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L'Europe se divise sur la question des réfugiés

Bouchra Rahmouni BenhidaProfesseur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

L'Europe se divise sur la question des réfugiés

Le mois d'août a été riche en scènes et en images terribles et a mis toute l'Europe devant la cruelle réalité du conflit syrien : celle des réfugiés qui affluent pour chercher l'asile. Une situation humaine extrêmement dure à laquelle les Européens ne souhaitent pas tous apporter la même réponse, celle de la solidarité. Mais comment l'expliquer et quels en sont les enjeux ?

Qui l'aurait dit il y a tout juste cinq ans ? La Syrie est devenue le plus grand émetteur de réfugiés en seulement une année. Résultat de la guerre qui frappe le pays depuis maintenant 4 ans, elle a commencé en 2011, après la répression sanglante des manifestations contre l'état d'urgence, et a tué plus de 240.000 personnes et déplacé 12 millions d'autres.

La Syrie, nouvel émetteur de réfugiés

Les réfugiés syriens cherchent l'asile chez des voisins comme la Turquie qui en accueille environ deux millions, mais aussi plus loin vers des terres de paix reconnues comme l'Europe. En 2014, les Syriens ont été 79.000 à entrer illégalement en Europe et rien que pour les 9 premiers mois de 2015, ils sont déjà 87.500 à avoir fait la traversée. Mais dans un continent déjà en perte de croissance et en proie à des problèmes sociaux majeurs, ce nouveau flux migratoire passe mal et est loin d'être le bienvenu.

Une Europe mal à l'aise

La semaine dernière, les Européens, et le monde entier dans une plus large mesure, ont été choqués de découvrir les photos d'un enfant de 3 ans mort noyé, étendu sur le sable. Des images effroyables qui témoignent d'une réalité non moins effroyable, mais qui ne poussent pas pour autant la majorité des pays à réagir. Les français par exemple ont été 55% à se prononcer contre l'accueil des migrants syriens sur leur sol, tandis que la Slovaquie vient officiellement de s'opposer à la demande de Bruxelles d'accueillir des migrants. Quant à la Hongrie, elle vient de terminer la construction d'un mur gigantesque au niveau de ses frontières, ce qui en dit long sur sa position. Et la désormais célèbre journaliste hongroise, spécialiste du croche-pied, vient définitivement ôter les illusions de ceux qui croyaient encore à un malentendu. Mercredi dernier, David Cameron, le premier ministre anglais,
s'est fermement opposé à l'accueil de migrants sur son sol.

Dans des pays comme la Grèce et l'Italie, qui sont déjà critiqués pour leur gestion des migrants, la question n'a même pas lieu d'être posée.
Et la palme d'or revient sans doute au Danemark, qui est allé jusqu'à faire une publicité dans 4 journaux libanais pour expliquer qu'il avait durci ses conditions d'accueil et qu'il était désavantageux pour les migrants de penser à ce pays. On aura décidément tout vu !

Le sursaut de l'Allemagne

Traumatisée par son passé nazi, mais également confrontée à une faible croissance démographique, l'Allemagne s'est portée volontaire pour accueillir 31.443 réfugiés. Une décision courageuse et exemplaire qui mobilise déjà la majorité des citoyens et qui a forcé d'autres pays, jusque-là réticents, à faire des efforts. La France a ainsi accepté d'accueillir 24.031 nouveaux réfugiés, l'Espagne en accueillera 14.931, la Pologne 9.287 et la République tchèque 2.978. Toutefois, il ne faut pas mélanger les choses : l'Allemagne a accepté d'accueillir un quota de réfugiés, mais pas tous les migrants, le pays vient d'ailleurs de rétablir le contrôle aux frontières avec certains de ses voisins pour bien clarifier le message.

En attendant, il reste un total d'environ 80.000 personnes qui doivent être accueillies par l'Europe. Et devant le refus de certains pays, les plus puissants n'hésitent pas à taper sur la table et à évoquer des suppressions de subventions européennes pour punir les réfractaires. L'Union espère ainsi faire rentrer tous ses membres dans le rang et montrer un exemple de solidarité à la planète. Bien entendu, l'Europe n'est pas la seule à œuvrer pour l'accueil des réfugiés et les initiatives se multiplient.

Le pape François a ainsi demandé à chaque paroisse d'accueillir une famille de migrants. De son côté, le Venezuela a entrepris d'accueillir 20.000 migrants syriens au sein de la communauté syrienne résidant dans ce pays. Plus discrète, la Jordanie accueille près d'un million de Syriens, dont près de 100.000 dans le camp de Zaatari, qui est désormais le plus grand du Proche-Orient.

Actuellement, l'Union européenne fait face à la plus grave crise migratoire de son histoire depuis sa création. Non seulement à cause du nombre des personnes qui sont déjà entrées illégalement sur son territoire (près d'un demi-million en seulement un an et demi), de l'urgence dans laquelle elles se trouvent, mais aussi des faibles moyens dont disposent les pays membres. Ce sont ces raisons et bien d'autres qui ont amené certains pays européens à réviser leurs positions sur la crise syrienne pour tenter de guérir le mal à la racine. Le Président français François Hollande déclarait notamment que la solution de la crise syrienne ne passait pas nécessairement par Bachar Al Assad et que son pays était prêt à passer à l'action, mais pour quelles conséquences ? 


Migrant ou réfugié, la grande question sémantique qui secoue la France

La question du flux migratoire agite actuellement l'Europe et en France, elle se pose d'abord de manière sémantique. Le peuple français se demande en effet s'il faut accueillir des migrants ou alors des réfugiés. Une différence de taille puisque le réfugié est celui qui fuit son pays pour protéger sa vie, tandis que le migrant, aussi appelé le migrant économique, décide de partir de son pays pour aller chercher une vie meilleure. Dans le premier cas, la classe politique française se dit prête à accueillir son quota, tandis que dans le deuxième, elle tendrait plutôt à refuser. Cette semaine, plusieurs maires ont ainsi estimé que leurs communes n'avaient pas vocation à accueillir des personnes étrangères supplémentaires, alors que certains se sont dits ouverts à cette solution, à condition d'avoir des renseignements supplémentaires. Une situation qui fait bien sûr les affaires du Front national, le parti qui fait sa spécialité du rejet de l'immigration. Jean Marie Le Pen déclarait ainsi cette semaine que toutes les prédictions à ce sujet s'étaient réalisées, tandis que sa fille Marine affirmait que la France ne pouvait accueillir personne. Une position que semble partager une bonne partie de la population : les derniers sondages indiquent en effet que de nombreux Français estiment que Marine Le Pen ferait une bonne présidente. Mais je vous le demande, où est passé le champion des droits de l'Homme ?


La question religieuse qui ne dit pas son nom

S'il y a une question qui se lit clairement à travers les lignes, c'est bien celle de la religion. Certains l'avancent timidement en parlant d'aider les chrétiens d'Orient, tandis que d'autres le disent clairement. La Slovaquie n'a par exemple accueilli que 200 migrants chrétiens et justifie sa décision par la voix de son ministre de l'Intérieur. Celui-ci estime qu'il est plus simple d'accueillir des chrétiens, car «il n'y a pas de mosquées ici». Rappelons d'ailleurs que la Slovaquie a refusé d'accueillir le quota de 1.500 migrants que l'UE lui avait fixé.

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