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La confiance : un élément indispensable à l’investissement en Afrique

L’Afrique, qui a souvent pâti d’une espèce de crise de confiance en raison de la nature de l’État ainsi que des clichés stéréotypés véhiculés par nombre d’analystes et d’observateurs sur les pays africains, semble de plus en plus en passe de tordre le cou à bien des images négatives, la faisant passer pour une terre vouée au désespoir et la désolation.

La confiance : un élément indispensable  à l’investissement en Afrique
l’Afrique semble avoir saisi l’importance du « capital confiance » dans le processus de création de richesses et le développement social.

En les analyses abondantes sur le développement en Afrique Subsaharienne convergent vers le constat relatif aux défaillances de l’État et son caractère corrompu et rentier. De ce fait, pour certains analystes, des doutes subsistent quant à la capacité de cet État à concevoir, appliquer et suivre des politiques de développement. Il s’agit d’une vision qui est de plus en plus répandue et qui enlève à l’État en Afrique tout rôle dans le développement. Si le contexte institutionnel de certains États africains constitue, certes, un obstacle au développement, il est néanmoins complètement erroné de réduire ces États à des institutions corrompues et des dirigeants cupides. Le processus de développement de l’État en Afrique laisse penser à des améliorations considérables qui caractérisent celui-ci. Derrière ces descriptions réductionnistes de l’État en Afrique se cache une volonté manifeste de servir un projet néolibéral, celui de «l’État minimum».

Toutefois, si les agences de notation, les sociétés d’assurance ainsi que certaines institutions internationales classent l’Afrique parmi les continents où les risques font florès, la nature des investissements et leur dynamisme, portés par certains groupes opérant dans les pays du continent, envoient un message positif qui contraste fondamentalement avec l’image et l’étiquette négative que l’on colle à l’Afrique. Tout semble indiquer que pendant que les uns se méfient de l’Afrique, les autres commencent à lui faire pleinement confiance. D’où des qualifications confuses et ambigües balançant entre afro-optimisme et afro-pessimisme.
Force est opportunément de souligner que l’Afrique, qui semblait, il y a encore quelques années, tributaire du regard que lui porte l’autre, semble à présent de plus en plus productrice de regards sur elle-même. C’est dans cette perspective que l’on peut interpréter les nouvelles dynamiques économiques, politiques, sociales et culturelles que connaissent les pays du continent.

Ces mutations structurelles internes sont l’illustration parfaite de la prise de conscience grandissante de certains dirigeants africains de l’importance de l’amélioration du bien-être de leurs populations et de l’image de leurs pays. Dès lors, l’Afrique semble avoir saisi l’importance du «capital confiance» dans le processus de création de richesses et le développement social. Sans confiance, toute initiative de développement économique et social serait vouée à l’échec.

En effet, la confiance est la condition fondamentale de toute activité humaine. C’est la raison pour laquelle l’insécurité physique et humaine, en produisant une érosion de confiance, sape le processus de développement socio-économique. Ce n’est pas fortuit que dans certains pays africains, où la confiance fait défaut, nous assistions à l’émergence d’un cercle vicieux où des pratiques telles que la corruption, l’insécurité, la culture de rente, l’escroquerie, les mauvaises institutions, la délinquance se renforcent mutuellement et finissent par créer ce que nombre d’observateurs qualifient à tort ou à raison «d’État failli».

Ce dernier qualificatif n’est ni plus ni moins qu’une sorte d’institutionnalisation de la crise de confiance des acteurs nationaux et internationaux dans un pays donné. Autant dire que la confiance doit être considérée comme une ressource nécessaire à la stabilisation et au développement d’un pays. Il est opportun, à ce niveau, de mettre en évidence la limite des indicateurs de mesure de la richesse des Nations. En effet, la prise en compte du PIB, seulement, dans le calcul du niveau de prospérité des pays, semble occulter cette ressource qui est la confiance, sans laquelle, aucun processus de valorisation et de conversion des ressources en développement humain, matériel et technologique ne peut s’enclencher par le biais de l’adhésion de la population au projet de société, la dépersonnalisation des règles du jeu, et l’attractivité des investissements directs étrangers.
Certes, l’indice de gouvernance, tel qu’il est calculé par certaines institutions, prend en compte des facteurs comme l’État de droit, la sécurité, la lutte contre la corruption, la reddition des comptes. Il est tout de même limité dans la mesure où il ne prend pas en compte toutes les dimensions que renferme le concept de confiance. En définitive, la gouvernance n’est bonne que du moment où elle est génératrice de sens et de confiance.

La politique africaine du Maroc : une courroie de transmission de l’énergie positive en Afrique

La coopération entre le Maroc et les autres pays africains se veut un projet collectif de réhabilitation de confiance. À cet égard, les visites effectuées par le Roi du Maroc dans plusieurs pays africains témoignent éloquemment de la disposition de ce pays, outillé par son modèle de développement socio-économique, à contribuer au chantier de reconstruction et de remise en marche de plusieurs pays. Les exemples du Mali et de la Côte d’Ivoire sont, de ce point de vue, très significatifs. De même, l’approche marocaine se distingue en ce qu’elle privilégie le pragmatisme en agissant sur l’amélioration des conditions de vie des populations africaines, plutôt que la stigmatisation des États.

La visite historique effectuée par S.M. le Roi en Guinée-Bissau est l’illustration parfaite de cette nouvelle approche qui ambitionne de lutter contre l’affaiblissement de l’État par les narcotrafiquants, en restaurant la confiance dans celui-ci et en mettant en place des projets susceptibles d’améliorer les conditions de vie des populations. Dans cette perspective, les pays africains sollicitent de plus en plus l’expérience et l’expertise marocaines, qui sont largement reconnues par les politiques, les intellectuels et les analystes de tout bord.
De même, la plupart des accords signés ces dernières années entre le Maroc et nombre de pays africains ont une portée «développementiste» dans la mesure où le Maroc s’engage à mettre son expérience accumulée dans plusieurs domaines (agriculture, développement humain, secteur financier, construction, industrialisation, etc.) au service du développement de ces pays. D’où l’originalité de l’approche marocaine fondée sur le respect mutuel, la mutualisation des bénéfices, la transformation collective des ressources et le renforcement des capabilités des individus par le biais de l’investissement dans le développement humain.

Tout compte fait, le Maroc, en renforçant ses relations avec les pays africains, est en passe de montrer, avec des projets à l’appui, ce que le Sud peut apporter au Sud. Ce processus de renforcement de la confiance dans l’État, d’investissement dans le développement humain, par le biais de projets structurants et non d'initiatives disparates, est la voie à suivre par les autres pays africains pour que l’intégration africaine devienne réalité, plutôt qu’une chimère. 

Echkoundi Mhammed,Professeur d’économie à l’Université Mohammed V Institut des études africaines.

Hicham Hafid,Professeur d’économie ˆ l’Université Mohammed V Institut des études africaines.

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