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Zones de libre-échange du Maroc : le malheur des uns et le bonheur des autres

Le Maroc a signé des accords de libre-échange avec des pays représentant plus de 1,1 milliard d’habitants et la moitié du PIB mondial ; et malgré cela, il continue à afficher des taux de croissance ne dépassant pas 4,5% par an. Les difficultés de la zone euro peuvent constituer une aubaine pour le Royaume, venant renforcer ce gisement considérable de croissance dont il dispose, notamment grâce à son statut avancé avec l’Europe. Or notre pays ne semble n’en tirer aucun profit, car il continue à se focaliser sur son marché intérieur et à tourner le dos à cette fabuleuse manne, car ses choix en matière de politique économique privilégient la demande interne. Jusqu’à quand ?

Zones de libre-échange du Maroc : le malheur des uns et le bonheur des autres

Les résultats du premier tour des élections municipales en France confirment ce que nous avons écrit la semaine dernière sur les sérieuses menaces qui pèsent sur l’euro. La montée des mouvements nationalistes et le retour en force des réflexes identitaires remettent bel et bien en question l’avenir de la monnaie européenne unique. Et même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions, la tendance au repli sur soi est bien là et il faudrait désormais composer avec.

Les risques de voir la zone euro éclatée en deux (zone d’euro fort et zone d’euro faible) sont aujourd’hui bien réels, faute d’une sortie rapide de la crise et d’une intégration politique qui tarde à venir et dont les perspectives s’éloignent de jour en jour. Les pays de la zone euro faible peuvent, si un tel scénario se réalisait, se tourner vers leurs cousins du sud de la méditerranée pour créer un grand espace économique commun. Le Maroc dispose d’atouts certains pour être l’un des grands bénéficiaires de ce grand bloc commercial régional, si les mesures de création d’une base industrielle solide et d’accompagnement des opérateurs marocains à l’export sont entreprises. Or force est de constater que les politiques économiques menées jusque-là par les différents gouvernements font l’inverse.

Constat
Depuis près de deux décennies, le Royaume a signé la création de plusieurs zones de libre-échange (ZLE) s’ouvrant ainsi d’importants débouchés pour ses biens, produits et services. Les pays avec lesquels ces accords sont signés représentent la moitié du PIB mondial et plus de 350 fois le PIB du Maroc. De quoi alimenter une croissance solide synonyme de plein emploi et rejoindre le club des pays avancés.
En dépit de ces accords et de ce qu’ils représentent comme opportunités de croissance pour l’économie marocaine, le taux de progression du PIB des dix dernières années se situe dans la moyenne historique depuis 1960, aux alentours de 4%. Il est un fait certain que ces ZLE sont très concurrentielles et courtisées par toutes les grandes puissances économiques, mais nous aurions pu réaliser auprès d’eux une percée bien meilleure que ce que nous avons réussi jusqu’à aujourd’hui. Car si nous n’avons pas réussi à performer auprès de ces marchés déjà matures, comment escomptons-nous tirer profit de la manne que représente la visite africaine de Sa Majesté ?

Diagnostic
Les maux actuels de l’économie marocaine remontent à la triste politique d’import substitution qui, au lieu de créer un tissu économique fort, a eu les effets inverses sur la compétitivité de l’entreprise marocaine, car elle l’a surprotégé, conduisant ainsi droit aux années 80 et à l’ajustement structurel. Le PAS (Programme d’ajustement structurel) dicté par les bailleurs de fonds internationaux s’est quant à lui davantage penché sur l’assainissement du cadre macroéconomique. Les créanciers devaient s’assurer que le pays honorait ses engagements et payait ses dettes ; la mise à niveau de son tissu productif et le maintien des équilibres sociaux ne faisant pas partie de leurs soucis. Les années 90 ont vu la réalisation des réformes visant la libéralisation et l’ouverture de l’économie marocaine. De 2000 à 2008, les architectes de la politique économique se sont davantage focalisés sur le rattrapage du retard en termes d’infrastructures et de logement et le lancement des plans sectoriels, aidés en cela par l’abondance des capitaux et une conjoncture internationale particulièrement favorable. Ainsi, au lieu de tourner à ce moment-là l’économie vers l’export, en vue d’exploiter pleinement les opportunités ouvertes par les différentes zones de libre-échange, signées par le Royaume, le moteur principal de la croissance fut la demande intérieure dans un contexte de surliquidités monétaires, d’euphorie boursière et de bulle immobilière. Les résultats maigres de notre commerce extérieur ne sont donc que la conséquence inéluctable de nos choix économiques : priorité à l’assainissement macroéconomique, à l’amélioration de la compétitivité industrielle et préférence de la croissance par la demande interne (consommation finale et dépense publique) à la croissance par le développement des échanges internationaux.
Le dernier facteur explicatif, selon plusieurs experts du commerce international est, outre le manque de compétitivité de l’entreprise marocaine à l’export, fruit de mauvais choix économiques, la faiblesse de la culture du commerce international chez nos opérateurs. En effet, même les entreprises les plus performantes ayant d’excellentes chances de réussir à l’international préfèrent servir d’abord le marché local, faute de compétences dans le domaine et de réseaux organisés d’accompagnement.

Pistes de réflexion
Fort de ce constat, le Maroc n’a pas d’autres options que de se tourner pleinement vers l’international et la croissance par la demande extérieure. Nous devons porter notre tissu productif vers les secteurs traditionnels à forte valeur ajoutée (produits manufacturés, biens d’équipements et services de pointe) et vers les secteurs d’avenir, tels que les énergies renouvelables, l’économie de la mer, les biotechnologies et nanotechnologies, les technologies d’information et de communication et autres centres financiers et plateformes logistiques.
Dans cette phase, le gouvernement doit, en plus de la réflexion stratégique, mettre en place les politiques ad hoc pour s’assurer que ces secteurs jouissent d’une dotation factorielle suffisante (ressources naturelles, travail, capital et entrepreneuriat), intervenir directement en tant qu’investisseur (mobilisation d’une partie de l’investissement public et de l’épargne privée) et en tant que manager, il doit également préparer les plateformes et structures d’accompagnement à l’export de nos entreprises.
Enfin, il devient urgent de réformer en profondeur notre système éducatif pour le rendre en phase avec nos ambitions à l’international, car la qualification des individus est aussi importante que la compétitivité des entreprises. Il faut focaliser l’apprentissage sur les langues, la philosophie et les sciences sociales, le civisme, les arts, les mathématiques et les nouvelles technologies, les travaux manuels (métiers d’artisanat) et le sport. Il est également important de créer des universités d’excellence et des centres de recherche, issus de partenariats avec de grandes universités internationales, et les doter des moyens humains, logistiques et financiers à même de les faire figurer en bonne position dans les classements mondiaux (source d’attrait de capitaux étrangers). Une formation de qualité nécessite des fonds importants et constitue un fabuleux levier de création d’emplois (dans plusieurs pays, des villes entières vivent de leur proximité des centres universitaires) et d’entrées de devises (étudiants étrangers).
Aujourd’hui, notre pays renvoie l’image d’un homme d’affaires ayant un carnet de commandes bien rempli, mais qui n’a pas investi à temps dans l’outil de production lui permettant de satisfaire cette demande. Il est temps de combler cette lacune ! 

 

Par Nabil Adel
M. Adel est cadre dirigeant d’assurances, consultant
et professeur d’économie,
de stratégie et de finance.
[email protected]
www.nabiladel74.wordpress.com

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