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Le nouvel équilibre iranien

Derek El Zein,
Avocat à la Cour Maître de Conférences à Paris descartes

Le tout récent accord conclu le 14 juillet dernier sur le nucléaire iranien arrive à point nommé pour favoriser un retour à l’équilibre voire à la pacification de la région proche et moyen-orientale. En effet, après plus de 21 mois d’intenses négociations et volte-face, la fin d’un affrontement de près de 12 ans entre l’Iran et la «communauté internationale» semble vouloir se dessiner.

Le nouvel équilibre iranien
La population iranienne et, par conséquent, le régime ont un besoin impérieux de retrouver un dynamisme économique qui ne passera que par un rôle en faveur de la résolution des conflits de la région et la démonstration que l’Iran est un acteur politi

La situation chaotique dans laquelle est plongée cette région du monde depuis la fin de la seconde guerre d’Irak, les révolutions arabes et les nouveaux équilibres d’inspiration religieuse qui s’en sont suivis, l’émergence de l’État islamique (EI) et finalement la déstabilisation de la Syrie, ne sont que la manifestation d’un remodelage de la région sur fond d’une concurrence entre puissances régionales émergentes et les grandes puissances. Dans ces conditions, comment ne pas s’étonner en effet devant cette résurgence du facteur confessionnel dans un environnement aussi instable que celui qui caractérise cette région ? Comment ne pas être surpris de voir réapparaitre ce qui a failli aboutir à l’écartèlement du Liban pendant la guerre civile de 1975 à 1992 ?

Il est en réalité peu surprenant de voir reprendre forme ce plan de découpage des pays de la région sur un modèle confessionnel et de constater que toutes ces potentielles nouvelles entités souhaitent adopter une structure religieuse de l’État.
Le facteur confessionnel et la solution politique qui accompagne ces nouvelles formes d’État par le biais de l’adoption d’un mode d’administration de la sphère publique qui se veut être basée sur une interprétation plus ou moins rigoureuse des textes religieux, est le reflet d’un affrontement entre les différents modèles politiques existants dans la région. En effet, la volonté de domination d’une Turquie initialement laïque, dont le virage confessionnel amorcé depuis bien longtemps, sur ses anciennes possessions est manifeste. Sa plus grande crainte étant aujourd’hui la création d’un véritable État kurde la privant d’une partie de son territoire. Elle se trouve ainsi dans une obligation objective de ne pas nuire trop fortement à l’EI. De la même façon, l’Arabie saoudite ne peut se permettre qu’un État de la région comme la Syrie reste dominée par une communauté minoritaire non sunnite alliée objective des chiites du Hezbollah libanais et de l’Iran.

Le cas de l’Iraq et de son basculement en direction de l’Iran n’étant qu’un des scénarios d’horreur ne pouvant qu’inciter le Royaume des Saoud à user de toute son influence pour couper le régime syrien de ces alliés du moment. Alors bien entendu et dans ce contexte, la tentative d’affaiblissement réussie et opérée par la communauté internationale ainsi que par certaines puissances régionales de l’Iran sur fond d’une crainte de voir ce pays se doter de l’arme atomique, était sans doute justifiée. En revanche, s’il est louable de ne pas inciter les autres pays de la région à suivre l’Iran dans des projets d’équipement similaires, il est aujourd’hui vital que cette grande puissance économique affaiblie retrouve son rang et puisse servir de contrepoids politique dans la résolution des crises au proche et au Moyen-Orient. En effet, les pompiers pyromanes qui tour à tour ont déstabilisé des régimes autoritaires avec comme objectif de façade de favoriser l’émergence d’un modèle démocratique, n’ont en réalité réussi qu’à propager un modèle politique tout aussi peu pluraliste, menant quelquefois à des troubles pouvant faire regretter à certains la fin des anciens régimes. Plus grave encore, l’équilibre qui existait dans de nombreux pays arabes entre différentes confessions, même s’il était souvent imparfait, avait le mérite de faire coexister convenablement les citoyens. La rupture de cet équilibre et les exactions qui en ont été la conséquence, ont rendu nécessaire le retour plus politique que militaire de la République islamique, qu’aucun embargo n’a réussi à briser jusqu’aujourd’hui.

Il est sans doute prématuré d’affirmer que l’accord sur le nucléaire iranien servira de clé à la résolution du confit syrien par exemple, mais également des affrontements au Yémen ou même des problèmes de l’Afghanistan, mais il n’en demeure pas moins que l’espoir d’une solution politique dans ces pays n’est aujourd’hui plus totalement exclu. En effet, le soutien massif de l’Iran au régime syrien, s’il a servi d’argument à la négociation de cet accord, servira sans doute par la suite à la pacification de cette guerre civile. De la même façon, le virage bien moins belliqueux pris par l’Iran en la personne du Président Rohani, son expérience de la négociation internationale auront une influence positive sur l’implication du Hezbollah dans ce conflit. Ceci ne pourra que bénéficier à la scène politique libanaise en mal de Président de la République depuis trop longtemps. Précisons par ailleurs que le conflit syrien qui alimente très fortement en réfugiés tous les pays de la région, sont des pays en voie de développement, qui, sans aide internationale, ne sont pas en capacité d’absorber efficacement cet afflux. Les problèmes économiques et sociaux que cela engendre sont souvent insurmontables à court et a fortiori, à moyen terme. C’est le cas pour un pays comme le Liban qui en accueille l’équivalent d’un quart de sa population, mais également pour la Jordanie ou même la Turquie.

La résolution de la guerre civile syrienne, vitale pour les Syriens, l’est au moins autant pour de nombreux pays de la région. Face à la réintégration au sein de la communauté internationale de l’Iran, la crainte d’un rôle négatif joué par ce pays bénéficiant à nouveau de revenus financiers importants, est malgré tout évoqué par certains. Il semble pourtant être dans l’intérêt de la République islamique d’aller dans le sens de la pacification. En effet, la population iranienne et, par conséquent, le régime ont un besoin impérieux de retrouver un dynamisme économique qui ne passera que par un rôle en faveur de la résolution des conflits de la région et la démonstration que l’Iran est un acteur politique et économique régional incontournable. 

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