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Les best practices en période de crise

Il est communément admis que le management dépend du contexte. En période de difficulté ou de crise, le management ne cesse pas d’exister, a contrario il demeure indispensable. D’où l’apparition et le développement du management de crise qui à travers sa pratique, ses outils et ses instruments permet, entre autres, de maintenir la cohésion interne et de préserver l’image externe. Qu’est-ce qu’on entend donc par ce concept ? Quel est l’impact de la crise sur la performance et sur la motivation des collaborateurs ?
Et quels outils de management utiliser en situation de crise ? Le point avec Ali Serhani, directeur associé chez Gesper Services.

Tout système quelle que soit sa nature fonctionne selon trois modes spécifiques : une situation normale, une situation perturbée et une situation de crise. Lorsque l’on parle de crise, cela renvoie essentiellement à cette situation où une entité traverse certaines difficultés (financière, économique, sociale, politique…), qui ont un impact direct sur le bon fonctionnement de son système, notamment sur ses structures de base, ses processus, ses valeurs et ses normes fondamentales.

Les organisations tant publiques que privées font quotidiennement face, à des degrés différents, à des situations problématiques, toutefois elles ne sont pas, toujours, gérées de manière efficace et peuvent engendrer des crises qui auront un impact important non seulement sur l’efficacité des collaborateurs, mais en plus sur la réputation et l’image de l’institution. L’entreprise d’aujourd’hui ne peut plus se concentrer uniquement sur elle-même et sur ses activités, car elle est l’un des maillons du monde économique et social. Son identité est principalement fondée sur le regard que les autres (actionnaires, collaborateurs, clients, fournisseurs…) portent sur elle ainsi que sur ses produits et/ou services. Elle encourt donc plus de risque, et se retrouve face à la nécessité d’intégrer la notion de gestion de crise dans sa stratégie. En effet, en période de difficulté, la fonction management devient d’une importance vitale, car elle permet de redéfinir les priorités et de prendre les mesures nécessaires pour l’atteinte des objectifs stratégiques. Néanmoins, sans l’implication du capital humain, toutes les mesures prises risquent d’échouer, et ce parce que la crise renforce les zones d’incertitudes et brouille les points de repère des collaborateurs. Ainsi la gestion de la crise nécessite de l’honnêteté dans l’analyse de la situation ; la confiance entre les employés au sein de l’organisation ainsi que l’acquisition en interne de ce que l’on appelle la «culture de crise».

De ce fait, l’épine dorsale du management de crise demeure la communication, car elle permet de diffuser des informations efficaces et de mettre la lumière sur des éléments qui pourraient dénouer la crise. Elle favorise également la génération de discours et de représentations qui permettent, a posteriori de rendre acceptable ce qui ne l’était pas auparavant. Par ailleurs, en période de crise l’enrôlement en tant qu’instrument managérial et le management collaboratif en tant que pratique demeurent une nécessité. 

Selma Alami Laâroussi


Pour mieux comprendre

«Le management des risques et des crises», Olivier Hassid

L’entrée dans le XXIe siècle a mis en évidence l’importance des risques dans les sociétés modernes et en particulier dans les entreprises. Terrorisme, faillite de la gouvernance d’entreprise et développement du risque informationnel avec l’essor d’Internet obligent les entreprises à investir ou réinvestir de manière forte le champ du management des risques. Création d’une culture du risque, mise en place de cellules de veille... les outils ne manquent pas pour comprendre et gérer les risques. En s’appuyant sur les références théoriques en la matière et de nombreux cas pratiques tirés de l’actualité récente (crise des Subprimes, ouragan Katrina...), cet ouvrage apporte des réponses aux étudiants en économie et gestion ainsi qu’aux professionnels du risque.


Facteurs clés de succès de la gestion de crise

Anticiper la crise : En situation normale, la cellule de veille devrait s’atteler à prévoir les éventuels risques auxquels l’entreprise pourrait être confrontée. Il faut également anticiper la probabilité que ces crises se produisent, prévoir les risques encourus et détecter les moyens permettant leur maîtrise.
Créer une cellule de crise : Cette entité aura pour mission de coordonner et de lancer les actions nécessaires. Elle est généralement composée d’un responsable de gestion de crise, d’un responsable de communication, d’experts et de porte-paroles.
Elaborer une stratégie de communication de crise : cette stratégie devrait être basée sur un discours cohérent et utiliser les outils de communication les plus pertinents et efficaces par rapport au type de la crise. Il est indispensable de se recentrer sur les valeurs et le projet d’équipe pour traverser la crise. Ainsi, pour bien manager les équipes, il est recommandé de communiquer, d’informer et de rassurer et surtout montrer de la confiance portée envers les collaborateurs.


Entretien avec Ali Serhani, directeur associé chez Gesper Services

«Un bon dirigeant se doit de gérer son entreprise comme si elle était tout le temps en période de crise»

Le Matin Emploi : On entend beaucoup parler, ces derniers temps, de management de crise. De quoi s’agit-il ?
Ali Serhani : En période de crise ou période de «vaches maigres» pour parler terre à terre, les dirigeants des entreprises en difficulté revoient à la baisse toutes leurs prévisions et font en sorte de maîtriser toutes les dépenses et donc optimiser les coûts à tous les niveaux. Cependant, laissez-moi vous faire part d’une remarque toute simple. Un bon dirigeant se doit de gérer son entreprise comme si elle était tout le temps en période de crise, car au moins si cela tourne mal on pourrait dire qu’il était déjà préparé. Il ne faut pas attendre que la situation devienne aléatoire pour commencer à tailler sur les dépenses. Je cite l’exemple de certaines entreprises multinationales qui payaient des salaires mirobolants à leurs nouvelles recrues et qui se sont retrouvées aujourd’hui à licencier toutes ces personnes avec en prime des chèques de départs également mirobolants. Ne pensez-vous pas qu’il aurait été judicieux de voir les choses autrement ? À savoir payer de bons salaires, mais sans atteindre des situations stratosphériques et se dire que si les choses vont bien aujourd’hui, la situation risque de changer demain.
Parmi plusieurs entreprises de la place, notamment les multinationales avec qui notre cabinet travaille depuis plus de dix ans, certaines ont toujours fonctionné en mode «crise». Résultat des courses : la crise dont tout le monde souffre aujourd’hui est quasiment inconnue du bataillon chez ces entreprises. Ce sont les grandes gagnantes. Fonctionner en mode crise ne signifie aucunement appliquer la politique du «goulag», mais tout simplement vivre en fonction de ses moyens, ni plus ni moins. Vous savez nous n’avons pas à être grand clerc. De nos jours et pour comprendre certaines choses basiques de la vie, il y a lieu tout simplement de relire la fameuse fable de la Fontaine «La cigale et la fourmi». C’est très instructif, croyez-moi !

Quel est l’impact d’une crise sur la motivation d’une équipe ?
Quand il n’y a pas de culture d’entreprise, et donc pas de bonne communication en interne, cela se fait ressentir de manière désagréable et l’air devient exécrable au sein de l’entreprise.
L’absence de communication donne naissance à la rumeur qui constitue – ne l’oublions pas – le pire ennemi qu’une entreprise puisse connaitre, car c’est un cancer qui la ronge petit à petit jusqu’à parfois la mort.
L’absence de motivation c’est tout simplement les prémisses d’une crise interne dont profiteront, sans nul doute, les concurrents lorsque ces derniers sont bien organisés et bien informés.

Comment alors manager une équipe en période de crise ?
En présentant les choses telles qu’elles sont et rien d’autre. Il ne faut pas se voiler la face. Dire que ça va mal ne peut qu’aider le manager à mobiliser les troupes. Sauf bien sûr si l’entreprise n’a d’entreprise que le nom et que le manager n’a de manager que le nom. Si c’est le cas et en période de crise, je dirais que vu que le mal a déjà été fait cela ne fera qu’empirer les choses. Cependant si l’entreprise est bien structurée et comme susmentionné il y a lieu, tout d’abord, d’informer le personnel et de sensibiliser les délégués syndicaux et/ou le personnel pour être une excellente courroie de transmission entre la direction et le personnel. Si tel est le cas, le personnel comprendra parfaitement qu’il puisse y avoir par exemple un gel des salaires puisqu’il est informé de la situation. Tout le personnel se serrera les coudes (les commerciaux doubleront d’efforts, le service d’achat optimisera les coûts au maximum en négociant de la manière la plus efficace possible, le service financier déploiera plus d’efforts quant à la gestion des finances de l’entreprise en sensibilisant les banques et les fournisseurs, etc. Vous savez c’est comme en relations internationales. Nous disons qu’un pays n’est fort à l’extérieur que parce qu’il est fort en interne. Nous appelons cela le renforcement du front interne. Et bien, c’est la même chose pour une entreprise. Si sa culture d’entreprise est très forte, nul ne pourra la faire vaciller. Prenez l’exemple des Cheabols sud-coréens et des grandes entreprises japonaises.

Quels outils mettre en place pour lui redonner le sens de l’engagement en l’absence de moyens financiers ?
Je l’ai dit plus haut ! D’abord par la communication quand on est bien sûr dans une entreprise structurée.
Le sens de l’engagement se résumera en une seule chose : «Vous aimez votre entreprise ? Eh bien faisons en sorte qu’elle ne coule pas ! Car si elle coule on coulera tous !
Le cas contraire, nous laisserons cette crise passer et reviendrons beaucoup plus fort». Cependant si la crise est très aiguë et que la situation semble irrécupérable rien n’empêche le manager de demander à ses employés d’aller «chercher ailleurs» tout en leur garantissant leurs salaires pendant leurs recherches même si elles durent plusieurs mois.
Il faut communiquer au maximum pour éviter tout malentendu. Par contre si vous êtes dans une entreprise non structurée dans laquelle il n’y a aucune vision, il serait temps pour le manager de descendre de son piédestal et de revoir de fond en comble ce qui va ou ce qui ne va pas au sein de son entreprise.
Mais je ne pense pas qu’une entreprise non structurée puisse survivre à une crise sauf si elle est dans un marché où le protectionnisme est la règle. Chose qui est très rare de nos jours.

Face aux menaces qui pèsent sur l’entreprise, quelles sont les erreurs à éviter ?
De crier au loup très vite et de profiter de la situation pour licencier des gens et profiter de la crise pour fermer son usine ou encore se recroqueviller pour ne rien faire et se dire comme le font beaucoup de gens que c’est le… destin. Soit vous êtes entrepreneur, mais également un bon manager et donc vous vous retroussez les manches en essayant de faire le maximum pour innover et trouver de nouveaux marchés ou commercialiser de nouvelles cartes, soit vous n’êtes rien et le seul conseil que je pourrais donner à ce genre de manager est de laisser de côté l’entrepreneuriat et donc d’aller faire autre chose.
Cependant, je ne cesserai de le dire : une crise se gère, mais il faut toujours être prévenant et donc je reviendrai toujours et comme susmentionné à la fameuse fable de la Fontaine «La cigale et la fourmi». 


Ses recommandations

Ma première recommandation consiste en un point essentiel : même si votre entreprise se porte bien, faites en sorte que votre management soit toujours en mode «crise». Les frais fixes qui sont parfois lourds constituent l’un des points faibles de beaucoup d’entreprises, c’est ce qui est fatal pour celles-ci. Ce n’est pas parce que vous avez connu une croissance fulgurante que vous commencerez à investir à tort et à travers dans des chantiers où le risque existe ou dans des domaines dans lesquels la concurrence fait rage. Vivre en mode crise ne signifie pas vivre en autarcie ou payer son personnel avec des cacahouètes. Il faut bien sûr éviter de faire des économies de bout de chandelle et dire que c’est de l’optimisation de coûts, comme il faut éviter de s’offrir le luxe d’avoir une ou deux berlines aux frais de l’entreprise, car votre statut de patron ne vous autorise pas à rouler dans une voiture ordinaire.

Propos recueillis par Najat Mouhssine

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