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Entre l'Accord libyen et le lancement de la Banque maghrébine d’investissement

Pour les observateurs et les défenseurs de l’interminable chantier de l’intégration et l’Union du Maghreb, deux événements majeurs et positivement perceptibles ont indéniablement marqué les derniers jours de l’année 2015. Il s’agit du lancement officiel, le 21 décembre 2015 à Tunis, après vingt-cinq ans de retard, de la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE), et bien évidemment de la signature à Skhirate (Maroc) du «toujours» attendu Accord entre les représentants des différentes factions libyennes.

Entre l'Accord libyen et le lancement  de la Banque maghrébine d’investissement
La région, constituée des cinq pays officiellement membres de la «comateuse» UMA, est classée parmi les moins intégrées au monde, avec une continuité géographique naturellement avantageuse, des économies intégrables et complémentaires, des population

L'Accord signé le 17 décembre 2015 ouvre la voie à la normalisation de la situation institutionnelle libyenne et à la fin, tant espérée, d’un cas inédit dans le paysage étatique maghrébin ; à savoir un seul et même pays avec deux Parlements, deux gouvernements et une réalité sécuritaire extrêmement explosive. Il ne s’agit pas là d’exagérer l’optimisme en vue d’un Maghreb uni dont les institutions d’intégration verront le jour incessamment et seront démocratiquement bâties, mais de rappeler encore une fois la situation illogique du Projet maghrébin. La région, constituée des cinq pays officiellement membres de la «comateuse» UMA, est classée parmi les moins intégrées au monde, avec une continuité géographique naturellement avantageuse, des économies intégrables et complémentaires, des populations homogènes culturellement, linguistiquement et religieusement, et une communauté de destin plus qu’évidente.

La Libye, entre crise et rôle majeur dans la construction du Maghreb

Sans revenir aux origines de l’actuelle situation, la crise que connait la Libye se caractérise par une dichotomie idéologique, territoriale et culturelle au sein même des factions et des protagonistes de la guerre civile que la communauté internationale tente d’éradiquer.
Nous assistons à l’opposition de deux clans : le Parlement de Tobrouk, reconnu et élu en juin 2014, est composé d’une masse hétéroclite de tout ce que l’on peut qualifier de laïc ou libéral. Et le Congrès général national de Tripoli dominé par le camp dit islamiste soutenu par des milices armées dont la principale est Fajr Libya (l’Aube de la Libye). Le processus onusien des pourparlers a donc abouti, grâce à l’implication du Maroc entre autres, à ce fameux accord de Skhirate signé le 17 décembre 2015. Il n’en reste pas moins que la transformation de cet acte important en une réalité sur le terrain demeure du domaine de l’immaitrisable. Au-delà même du partage du pouvoir proposé par l’ONU, la multiplicité des ramifications de la crise, dépassant le cadre libyen stricto sensu, reste le principal obstacle devant la pacification des rapports entre les différentes parties, dont les représentants des factions sont obnubilés par leur avenir personnel, ce qui compromettra inévitablement un véritable processus de reconstruction d’un État libyen constitutionnellement solide et institutionnellement lisible et claire.

Par ailleurs, il est historiquement reconnu que la Libye a toujours eu un rôle dans l’accélération ou non de l’unification des peuples et des pays du Maghreb. Paradoxalement, sa situation actuelle obéit également à cette règle dans la mesure où un Maghreb, sans l’apport politique et économique d’une Libye unie, stable et forte, ne pourra jamais prétendre à un avenir glorieux. Les relations intramaghrébines étant étroitement tributaires des situations sécuritaires et politiques de chacun des cinq pays, l’on ne peut espérer une quelconque intégration, du moins économique, que lorsque la Libye retrouvera son aura politique et économique indépendamment des volontés géopolitiques exogènes.

Non-intégration maghrébine : coût exorbitant pour les économies des cinq pays

En effet, les cinq pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie), pris ensemble, ont un poids économique marginal dans le paysage économique et commercial mondial. Les échanges intramaghrébins sont dérisoires et représentent moins de 3% des échanges extérieurs globaux des cinq pays.
Selon le FMI, la région du Maghreb perd entre 2 et 3% de croissance faute d’intégration économique et commerciale. Avec une population totale de 90 millions d’habitants, le PIB maghrébin global n’a pas dépassé, en 2014, les 420 milliards de dollars. L’espace d’en face, à savoir l’UE, a un PIB qui dépasse les 18.412 milliards de dollars pour une population de 500 millions d’habitants, soit une proportion du PIB maghrébin par rapport à l’UE d’environ 2%. À titre de comparaison, la Belgique avec 11 millions d’habitants totalise à elle seule un PIB supérieur à 520 milliards de dollars. Et même si les 5 pays du Maghreb décidaient aujourd’hui de réaliser l’intégration rêvée, on pourrait voir le PIB maghrébin multiplié, dans 5 ans, par trois, ce qui l'amènerait seulement au niveau de la Corée du Sud.

La BMICE, une première pierre à l’édifice de l’Union économique maghrébine

Tunis capitale économique du Maghreb est un projet qui traverse les générations, et nous avons enfin assisté à un premier pas dans ce sens avec le lancement de la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE), le lundi 21 décembre 2015, en présence du Chef du gouvernement tunisien, des gouverneurs des cinq Banques centrales maghrébines, des ministres des Finances et des représentants des secteurs privés des cinq pays du Maghreb. Nous espérons, nous observateurs et épris de l’unification du Maghreb, voir cette institution jouer son rôle dans l’instauration d’une économie intramaghrébine à travers le renforcement des échanges commerciaux et de la circulation des biens et des capitaux entre nos différents pays. La BMICE pourra ainsi ouvrir différentes filiales, agences ou bureaux à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Espace maghrébin. Cependant, les objectifs stratégiques de l’intégration maghrébine ne pourront être atteints que si les États du Maghreb ont une vision commune de leur destin, face aux enjeux de la globalisation économique, culturelle, politique et désormais environnementale. 

Par Rabii Leouifoudi, membre fondateur et ancien SG, en 2005 à Paris, de l’Union des jeunes euro-maghrébins (UJEM), ancien président-fondateur de l’UJEM-Maroc et chercheur en économie territoriale et en géopolitique.

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