

Naturellement, dans un contexte de forte compétition internationale, l’avenir appartient aux États qui savent coopérer en mutualisant efforts et ressources. Pour survivre et prospérer, le Sahel, formé d’États peu peuplés et avec des infrastructures indigentes, a besoin de la masse critique de tous ses états. Dans ce contexte, une présence plus active du Maroc est aujourd’hui un impératif économique, politique et sécuritaire. L’utile catalyseur.

À cet égard le royaume peut jouer un triple rôle au Sahel Sahara. Le premier, d’ordre politique, est fondé sur la réussite du pluralisme politique qui n’a jamais cessé d’y prévaloir, même durant les heures les plus sombres des partis uniques autoritaires et totalitaires. La leçon : la validité de l’inclusion en politique. Le second apport est la priorité accordée par Rabat à la promotion de l’agriculture, c’est-à-dire au monde rural. L’industrie imposée a été un désastre pas encore soldé dans un bon nombre de pays. Troisièmement, l’apport le plus attendu du Maroc sera sa contribution dans les domaines de sécurité, actuellement le secteur prioritaire dans le Sahel. Sur ce plan, trois domaines sont prioritaires.

Premièrement la prévention des crises. Ces crises ont souvent pour origine des frustrations multiples, essentiellement d’ordre politique et économique. La prévention va porter sur l’instauration du dialogue politique comme méthode de gouvernement. Les questions économiques et la nature ainsi que la qualité du maintien de l’ordre viendront en appui. Les meilleurs résultats passent par des actions ciblées en faveur de la formation de forces de sécurité, des imams et d’autres figures religieuses, la fourniture d’équipements dans les domaines de télécommunication et de santé (hôpitaux de campagne), le développement des systèmes bancaires, etc. Cette coopération sera réussie si la professionnalisation est centrée sur l’esprit de tolérance et d’inclusion. Il s’agit ici, grâce à la proximité géographique, culturelle et historique entre le Maroc et le Sahel de se réapproprier ensemble des valeurs traditionnelles communes, aujourd’hui menacées. Il s’agit aussi d’aider les pays du Sahel à moderniser leurs forces de police, de gendarmerie et leurs armées.

Deuxièmement, la gestion des conflits en cours ne peut plus se faire comme naguère, à travers les bons offices d’un seul médiateur, quelles qu’en soient l’objectivité et l’expertise. Ces crises du Sahel, parfois anciennes et bien enracinées, leur gestion demande désormais l’apport de plusieurs médiateurs et facilitateurs qui rassurent tous les belligérants. L’action conjointe de plusieurs intermédiaires travaillant en harmonie est une garantie de succès. N’ayant pas de visées hégémoniques, le Maroc est bien placé pour encourager et favoriser, en coopération avec d’autres acteurs, en particulier la CEDEAO et l’Algérie, le dialogue entre les différents protagonistes. L’objectif ici est d’offrir aux uns et aux autres une expertise additionnelle dans un environnement rassurant et empreint de sérénité.

Troisièmement, les besoins économiques des pays du Sahel sont énormes, en particulier dans les domaines des infrastructures physiques : routes, aéroports, chemins de fer, logements sociaux. Par ses relations anciennes et solides avec les bailleurs de fonds du Moyen-Orient et avec les États du Sahel, Rabat peut favoriser des opérations triangulaires.

Il s’agit ici de mobiliser des ressources financières au Moyen-Orient pour constituer des consortiums et investir dans les infrastructures lourdes au Sahel. Les financiers du Moyen-Orient et les entrepreneurs du Maroc bénéficieront de ce montage, mais ce sont les économies et l’emploi des jeunes dans cette région qui y gagneront le plus.
En regardant en avant, et pas dans le rétroviseur, le Sahel et ses voisins retrouveront le chemin du développement. Une voie que le Maroc et tout le Maghreb, ainsi que les partenaires internationaux, se doivent de renforcer. 

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