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Le lobbying, cette force inconnue en géopolitique et en géoéconomie

Le pouvoir a une face publique qui est représentée par le sommet de l’État, mais il a également une face cachée qui est constituée par le lobbying. Ces hommes de l’ombre, dont nous sommes nombreux à ignorer l’existence, peuvent parfois former ou détruire des alliances, des accords et autres partenariats. Alors qui sont-ils et quelle est leur influence ?

Le lobbying, cette force inconnue  en géopolitique et en géoéconomie

Le lobbying, qu’est-ce que c’est ? Le lobby, ou groupe d’intérêt en français, est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. Le lobby a généralement pour objectif d’infléchir une norme, d’en créer une nouvelle ou de supprimer les dispositions existantes 1. Et pour parvenir à ses fins, il utilise tous les moyens dont il dispose afin d’influencer directement ou indirectement l’application des normes, leur interprétation ou encore l’intervention des pouvoirs publics 2. Le terme de lobby est d’origine anglo-saxonne et l’action des lobbyistes est assez répandue dans ces pays. Dans les pays francophones, elle se fait plus discrète et est moins connue. Il n’en demeure pas moins qu’elle est aussi efficace qu’outre-Atlantique et peut influencer de nombreux événements, notamment géopolitiques.

Lobbyisme, géopolitique et géoéconomie : un lien puissant

Le lobbyisme et la géopolitique pourraient sembler assez éloignés de prime abord, ils sont pourtant aussi proches que les doigts de la main. Dans un article paru sur le site www.diploweb.com, Pierre Verluise, expert en géopolitique, explique notamment que près de 10.000 lobbyistes campent chaque jour dans les couloirs des institutions européennes. En utilisant des rapports d’étude bien détaillés, des invitations dans des lieux propices au rapprochement ou encore des achats de documents de travail de la commission européenne, ils font en sorte de défendre les intérêts de leurs commanditaires (États membres ou hors UE) et poussent les parlementaires à voter ou à proposer des solutions qui leur sont favorables. Le Parlement européen n’est pas le seul endroit où sévissent les lobbyistes : ils sont également plus que bien représentés dans les plus hauts lieux de pouvoir du monde. Et aux États-Unis, par exemple, il n’est un secret pour personne que le lobby pharmaceutique fait tout ce qu’il peut pour empêcher des lois qui lui sont défavorables d'aboutir : l’exemple de la difficulté qu’a eu Obama à faire passer l’Obama Care (une assurance santé minimale) en est la preuve. Ce pouvoir, qui peut aller bien au-delà des instances nationales, est sûrement le plus grand danger que représentent les lobbys. En effet, leur pouvoir n’a cessé de croître ces dernières années et ils sont désormais mieux structurés : des cabinets spécialisés en lobbying ont en effet émergé ces dernières années, à l’image de la firme américaine Burson-Marsteller, pour mettre en place des plans d’action concrets (mobilisation sur le terrain, publicité, contacts avec les médias et les ONG, campagnes par internet…) pour la sensibilisation. Il est donc évident que celui qui détient les moyens nécessaires pour s’octroyer leurs services peut diffuser le message qu’il souhaite, même s’il est nocif. Dans ce cas, où sont les limites et quelles sont les alternatives des citoyens ?

Les citoyens peuvent-ils encore se faire entendre ?

ure actuelle, l’aspect caché du lobbyisme en fait un phénomène difficile à suivre et à règlementer. Difficile en effet de dire à quel moment une invitation amicale d’un lobbyiste à un parlementaire tombe dans le trafic d’influence. Difficile également de dire quand l’échange d'idées bascule dans les consignes de vote. Et cela rend le travail de la justice particulièrement ardu, sinon impossible. Dans ce cas, quel moyen reste-t-il aux citoyens qui veulent se battre contre les lobbies ? Car la question s’est déjà posée aux États-Unis à de nombreuses reprises et a même fait l’objet de films comme le célèbre «Erin Brokowitch». En général, ce sont des avocats spécialisés qui s’occupent de ce genre de cas et qui défendent les victimes. Ces dernières années, les lanceurs d’alerte se sont multipliés : ces personnes qui dénoncent les scandales sanitaires en échange d’argent sont les nouveaux contre-pouvoirs aux États-Unis et font trembler à elles seules les firmes les plus puissantes. Mais elles ne sont rien en comparaison à des hackers qui arrivent à pirater des centaines de dossiers confidentiels et à les livrer au public. L’affaire WikiLeaks reste notamment l’un des exemples les plus pertinents de l’action que les citoyens peuvent mener contre les lobbies. 

1-Gilles Lamarque, Le Lobbying, PUF, Que sais-je.
2-Franck Farnel, Le lobbying : stratégies et techniques d'intervention, Paris, Éditions Organisation, 1994.


Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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