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Le prix du foncier rebute les investisseurs privés

Si l’offre en parcs logistiques et en immobiliers de stockage demeure faible au Maroc, c’est que le prix du foncier situé à proximité des grands marchés est cher. Un coût moyen de 13 millions de dirhams, hors droits de mutation, pour 1 hectare de terrain nu dans un parc industriel à Nouaceur rend difficile la rentabilisation d’un investissement immobilier à vocation locative. L’analyse d’Alain De Grève, directeur général d’Experteam.

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Les spécialistes et les observateurs sont unanimes : le marché de la logistique au Maroc n’emballe pas trop les investisseurs privés. Résultats : l’offre en immobilier de stockage et parcs logistiques aux standards internationaux se fait toujours au compte-gouttes. Pour Alain De Grève, directeur général d’Experteam, cabinet de conseil en immobilier industriel et de stockage, le premier obstacle pour l’investisseur est le prix du foncier, situé particulièrement dans les zones proches des grands marchés. «Par exemple, un coût moyen de 13 millions de dirhams, hors droits de mutation, pour 1 hectare de terrain nu dans un parc industriel à Nouaceur rend difficile la rentabilisation d’un investissement immobilier à vocation locative», explique De Grève.

Le spécialiste évoque d’autres raisons comme la faible planification des PMI, qui impose aux promoteurs de l’immobilier de stockage de se lancer dans des opérations à blanc assez risquées. «Le vide locatif initial est souvent long et impacte les résultats des promoteurs. Les foncières, par exemple, même si elles sont adossées à des banques, préfèrent investir dans des bâtiments qui sont déjà occupés par des locataires», détaille le DG d’Experteam.

Selon son analyse, le marché demeure étroit, car beaucoup d’opérateurs marocains hésitent à externaliser leur logistique à des spécialistes, de peur de perdre le contrôle sur leurs flux financiers et de marchandises. Mais comment se porte l’offre actuelle en parcs logistiques ?
Alain De Grève tient d’abord à apporter cette précision : «la logistique est une activité de gestion et d’optimisation permanente des flux physiques et d’informations.

Cette activité, essentiellement intellectuelle, relève du management tactique et opérationnel. Les logisticiens utilisent deux moyens fondamentaux : le stockage et le transport». Pour le patron d’Experteam, fusionner ces deux moyens et croire que la logistique se résume à eux, c’est biaiser l’analyse et s’exposer à de coûteuses erreurs de perspective. «Force est de constater qu’il n’y a que peu de véritables logisticiens au Maroc, car l’externalisation de cette fonction est encore perçue par les PME/PMI comme un coût plutôt que comme un investissement dans un gain de productivité», explique-t-il. De Grève affirme que si l’on parle d’infrastructures de stockage, il faut observer qu’actuellement, il y a un éparpillement de l’immobilier. «Je ne fais, bien sûr, pas référence aux stockages de conteneurs maritimes, d’hydrocarbures et de céréales qui sont des cas spécifiques, mais bien de stockages de matières, composants et produits industriels qui constituent la gamme la plus large de marchandises et qui font l’objet de manutention, de regroupements, de préparations et de reconditionnements, réfrigérés ou non.

Ces activités pré et post-industrialisation utilisent peu les parcs logistiques développés récemment par l’État. Elles sont majoritairement intégrées dans le tissu de production, au sein des usines ou à proximité», analyse-t-il. La dispersion est donc grande : «Par exemple, le Grand Casablanca compte plus de 30 zones et parcs de production industrielle. Les bâtiments de stockage sont aussi souvent insérés dans les zones urbaines, étape finale de la distribution», décrypte De Grève. Notre expert indique qu’en termes de quantité, les bâtiments de stockage aux normes internationales sont peu nombreux pour l’instant alors que les réaffectations sommaires de bâtiments industriels, de manufactures ou de hangars agricoles vers une fonction de stockage le sont plus. «Mais leurs caractéristiques ne correspondent pas à la demande des nouveaux opérateurs en termes de hauteur sous plafond, de résistance de la dalle, de sécurité, d’hygiène et de sécurité juridique (titre foncier, certificat de conformité, permis d’exploiter, etc.). Néanmoins, bon nombre de PMI se contentent de ce type de bâtiments pour des raisons de coût», souligne-t-il.

Selon De Grève, dans les périphéries de Casablanca (Aïn Sebaâ, Bouskoura, Ouled Saleh, Nouaceur), le loyer mensuel moyen hors taxes des bâtiments de stockage aux normes internationales se situe entre 42 et 50 DH/m² alors que des bâtiments réaffectés sont proposés à 35 DH/m² et moins s’il s’agit d’un stockage en étages. «Il faut savoir que la demande des entreprises privées, nationales ou étrangères, se porte vers des superficies de plus en plus réduites : des bâtiments de 1.000 à 2.000 m², en rez-de-chaussée, d’une hauteur utile d’environ 10 m. Et la demande à la location poursuit sa nette avance sur les acquisitions», explique l’expert.


Trois questions à Alain De Grève, DG d’Experteam

«Il faut intégrer l’industrie et la logistique, actuellement sous deux tutelles différentes» 

Le Matin Eco : Le développement de zones d’activités logistiques va-t-il désamorcer la pression sur les prix et réduire les coûts pour les entreprises ?
Alain De Grève : Donnons à nouveau l’exemple du Grand Casablanca : l’on y assiste depuis 3 ans à une baisse des loyers moyens pour les bâtiments aux normes internationales : ils ont chuté d’environ 55 à 46 DH/m² pour des superficies de 1.000 à 2.000 m². Cette diminution substantielle des prix est la conséquence d’une demande moindre due à plusieurs facteurs totalement indépendants de la création de nouvelles zones d’activités logistiques de l’État. Parmi ces facteurs, et outre l’évidente crise économique, on peut citer le cost-cutting des entreprises, l’option pour les opérateurs nationaux de construire eux-mêmes - dans une optique à la fois business et patrimoniale - et pour les opérateurs étrangers, de renoncer à investir directement sur le marché marocain au profit de pays où l’impact du foncier est moindre. La possibilité de se rabattre sur des bâtiments nettement plus éloignés des centres de consommation et donc moins chers est une alternative rarement observée, car les coûts supérieurs de transport des marchandises et du personnel ne sont pas compensés.
Maintenant qu’elles sont pleinement opérationnelles et s’adressent aux mêmes clientèles, les nouvelles zones logistiques de l’État commencent à jouer un rôle de pression à la baisse sur les prix.

Quel est, à votre avis, l’accompagnement que l’État doit apporter au secteur pour favoriser son développement ?
Ces deux dernières décennies, l’État a engrangé une série de succès reconnus internationalement, par exemple dans la promotion des secteurs automobile, aéronautique et l’offshoring. Les modèles économiques ne consistaient pas en une entrée directe de l’État dans ces secteurs, mais bien en un soutien aux conditions générales de développement des opérateurs privés de ces secteurs, avec un effet d’entraînement sur les secteurs associés et donc sur la création d’entreprises et d’emplois. C’est par la même stratégie qu’il serait possible de développer l’immobilier de stockage, considéré comme un secteur économique en lui-même, susceptible de générer à la fois un surcroît de compétitivité pour les entreprises et de nombreux emplois dans la construction et dans les services logistiques.

Comment ?
Pour ce faire, il conviendrait d’intégrer les deux secteurs indissociables que sont l’industrie et la logistique, qui sont aujourd’hui sous la tutelle de deux ministères distincts, avec des stratégies et des échéances peu coordonnées. Dans ce cadre, il serait utile que l’État mobilise du foncier, en assure la viabilisation et le mette à disposition à des prix attractifs à des opérateurs spécialisés, capables de s’engager sur la base de contrat-programmes public-privé équilibrés. Parmi les mesures à y inclure, devraient figurer, entre autres, comme pour les autres secteurs à succès, des incitations fiscales et parafiscales.

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