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Nouvelles stratégies pour une nouvelle guerre pas si froide

● Guillaume Jobin
Président de l’Ecole supérieure de journalisme de Paris Auteur de « Lyautey, le Résident ».

Nouvelles stratégies pour  une nouvelle guerre pas si froide
Le probléme EST social • Le terrorisme sahélien se nourrit d’individus déracinés, de déspiritualisés et de migrants potentiels en route vers l’Europe.bPh. AFP

L’AL’Afrique sahélienne est en voie d’être rongée par le terrorisme soi-disant islamique radical. Mali, Niger, Tchad, Soudan, mais aussi leurs voisins du nord et du sud, les pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne immédiate, peinent à contrôler une situation de conflit, dont, hélas, les ramifications s’étendent jusque dans les cités des banlieues européennes et au Moyen-Orient.

Des solutions inopérantes

Aucune solution politique locale, à ce stade, ne peut être efficace, en l’absence d’interlocuteurs ayant la volonté de discuter. Le recours à l’ONU est sans objet puisque ces conflits ne sont pas interétatiques. Les envois de contingents militaires occidentaux, appuyés par des troupes africaines, comme l’a fait la France au Mali en 2013, ressemblent à l’usage d’un extincteur d’eau sur un feu d’essence, à peine la flamme éteinte, un nouveau foyer se déclare à proximité. Projeter des forces d’Europe coûte cher, demande des moyens logistiques, des avions gros-porteurs, des infrastructures locales de réception à créer de toutes pièces, délicates en période de restrictions budgétaires et des décisions politiques lourdes qu’aucun dirigeant ne veut prendre face à l’opinion publique. Enfin, 1.000 parachutistes français au milieu du désert, c’est une cible facile pour un ennemi insaisissable.

Sur qui rejeter la responsabilité de gérer la situation ?

C’est bien sûr aux Africains de se prendre en main, mais on ne peut pas leur demander de gérer seuls une situation dont le caractère mondial est avéré. De plus, les guerres sont en Afrique et au Moyen-Orient, mais les armes sont en Occident. Le fond du problème est que les armées de la région ou du Nord sont structurées en fonction des besoins propres de chaque pays, réels ou imaginaires. Trois exemples proches, la France a la bombe nucléaire, mais contre qui ? Le Maroc gère deux menaces, l’une interne dans ses provinces du Sud, l’autre externe, vis-à-vis d’un voisin qui empile tanks sur tanks et avions sur avions. Les forces subsahariennes sont autant pensées pour maintenir l’ordre que pour asseoir les pouvoirs locaux. Enfin, l’Islam, par nature, ne dispose d’aucune autorité supérieure pouvant rassembler les croyants. Alors que faire ?

Repenser l’approche militaire et politique

«La guerre (osons le mot sans l’aimer) est la poursuite de la politique», disait Clausewitz. Étudions, une à une, les composantes de ce conflit d’un genre nouveau. Un premier axe de réponse est de mutualiser les moyens politiques et militaires. La création d’un organisme temporaire international s’impose, sur place en Afrique, avec la participation de tous les pays qui se sentent concernés par la question. Il n’est nul besoin de créer une nouvelle «usine à gaz», mais un état-major politico-militaire implanté au cœur de la zone sahélienne est nécessaire, un peu comme les Occidentaux l’ont fait pendant la révolte des Boxers, en Chine, en 1899. Le champ à traiter est plurinational, la solution est donc transfrontière. Or, les nomades du Sahara, abusivement appelés les «Touaregs», présentent cette caractéristique qui ignore les douanes, de la vallée du Nil au rivage atlantique de l’Oued-ed-Dahab.

Réveiller les ethnies et les tribus

Un peu comme en médecine, les vieux remèdes sont parfois utiles contre des maux chroniques. Réveillons les ethnies et les tribus de la zone sahélienne. Leurs structurations, rongées par la globalisation et le monde moderne, sont une force face à un ennemi qui se nourrit de déracinés, de déspiritualisés et de migrants potentiels en route vers l’Europe. Les méthodes du Sultan Ahmed al Mansour ad Dahbi au 16e siècle, en route vers le «Soudan», et celles des militaires français des années 1900 dans l’AOF (Afrique-Occidentale française) ne sont pas sans intérêt. Il ne s’agit pas de reformer les compagnies sahariennes montées ou les méhallas sultaniennes, mais d’envisager un nouveau format.

Le problème est militaire ?

Les Européens ont les armes, les moyens de communication et de détection électroniques. Alors, payons des tribus volontaires, armons-les, envoyons-leur des conseillers techniques et des objectifs clairs de zones ou de routes à contrôler.
Rien de nouveau sous le soleil, ce sont les méthodes des Forces spéciales américaines qui ont fonctionné avec succès, dans la France occupée en 1944, et au Vietnam dans les années 1970. Le problème est d’apparence religieux ? Utilisons les lettrés de l’islam que le Maroc sait former et envoyons-les au sein de ces mêmes tribus expliquer les bases saines auxquelles elles doivent se rattacher.

Le problème est linguistique, sociologique et social ?

Le terrorisme sahélien se nourrit d’individus déracinés. Soyons cyniques, mais sans perversion, deux sources de déracinés sont à la disposition d’une solution efficace, d’abord les immigrés d’Europe et ensuite les candidats à l’émigration sauvage. Les premiers, en raison de l’histoire coloniale, comportent des représentants de toutes les ethnies et les dialectes du Sahel. Parmi eux, la nature humaine fait qu’il y en a forcément un certain nombre qui peut être formé rapidement, encadré et mis à la disposition de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) et de l’armée françaises, par exemple, et lever les problèmes de l’écoute des communications. Les migrants hantent le Maghreb, de Tanger aux barbelés de Sebta, rejetés par les pays, ils sont une proie facile pour les terroristes, recrutons ceux qui peuvent l’être, négocions un avenir meilleur avec eux.
Rien de nouveau sous le soleil d’Afrique, c’est le principe de la Légion étrangère française et du Tercio espagnol. Prendre ces deux voies en ressources humaines répondrait aux besoins linguistiques et d’analyse des Occidentaux et des Maghrébins, mais tarirait aussi les recrutements de cadres des terroristes.

Le problème n’est pas une question de frontières ?

Alors, faisons fi des frontières ; la mauvaise volonté politique de certains pays de la zone de conflit va créer des trous sur la carte, incontrôlés. Mais ces trous sont aussi des corridors dont l’étendue est restreinte par les contraintes géographiques, les montagnes, les ergs, où les moyens des forces du monde libre peuvent alors intervenir et se mettre en embuscade sans avoir à ratisser des centaines de milliers de kilomètres carrés.

Le problème est technologique ?

Le Maroc a montré l’exemple de l’utilisation avec succès de corridors où l’adversaire est canalisé par un «mur» de sable. Adaptons la méthode avec l’emploi de moyens de détection électroniques, couplés aux images satellitaires, autour de ces mêmes corridors.
Quelques boitiers électroniques alimentés par l’énergie solaire et des récepteurs dont l’emploi est expliqué aux forces tribales, auront une vertu préventive par l’usage répété et coûteront moins cher que de former ces ponts aériens militaires qui, de toute façon, arrivent après la bataille, quand le pick-up du terroriste s’est évanoui dans le désert. Ne négligeons pas l’impact psychologique de ces mesures, une fois mises en place, sur les «troupes» des terroristes ! 

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