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La démocratie et la «bonne gouvernance» au centre des préoccupations d’Obama dans un contexte d’intensification de la concurrence en Afrique

L’Afrique devient, ces dernières années, de plus en plus attractive en raison de ses ressources naturelles et humaines ainsi que des réformes institutionnelles introduites au nom de la «bonne gouvernance».

La démocratie et la «bonne gouvernance» au centre des préoccupations d’Obama dans un contexte d’intensification de la concurrence en Afrique
Le Président américain Barack Obama joue sur l'«obamania» et ses origines africaines pour rapprocher les États-Unis de l’Afrique.

De surcroit, avec le déplacement du centre de gravité de la croissance mondiale en faveur des pays émergents, le continent redevient un enjeu stratégique aussi bien pour les pays émergents que pour les anciennes puissances. D’où l’importance graduelle accordée à de nouvelles formes de partenariat se démarquant des schémas classiques basés sur les «conditionnalités», le cantonnement des pays africains au statut de pays exportateurs des matières premières à l’état brut et à des mécanismes externes de financement (aide publique au développement, endettement avec des taux d’intérêt volatils) favorisant l’exportation en Afrique de modèles de développement inadaptés aux réalités africaines.

L’intensification

de la concurrence entre nouvelles et anciennes puissances : une chance pour les pays en développement
Le déplacement du centre de gravité de la croissance mondiale en faveur des pays émergents, la concurrence entre ces nouvelles puissances et les anciennes ne cesse de s’exacerber en vue d’attirer des investissements directs étrangers (IDE), de conquérir de nouvelles parts de marché et d’investir dans des pays considérés comme étant stratégiques en raison de leurs ressources naturelles, énergétiques, minières ou bien de leur potentiel de marché. Ce qui suppose la multiplicité des stratégies commerciales et financières, des modes de pénétration des marchés et du soutien aux entreprises investisseuses. Ces nouvelles stratégies s’appuient sur la mutualisation des efforts des secteurs public et privé et l’implication de plusieurs acteurs. Cette concurrence est très perceptible en Afrique où nous assistons à la multiplication des partenaires et des stratégies en raison des opportunités économiques qu’offrent les pays du continent. Effectivement, nous observons ces dernières années la présence d’une panoplie d’acteurs issus des pays émergents dans le continent.

D’où le regain d’intérêt que suscitent ces nouvelles puissances pour l’Afrique. Toutefois, aussi bien pour les anciennes que pour les nouvelles puissances, l’intérêt pour ce continent est motivé principalement par des considérations énergétiques et minières. On peut, tout de même, souligner l’importance de cette nouvelle situation pour l’Afrique en ce sens que l’intérêt de nouvelles puissances pour le continent est synonyme à la fois d’une diversification des partenaires et de sources de financement. Cela est d’autant plus intéressant que les relations commerciales et financières entre l’Afrique et les nouvelles puissances ne sont assorties d’aucune conditionnalité politique ou économique. Force est de souligner que la concurrence entre nouvelles et anciennes puissances en Afrique se matérialise par une diversification des stratégies ou des politiques africaines des anciennes et nouvelles puissances.

La diplomatie économique est considérée comme la cheville ouvrière de la stratégie des unes et des autres. En effet, l’accès aux marchés, la sécurisation des approvisionnements énergétiques et les investissements stratégiques constituent les enjeux majeurs de cette exacerbation de la concurrence en Afrique. C’est dans ce cadre que s’inscrit la visite du Président des États-Unis à deux pays africains stratégiques, à savoir le Kenya et l’Éthiopie. Une tournée africaine hautement symbolique au regard du choix des deux pays de par leur importance géopolitique et géo-économique. En effet, le Kenya et l’Éthiopie représentent à la fois des enjeux sécuritaires et économiques en raison des défis liés au terrorisme ainsi que des opportunités économiques qu’ils recèlent au regard du dynamisme caractérisant leur croissance économique et leur démographie.

La place importante que revêtent l’énergie, la jeunesse, la démocratie et la sécurité

Dans un contexte de renforcement des relations commerciales, financières et politiques entre l’Afrique et les nouvelles puissances à l’instar de la Chine, le Brésil et l’Inde, nous remarquons un redéploiement des anciennes puissances sur le continent. Ceci est particulièrement le cas de certains pays à l’image de la France et des États-Unis. Ceci s’appuie sur la mise en place de nouvelles stratégies qui se veulent plus pragmatiques et concluantes pour le développement des pays du continent. Ainsi, pour les États-Unis d’Amérique, le regain d’intérêt pour les pays du continent se matérialise par l’organisation de forums dédiés au dialogue entre l’Afrique et les États-Unis, et également de forums économiques, à l’instar du sommet de l’entrepreneuriat qui a eu lieu à récemment à Marrakech. Effectivement, la nouvelle politique africaine des États-Unis accorde une place de choix à la démocratie, l’entrepreneuriat, la jeunesse et la sécurité.

La démocratie, dans la mesure où le Président Barack Obama lors de ses deux discours au Kenya et en Éthiopie au siège de l’Union Africaine, semblait plus que jamais attaché à la démocratie et à la boîte à outils de la bonne gouvernance (lutte contre la corruption, renforcement des libertés, limite des mandats présidentiels, état de droit…). Ce qui veut dire que pour les Américains, le contexte historique marqué par l’arrivée de nouveaux partenaires de développement en Afrique ne signifie pas l’abandon de certains principes universels comme la démocratie. Ouf ! Nous sommes rassurés, mais s’agit-il d’un discours de circonstance au siège d’une Instititution africaine bâtie par les Chinois ou d’un cri du cœur émanant d’un Président qui prend progressivement conscience de ses origines africaines et qui commence à les mettre en avant pour rapprocher les États-Unis d’Amérique de l’Afrique ? Quoi qu’il en soit, cette nouvelle posture qui valorise l’histoire et la proximité relationnelle est une nouvelle donne dans la politique africaine des États-Unis.

L’entrepreneuriat et, en filigrane, la créativité sont la composante principale de la politique africaine des États-Unis. En effet, l’idéologie capitaliste et le dynamisme qu’elle recèle continuent à être considérés par les Américains comme le véritable moteur du changement. Même si le capitalisme tel qu’il a opéré ces dernières années est critiquable, l’Afrique et sa jeunesse ont plus que jamais besoin de l’esprit entrepreneurial défendu par les Américains. C’est en cela que la nouvelle coopération entre les États-Unis d’Amérique et l’Afrique peut être porteuse.
De même, la nouvelle stratégie américaine en Afrique accorde une place cruciale à l’énergie, dont la faiblesse est un véritable obstacle au développement de l’Afrique. En effet, une fraction importante de la population africaine n’a pas accès à l’énergie. En outre, les problèmes énergétiques constituent une véritable entrave à l’entrepreneuriat dans les pays du continent.

L’analyse de la nature des relations commerciales et financières entre l’Afrique et les puissances classiques nécessite la prise en compte de l’évolution des échanges commerciaux et des IDE aussi bien en valeur qu’en nature, sur une longue période. Ce qui se fera par le biais de deux éléments. L’examen de la structure des échanges commerciaux entre ces deux blocs, l’analyse de la nature des produits échangés et de la répartition sectorielle des IDE. Le graphique ci-dessous renseigne sur l’évolution en valeur des exportations africaines vers les puissances classiques, représentées principalement par la France, l’Allemagne, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni, pour la période allant de 1995-2011. On voit que ces exportations, en dépit de leur fléchissement entre 2009 et 2010, suite à la crise mondiale ayant généré une contraction de la demande adressée par les puissances classiques à l’Afrique, ont connu un mouvement haussier entre 1995 et 2011. Les États-Unis sont le premier partenaire commercial par rapport aux exportations des pays du continent avec 92 milliards de dollars en 2011.

Tout compte fait, les exportations africaines sont principalement orientées vers les anciennes puissances coloniales. En outre, l’intérêt grandissant des États-Unis pour l’Afrique est largement perceptible dans l’évolution des échanges commerciaux. Il en est de même pour les autres pays, principalement la France. Ainsi, si entre 1995 et 1998 la tendance fut au fléchissement de la part des puissances classiques dans les exportations africaines, les dernières années laissent penser à un retour fort de ces puissances dans le commerce extérieur de l’Afrique.

Ce que l’on peut qualifier de «redéploiement» des puissances classiques en Afrique. En définitive, la politique africaine des États-Unis se veut pragmatique en ce qu’elle reconnaît l’importance économique de l’Afrique et les progrès réalisés par les pays du continent, stratégique en ce qu’elle prend la pleine mesure des défis sécuritaires auxquels les pays du continent sont appelés à faire face et dont la résolution nécessite une approche globale et coopérative, prometteuse de par la place qu’elle consacre à la jeunesse, l’énergie et
l’entrepreneuriat. 

Echkoundi Mhammed,Professeur d’économie à l’Université Mohammed V Institut des études africaines.

Hicham Hafid,Professeur d’économie ˆ l’Université Mohammed V Institut des études africaines.

Otando Gwenaelle,Enseignante chercheur a l’Université d’Artois (France)

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