La question de la pratique du jeûne du salarié pendant l’exercice de ses fonctions reste au cœur des préoccupations des entreprises, qui voient dans cette période un ralentissement de leurs activités. Généralement, le calme règne dans les couloirs des entreprises et l’ennui gagne du terrain. C’est tout une machine économique qui avance un mois durant au ralenti. Maux de tête, manque de sommeil, de nicotine, d’énergie, troubles digestifs… les raisons de la faible productivité chez les salariés sont légion.
«Pendant ce mois les gens ont du mal à gérer au mieux leur train de vie quotidien : absence de sommeil, fatigue, désorganisation au niveau alimentaire, etc.» fait savoir Ali Serhani, consultant et directeur associé au cabinet Gesper Services. Le même constat a été confirmé par maitre Mohamed Oulkhouir qui estime que «durant cette période qui s’étendra cette année jusqu’au 28 juillet, les fidèles s’interdiront de boire et manger du lever au coucher du soleil. Cette situation n’est pas sans conséquence sur l’entreprise, qui doit faire face à des demandes particulières de la part de ses salariés et doit nécessairement s’adapter au rythme pendant ce mois sacré».
Devant ces confirmations, les entreprises se trouvent dans l’obligation de suivre le rythme actuel et d’adopter des mesures capables de gérer l’environnement de travail, car garantir une rentabilité satisfaisante pendant cette période avec moins de stress nécessite une gestion axée sur des démarches RH cohérentes. L’enjeu est donc de taille : Lutter contre le désengagement des collaborateurs, Motiver les salariés, Développer leur engagement, évacuer le stress et même apaiser les tensions… n’est pas chose aisée. Selon M. Serhani, «Certaines entreprises ont commencé à se baser sur l’horaire de l’administration, car elles ont constaté qu’à partir de 15 heures leurs employés cessaient d’être productifs. D’autres entreprises permettent à leurs employés de faire le gros du travail après le ftour vu que leurs activités nécessitent une attent ion particulière donc pas de droit à l’erreur. Enfin pendant ce mois la pression est beaucoup plus souple de la part de management, car les conditions de travail sont parfois très difficiles».
En effet, les GRH doivent déterminer les méthodes de gestion de cette période avant l’arrivée du mois pour ne pas entraver le déroulement du travail tout en répondant efficacement aux besoins de la clientèle. «La gestion de ce mois sacré se fait en aval c’est-à-dire bien avant l’avènement du ramadan puisque les entreprises les plus structurées essayent de faire le gros du travail bien avant pour gérer ce qui n’est pas urgent pendant ce mois vu que l’activité tourne au ralenti exception faite par exemple pour les entreprises qui ne font que de l’export. Pour celles-ci, le mois du Ramadan est un mois comme les autres, car les donneurs d’ordres ne veulent rien savoir. Néanmoins, les salariés bénéficient de compensation assez large concernant les horaires de travail», explique M. Serhani. Évidemment pour assurer le suivi du travail, les entreprises doivent concilier l’impératif de jeûner avec celui de la productivité et de la rentabilité. «Les entreprises sont confrontées à une véritable problématique ; celle de tenir compte de la situation de leurs salariés jeûneurs, tout en conciliant cet impératif avec celui de productivité et de rentabilité qui leur incombe», assure Me Oulkhouir. Côté salariés, les avis divergent concernant la question de la conciliation entre Ramadan et travail.
Pour M.R, employé dans une société fiduciaire : «personnellement, je travaille durant ce mois sacré sans trop de difficultés. Au contraire, travailler pendant cette période me permet d’effectuer mes tâches avec plus de concentration, il faut juste savoir s’organiser et oublier la faim. Comme je travaille en groupe, les missions sont partagées entre collègues, il faut simplement garder la patience et ne pas s’énerver pour conserver une ambiance de travail détendue et positive qui se traduit par un rendement efficace». K.R, salariée dans une assurance ne partage pas le même avis. Pour cette personne qui remplit la tâche d’assistante de direction, «Ramadan et boulot ne font pas bon ménage. Mon rendement est réduit à 50% par manque de concentration, dû essentiellement au rythme décalé mené pendant ce mois sacré. Le manque de sommeil et d’énergie entame mes capacités à faire face au stress au travail et ralentissent mon rythme dans l’accomplissement de tâches qui ne me demandaient pas autant de temps en dehors du ramadan».
Cadre légale
En ce qui concerne les droits des jeûneurs salariés, la loi marocaine est muette sur la question. Aucune disposition du code de travail ne régit spécifiquement l’organisation du travail pendant ce mois sacré et aucune obligation particulière n’est imposée aux employeurs pendant cette période. Selon Me Oulkhouir, «en l’absence d’obligation légale en la matière, cela relève du seul pouvoir de direction et de gestion des employeurs.
La seule limite de droit commun fixée par le législateur est celle concernant la durée légale de travail hebdomadaire qui ne peut excéder 44 heures hebdomadaires (avec possibilité d’heures supplémentaires)». Pour ce professionnel de droit, «en ne légiférant pas dans la matière, le législateur a, semble-t-il, souhaité laisser une importante latitude aux entreprises».
En matière de sécurité des salariés appelés à exercer des tâches qui présentent une certaine pénibilité, le Code du travail n’impose aucune obligation aux entreprises pendant ce mois sacré, néanmoins ils sont responsables de la santé et de la sécurité de leurs salariés (article 282). Même constat pour le travail de nuit qui, selon Mme Oulkhouir, peut être la bonne solution pour remédier aux aléas naturels.